Législatives : tout pourrait bien se jouer sur l’abstention<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Législatives : tout pourrait bien se jouer sur l’abstention
©

Excès de confiance ?

Avec la modification du seuil de maintien au second tour (12,5% des inscrits au 1er tour), le niveau de l'abstention devient déterminant pour anticiper le nombre de triangulaires où le FN est un danger pour l'UMP. Les analyses de Bruno Jembar (OpinionWay) et Jérôme Sainte-Marie (CSA).

Bruno  Jeambar, Jérôme Sainte-Marie

Bruno Jeambar, Jérôme Sainte-Marie

Bruno Jeambar est le Directeur Général adjoint de l'institut de sondage Opinionway. Jérôme Sainte-Marie est directeur du département politique-opinion de CSA.

Voir la bio »

Combien de triangulaires peut-on estimer qu'il y aura dimanche soir à l'issue du premier tour du scrutin des législatives ? En se référant aux résultats du 1er tour de l'élection présidentielle 2012, le Front national devançait l'UMP dans 61 circonscriptions et s'en approchait de moins de 5 points dans 121 autres.

Dans le détail, et tel que le soulignait Philippe Chriqui dans un article du Nouvel Observateur si les candidats du Front national obtenaient dans chacune des circonscriptions un score identique à celui de Marine Le Pen le 26 avril  (17,9%): 

  • Avec une participation de 58%, ils pourraient se maintenir dans 170 circonscriptions (78 si le FN ne fait pas 18 mais 16%) ;
  • Avec une participation de 60% (la plus probable d'après les sondages), ils pourraient passer la barre des 12,5% d'inscrits et se maintenir dans 193 circonscriptions  (106 avec un FN à 16%);
  • Avec une participation de 62%, ils pourraient se maintenir dans 210 circonscriptions  (132 avec un FN à 16%);
  • Avec une participation de 65%, ils pourraient se maintenir dans 237 circonscriptions (166 avec un FN à 16%).

Atlantico : Les sondages semblent indiquer une victoire de la gauche "plurielle"  qui pourrait bien la devoir à la mobilisation du Front national. L'abstention, qui joue un rôle crucial relativement au nombre de triangulaires, sera-t-elle la clé du résultat de ces élections législatives ? 

Bruno Jeambar : C'est un élément décisif parce qu'une abstention forte est le signe qu'un camp se mobilise moins que l'autre. Derrière une abstention massive, il y a toujours une abstention différentielle. Cette fois l'abstention s'annonce plus forte à droite. L'abstention détermine également le niveau que devra atteindre le FN pour se maintenir. Si l'abstention est forte, le FN aura plus de difficulté à se maintenir. Il y aura donc moins de triangulaires et une situation plus favorable à la droite parlementaire.

Jérôme Sainte-Marie : L’abstention peut être importante. Après la présidentielle, il y a des phénomènes de découragement qui peuvent à droite nuire à la mobilisation. Inversement à gauche, il peut y avoir un excès de confiance, avec l’impression que l’alternance a déjà eu lieu et qu’il n’est pas nécessaire de se déplacer.  Par ailleurs, l’abstention, en vertu de la loi électorale, conditionne la qualification pour le second tour, et défavorise le Front National.

Le Front national tablait sur une centaine de triangulaires. Est-ce toujours envisageable ?

Bruno Jeambar : Le Front national pourrait se maintenir dans 100 à 110 circonscriptions avec environ 90 triangulaires, et une quinzaine de circonscriptions avec des duels FN / UMP ou FN / gauche. Mais si le Front National obtenait 16%, ce serait un résultat historique. C'est possible compte tenu du score de Marine Le Pen à la présidentielle et du fait que l'électorat du FN décroche de plus en plus des partis traditionnels.

Autrefois, la décote du score du FN était importante. Le parti perdait un tiers de ses voix lors de la législative qui suivait la présidentielle. Mais aujourd'hui, le vote FN est devenu un vote d'adhésion et les électeurs de Marine Le Pen ont tendance à revoter. Il faut néanmoins rester prudent. Si le FN perd seulement un point par rapport au sondage et passe de 16% à 15%, ses candidats ne pourraient se maintenir que dans une quinzaine de circonscriptions.

Jérôme Sainte-Marie : Il faut remonter à 1997 pour avoir 133 qualifications au second tour du Front national et 76 triangulaires. Le Front national avait fait alors 15% des voix, mais l'abstention était de seulement de 32%. Ainsi, pour ce maintenir, il faudrait que le FN réussisse à atteindre 15%, mais aussi qu’il puisse compter sur une participation importante. Cela paraît assez improbable, compte tenu des chiffres attendus de l’abstention.

L'abstention et le recul du FN profitera-t-il à l'UMP ?

Bruno Jeambar : A 15 ou 14%, le FN ne peut plus se maintenir que dans une soixantaine de circonscriptions, souvent dans des circonscriptions peu décisives où la droite est très faible, et n'a de toute façon aucune chance de l'emporter. Dans ce cas, la droite pourrait espérer monter jusqu'à 260 sièges. A condition qu'il y ait une très bonne résistance de l'UMP dans les duels droite/gauche au second tour. La majorité à gauche serait alors beaucoup plus serrée que prévue. Avec un FN plus haut, ce qui est l'hypothèse la plus probable aujourd'hui, la droite tomberait à 200 sièges seulement.

Jérôme Sainte-Marie : Même si le Front national n’est pas présent au second tour, il maintient son pouvoir de nuisance sur l’UMP, car ses reports de voix sont de meilleure qualité, et handicapent fortement la droite actuellement. Si le Front national réalise un bon score au premier tour, il en sera mécaniquement renforcé et pourra arguer de l’injustice démocratique de ne pas être représenté.  

Une défaite de la gauche est-elle à exclure ?

Bruno Jeambar : La victoire de la droite paraît exclue. La majorité absolue est tout à fait accessible pour le PS qui peut espérer 290 sièges. Dans les dernières enquêtes qu'on a pu faire, on a vu une montée de la gauche. Si le FN est plus bas que prévu, le PS devrait obtenir une majorité moins confortable autour de 240 sièges. L'hypothèse la moins probable c'est que le PS ait besoin à la fois des écologistes et du Front de gauche pour gouverner.

En revanche, il est possible qu'il ait besoin de l'un de ses deux alliés. S'il avait besoin des deux partis, ce serait le signe d'une victoire très serrée. Ce n'est pas ce que l'on mesure aujourd'hui. Reste que les élections législatives sont difficilement quantifiables, car il peut aussi y avoir un mouvement entre les deux tours. En 2007, la victoire de la droite avait été moins nette que prévue au second tour que ce l'on pensait au soir du premier tour. Il y a des mouvements d'amplification ou de limitation qui peuvent se faire entre les deux tours. Il faut donc rester prudent avant le premier tour.

Jérôme Sainte-Marie : Les sondages donnent un avantage évident à la gauche, avec un Front national qui fleurerait avec la barre des 15 %, en décote par rapport à la présidentielle, mais à un haut niveau pour les législatives. On n’a pas la possibilité de trancher actuellement sur la majorité qui émergera de ces législatives, d’autant plus qu’il va falloir compter avec des effets d’entre-deux tours qui parfois corrigent le résultat. Pensez à 1988 aux dépends de la gauche, 2007 aux dépends de la droite.



Propos recueillis par Alexandre Devecchio et Franck Michel

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !