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DSK, victime du retour
de la police morale
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Libertinage

Plus d'un an après le début de l'affaire du Sofitel, Dominique Strauss-Kahn est plus que jamais sous le feu des critiques. Jean-Paul Brighelli, auteur de "La société pornographique", y voit un retour à l'ère de l'hypocrisie et du puritanisme exacerbé.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

Voir la bio »

Atlantico : Il y a quelques mois, alors que Dominique Strauss-Kahn était soupçonné de tentative de viol, il était présenté comme « un séducteur un peu lourd ». Aujourd’hui, l’ex directeur du FMI se révèle un haut consommateur de prostitués, et les mêmes poussent des cris d’indignation. N’y a-t-il pas une forme d’hypocrisie dans ce revirement ?

Jean-Paul Brighelli : Je ne crois pas que cela soit de l’hypocrisie. Je pense que notre époque, peut-être car nous sommes à la fois dans une période d’ultra libéralisme et de crise, cultive deux talons d’Achille en même temps. L’un est la pornographie et l’autre le puritanisme le plus éhonté. Ce sont d’ailleurs deux sentiments qui sont partagés à droite comme à gauche.

Les gens qui s’en vont ostensiblement parce que Dominique Strauss-Kahn est invité à un anniversaire me font littéralement gerber. DSK a eu le tort d’être un libertin assumé dans une époque qui ne pouvait que récuser le libertinage, soit au nom de la pornographie franche et pécuniaire soit au nom du puritanisme.

On a l’impression qu’on condamne le sexe pour mieux en parler et se régaler des détails croustillants. Qu’en dites-vous ?

Les puritains ont toujours été des obsédés. Et vice versa, je me demande si parmi les obsédés, il n’y a pas des puritains qui sommeillent. Il est évident que pour assumer complètement la sexualité, il faut savoir transformer ses fantasmes en désirs. Pour ne pas avoir de fantasmes, il faut d’un coté avoir fait la paix avec sa propre sexualité et de l’autre avoir récusé toutes les hypocrisies. L’hypocrisie génère du fantasme, tout comme d’ailleurs la pornographie qui, sous couvert de combler les fantasmes, ne peut qu’en générer d’autres à force de frustration.

Dominique Strauss-Kahn a vécu comme il l’a voulu, baisé qui il a voulu. Je sens une jalousie chez tous ces contempteurs de libertinage qui me laisse doucement rigoler.

Iriez-vous jusqu’à dire qu’on assiste à un retour de la « police de la morale » ?

Il en existe une en Arabie Saoudite qui s’invite régulièrement chez les particuliers. Ici, c’est plus feutré, moins officiel. Jamais l’époque n’a été aussi normative. Nous somme en retrait, en régression manifeste, par rapport à la façon dont on vivait dans la deuxième partie du 18eme siècle. Nous avons 250 ans de retard !

On se dirige donc vers une société fade, complément normative ?

Nous avons désormais un président normal, il est donc logique que nous ayons une société orthonormée. Les deux sont assez drôles à regarder de l’extérieur, mais seulement de l’extérieur. Je pense que qui que ce soit qui prendrait au sérieux l’imposition de normes dans la société actuelle se ferait drôlement « chier ».

Les excès d’indignation des féministes ne confinent-ils pas parfois à un certain racisme anti-homme ?

Je ne crois pas. Il y a beaucoup d’hommes qui adhèrent aux formes les plus outrancières du féminisme. Je tiens à rappeler une chose, ce sont les libertins du 18eme siècle, Pierre Choderlos de Laclos par exemple, qui ont élaboré les thèses féministes les plus avant-gardistes que l’on puisse imaginer. La 81eme lettre des « liaisons dangereuses » représente le plus grand manifeste féministe qu’il soit. Les chiennes de garde peuvent aller se rhabiller !

Le libertinage a toujours défendu les femmes comme il défendait les hommes. Il défend l’humain ! Les gens qui commencent à dire « les hommes », « les femmes », qui veulent des quotas et qui trouvent intelligent de mettre autant de ministres femmes que de ministres hommes sans se demander si les unes ou les autres sont compétents, me font également vomir.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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