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L'économie chinoise s'apparente de plus en plus à une locomotive lancée à pleine vitesse... mais sans freins
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Plus dure sera la chute

Après trente ans de croissance galopante à deux chiffres, la Chine commence à essuyer les premiers déraillements de son système. Jean-Luc Buchalet et Pierre Sabatier reviennent sur tous les faits qui expliquent pourquoi le modèle économique chinois est en sursis dans "La Chine, une bombe à retardement" (Extrait 1/2).

Pierre Sabatier et Jean-Luc Buchalet

Pierre Sabatier et Jean-Luc Buchalet

Pierre Sabatier et Jean-Luc Buchalet sont membres du Cercle Turgot et fondateurs du cabinet de recherche économique et financière PrimeView.

Ils sont les auteurs de La Chine, une bombe à retardement chez Eyrolles (sortie le 31 mai).

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Au regard de l’archaïsme du système de financement de l’économie en Chine, les marges de manœuvre pour le gouvernement central sont minces. Coincé entre la nécessité d’une réorganisation du système et l’obligation de maintenir à flot le tissu essentiel des PME privées et des collectivités locales, l’État n’a pas d’autre choix que d’encaisser les pertes accumulées ces trois dernières années pour éviter les faillites en cascade, qui entraîneraient l’explosion du chômage et le dégonflement brutal de la bulle d’investissement à l’oeuvre actuellement.

La réaction des autorités face à l’augmentation des faillites de certaines PME et la rentabilité vacillante de nombreux projets d’infrastructures, comme le TGV chinois, a été de créer des fonds d’urgence destinés à parer aux faillites. Pour ce qui est des collectivités locales, des règles plus strictes ont été récemment émises, comme le durcissement des normes de provisionnement et de capital de leurs véhicules d’investissement (les LGFV). Quant aux gouvernements locaux, il leur a été demandé de reconnaître explicitement le montant des dettes contractées, afin de nettoyer en profondeur le bilan des banques.

Face à la multiplication des signaux d’alerte en provenance de l’économie réelle – faillites de PME, de promoteurs, baisse des prix de l’immobilier –, les autorités commencent à changer leur fusil d’épaule. Après avoir très légèrement tendu les conditions de financement en 2010 et 2011 – bien que les taux d’intérêts n’aient pas été relevés substantiellement durant la période –, Pékin a décidé de desserrer à nouveau l’étau, en diminuant les contraintes sur les banques[1].

L’objectif est clair : relancer l’économie en distribuant à nouveau du crédit. Mais cette stratégie, qui a formidablement fonctionné en 2009-2010, peut-elle à nouveau porter ses fruits ? Rien n’est moins sûr… On l’a vu, la Chine est déjà au bord d’une grave crise financière liée à la distribution anarchique de crédits au cours des trois dernières années et le bilan des banques chinoises pèse désormais autant (240 % du PIB) que leurs homologues européennes (310 % du PIB pour les banques françaises et 263 % pour la zone euro). Les autorités chinoises disposent donc d’une marge de manœuvre limitée pour accroître à nouveau le volume de crédits.

En parallèle, le gouvernement a lancé un projet pilote permettant à quatre collectivités, dont la province de Zhejiang, d’émettre des obligations à trois et cinq ans directement sur le marché, pour un montant compris entre 20 et 30 milliards de yuans à la fin de l’année 2011.

Dans cette veine, en ranimant le marché des « munibonds »[2] par l’émission d’obligations à trois ans au taux de3,1 % et à cinq ans au taux de 3,3 %, la ville de Shanghaia pu lever en novembre 2011 plus de 7 milliards de yuans.

Les collectivités ont donc trouvé à bon compte des fonds pour continuer à financer des projets d’infrastructures à la rentabilité incertaine… Pourtant, avec une inflation officiellement supérieure à 5 %, les taux réels des placements émis sont négatifs et auraient dû pousser les investisseurs à se détourner de ces émissions. Mais certains n’ont eu d’autre choix que de souscrire à ces opérations sur injonction du gouvernement.

Cela ne règle donc en rien le problème de fond d’une mauvaise allocation de l’épargne chinoise toujours dirigée par le gouvernement central : si les créances douteuses ne sont plus détenues par les banques, elles le sont désormais par les porteurs des obligations. On déplace le problème, sans le régler… Pour aller plus loin, il faudrait édicter des normes comptables plus strictes, avec des autorités de contrôle indépendantes permettant d’obtenir la transparence dans les comptes des entreprises, des banques et des collectivités locales, préalable nécessaire au bon fonctionnement de l’économie. En parallèle, il faudrait que le pouvoir politique abandonne son habitude de considérer le système bancaire comme un outil de politique publique et utilise plutôt les taux d’intérêts[3] comme moyen efficace de contrôle de son économie.

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Extrait de La Chine, bombe à retardement. Bulle économique, déséquilibres sociaux, menace environnementale : la fin d'un système ?, EYROLLES (31 mai 2012)



[1] Baisse du taux de réserves obligatoires, qui correspond au pourcentage de leur encours de dépôts que les banques et autres établissements financiers doivent déposer auprès de la Banque centrale.

[2] Obligations émises par des municipalités.

[3] Et non les réserves obligatoires.

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