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Elizabeth II, ce génie politique qui a su accompagner toutes les évolutions du Royaume-Uni tout en paraissant immuable
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Quand la Reine jubile

Ce week-end et jusqu'à mardi l'Angleterre célébre les soixante ans de règne d'Elisabeth II. Une popularité au zénith qui reflète son adaptation en douceur aux mutations historiques, politiques et morales radicales de sa nation.

Marc Roche

Marc Roche

Marc Roche a été journaliste au Soir, au Quotidien de Paris et au Point, avant de rejoindre l'équipe du Monde. Il publie également dans des journaux britanniques (The Independant, The Guardian) et participe à l'émission Dateline London de la BBC News. Ses écrits concernent principalement les institutions financières (Goldman Sachs) et la monarchie britannique.

Il est notamment l'auteur de Elizabeth II : Une vie, un règne et Elizabeth II : La dernière reine aux éditions La table ronde.

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Atlantico : Comment s’organisera durant tout le week-end ce jubilé d’Elisabeth II ?

Marc Roche : La reine lancera officiellement son jubilé samedi au cours du Derby d’Epsom. Mais l’apogée de ce week-end de fête sera réellement le défilé nautique où paradera une énorme flottille composée de plus de 1 000 bateaux. Ce vendredi et samedi se déroulent les fêtes de quartier et lundi aura lieu le concert de Bukingham, avec – fait amusant – toutes les rocks stars vieillissantes qui se sont proclamées anti-establishment, mais aussi la nouvelle génération telle que Jessie J ou Katy Perry. Mardi aura lieu une cérémonie plus formelle avec le service religieux de la cathédrale Saint-Paul suivi du cortège à la City de Londres. C'est vraiment le plus grand spectacle jamais organisé à Londres.

Comment la population vit-elle ce Jubilé ?

Dans la morosité actuelle due à la situation économique, ce jubilé vient à point nommé pour créer un peu de souffle et de distraction. C’est aussi l’occasion de fixer son regard vers une valeur sûre qui est la monarchie. Toutes les autres institutions du Royaume ont été frappées de scandales : les bavures dans la justice, les notes de frais des députés, les liens entre Rupert Murdoch et les hommes politiques, le scandale de l’homosexualité des prêtres. La seule institution qui ait résisté à tous les scandales depuis la mort de Diana c’est la monarchie britannique, avec une Reine toujours restée au-dessus de toutes les tempêtes. Ce jubilé est aussi un moyen de lui rendre hommage.

Ensuite, au moment où la question de l’appartenance à l’Union européenne est au centre des choses, la Monarchie et les liens avec le Commonwealth permet au Royaume-Uni de se sentir un peu différent.

Dernier point, la Reine est un symbole de la nation au moment où elle est menacée de scission par l’indépendance de l’Ecosse.

Pourtant les Britanniques n’avaient pas l’air très inquiets de ces velléités d’indépendance ?

Parce qu’ils savent que le référendum va se clore par une victoire du non. Les Ecossais savent où est leur intérêts, pour l’instant les Anglais leurs versent plus de subventions qu’ils ne contribuent à la richesse de la nation. Mais néanmoins le sentiment de fragilisation du royaume perdure.

Quelle place occuperont les différents membres de la famille royale lors de ces festivités ?

Il est très clair que c’est le jubilé de la Reine et elle en est le personnage central. C’est elle la vedette de ces quatre jours. Les autres membres de la famille – à l’exception de son mari qui est également célébré pour l’appui qu’il a accordé au monarque toutes ces années – font de la figuration.

C’est donc l’occasion pour la Reine de récolter les fruits de sa présence immuable aux côtés des britanniques ?

Ils lui sont gré d’avoir tout sacrifié à la charge. Quand elle est montée sur le trône en 1952, elle était jeune à 26 ans et complètement pas préparée à ce qui l’attendait. Elle n’avait pas l’intention de régner si jeune. Mais elle a sacrifié à sa charge sa vie personnelle et les britanniques – même ceux qui s’intéressent peu à la monarchie – affirment qu’il faut célébrer ces soixante ans. Après tout, elle a du gérer de nombreux conflits : le recul de l’empire britannique, l’Irlande du Nord qui lui a ravi un membre de sa famille, et la mort de Diana. Elle a aussi vécu des réussites : le rattachement à l’Union Européenne, la décolonisation qui dans l'ensemble a été bien menée et a été marquée par le retrait de Hong Kong, le maintien du Commonwealth, le bon déroulement de l’alternance politique et le fait que les mœurs de sa société ce soient libéralisées.

Pourtant, la Reine elle-même,  malgré tous ces bouleversements reste assez passéiste. Elle n’aime pas les changements et elle les subit plutôt qu’elle ne les provoque. En effet, elle reste très insensible à la multi culturalité de la société britannique et de fait ne représente que l’Angleterre de sa génération, C’est-à-dire une Angleterre blanche, protestante et impériale à l’inverse de son fils Charles.  Dans cette nation arc-en-ciel elle a du mal à représenter les représentants africains, antillais et indien. Après tout, c’est une femme qui a été marquée par la colonisation.

D’autre part, en matière de mœurs, malgré son côté pragmatique et tolérant, elle reste coincée sur certaines questions pour des raisons religieuses. Elle est très croyante et elle refuse d’abandonner ce rôle de gouverneur de l’Eglise d’Angleterre, tandis que son fils Charles est bien plus favorable à l’œcuménisme. Alors que le protestantisme est en recul dans ce pays sous le fait de la montée du catholicisme à cause de la population grecque, polonaise et latino-américaine, et de la progression de l’Islam.

Elle est la garante de valeurs mais qui sont celles de l’ancienne Angleterre.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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