Immobilier : pourquoi la grande dépression risque de durer... <!-- --> | Atlantico.fr
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Les conditions de crédit restent excellentes : au mois de mai, les établissements de crédit ont de nouveau baissé leurs taux d’intérêt.
Les conditions de crédit restent excellentes : au mois de mai, les établissements de crédit ont de nouveau baissé leurs taux d’intérêt.
©Reuters

Achetez ? Vendez !

Si le marché de l'immobilier avait réussi à encaisser la crise de 2008, celle de la dette souveraine est en train de lui porter un coup dur. L'Etat n'a plus les moyens de le soutenir et les acheteurs hésitent. Si l'ancien a été le premier a décrocher, le neuf est en train de rapidement suivre le mouvement.

Michel Mouillart

Michel Mouillart

Michel Mouillart est professeur d'économie à l'Université Paris X, spécialiste de l'immobilier et du logement.

Il est le co-auteur de La modernité des HLM : Quatre-vingt-dix ans de construction et d'innovations (La Découverte, 2003).

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La crise économique et financière internationale qui a éclaté durant l’été 2008 avait profondément déstabilisé les marchés immobiliers : par exemple, et en dépit des dispositions publiques du Plan de relance, le nombre de logements anciens acquis par les ménages avait reculé de près de 32 % entre 2007 et 2009, pendant que le niveau de la construction diminuait de 28 %.

Mais les marchés sont repartis rapidement et, dès le printemps 2011, la crise paraissait n’être plus qu’un mauvais souvenir. Pourtant, à peine remis de cette grande dépression, les marchés immobiliers ont été à nouveau déstabilisés dès le début de l’été 2011, par le déclenchement de la crise de la dette souveraine.

Le marché de l’ancien est traditionnellement plus réactif que le secteur de la construction et il a été le premier à décrocher. Il a été affecté par les inquiétudes de la demande (dégradation du marché du travail, risques sur le pouvoir d’achat, moral au plus bas …) et par le resserrement de l’offre de crédit (anticipation des ratios de fonds propres de Bâle III, contrecoups de la crise de la dette sur le financement de la production nouvelle …).

Aussi, même si le recul a été moins marqué que prévu parce que de nombreux ménages ont durant l’automne réalisé leurs achats immobiliers par anticipation (disparition annoncée du prêt à taux zéro PTZ+ dans l’ancien, l’anticipation des mesures concernant l'imposition sur les plus-values …), le 2nd semestre 2011 n’a pas été bon : par exemple, si on se limite au seul marché de l’ancien, le recul de la production de crédits a été, en glissement annuel, de près de 23 % d’après la Banque de France (crédits mis en force). Mais comme le 1er semestre avait été particulièrement bon, au final, l’année 2011 a tout de même bénéficié d’une légère progression des transactions dans l’ancien.

Cependant, dès le début de l’année 2012, le marché de l’ancien a dû supporter les conséquences de la restriction du PTZ+ aux seuls primo accédants dans le neuf. Et l’activité a continué à reculer : pour la seule année 2012, les achats de logements anciens devraient baisser de l’ordre de 20%.

Et pourtant, les conditions de crédit restent excellentes et d’ailleurs, au mois de mai, les établissements de crédit ont de nouveau baissé leurs taux d’intérêt.

Si le marché de l’ancien a trébuché, puis s’est effondré, c’est donc parce que la demande s’est repliée sous les effets de la crise de la dette souveraine et qu’elle ne bénéficie plus d’un soutien public. Et ce sont autant les primo accédants les plus modestes que les ménages à revenus moyens et élevés qui sont sortis du marché.

Et à cet égard, le scénario est maintenant comparable dans le secteur de la construction, même si le recul est plus récent et d’autant plus spectaculaire : en avril 2012, le nombre de mises en chantier est ainsi en retrait de 47 % par comparaison avec le mois de décembre 2011 ! Au-delà des aléas de l’appareil statistique, la chute est remarquable.

La chute résulte là aussi de la faiblesse de la demande et du contrecoup de la dénaturation du PTZ+ dans le neuf : cette dernière n’a pas simplement consisté en la suppression du  bénéfice de l’aide pour les ménages les plus aisés (les 2 dernières tranches de barème du PTZ+). Elle s’est aussi accompagnée d’une dégradation sévère du niveau de l’aide pour les accédants les plus modestes (la réduction de la durée des différés de remboursement du PTZ+). En outre, les rabotages successifs du dispositif « Scellier » en faveur de l’investissement locatif privé produisent maintenant tous leurs effets.

On peut alors estimer que pour un recul attendu de la construction de l’ordre de 15 % en 2012, le repli de l’accession à la propriété en portera une moitié et la baisse de l’investissement locatif privé, le reste.

Mais alors que le marché de l’ancien devrait connaître une stabilisation de son activité au cours du printemps 2013, le recul de la construction devrait se poursuivre. Dès 2013 en effet, le repli de la construction locative sociale qui s’amorce déjà (fin du PNRU et de l’impact du Plan de Relance, conséquences de la rigueur budgétaire) devrait s’amplifier.

Tous les moteurs de la construction sont donc grippés, encore une fois parce que la demande n’est plus aussi vaillante que par le passé et parce que les soutiens publics sont défaillants.

Et c’est bien pour ces raisons que la sortie de la crise actuelle risque d’être compliquée, plus lente, plus hasardeuse et pas aussi facile que la sortie de la précédente crise. Avec en conséquence, une aggravation du déficit en logements. La crise actuelle finit de ce fait par ressembler à la crise du début des années 90.

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