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Mais pourquoi ce déferlement de faits divers cannibales ?
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28 jours plus tard

Des attaques cannibales font actuellement la une des faits divers en France, mais aussi au Canada et aux États-Unis. Véritable fait de société ou coïncidences fortement médiatisées ?

Michel  Lejoyeux et Jean-François Dortier

Michel Lejoyeux et Jean-François Dortier

Michel Lejoyeux est psychiatre, professeur en médecine psychanalyste à l'Université Paris 7 et chef du service psychiatrie à l'hôpital Bichat (Paris 18). Il a également publié Changer en mieux (Plon, octobre 2011).

Jean-François Dortier est sociologue. Il est fondateur et directeur de publication du magazine Sciences Humaines. Il est également éditeur des éditions Sciences Humaines et du magazine Le Cercle Psy.

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Atlantico : De nombreux faits divers ces dernières semaines touchent au cannibalisme, à Miami, au Canada, et même à Montauban. S’agit-il d’un phénomène nouveau ?

Jean-François Dortier : Cela a toujours existé.  Il y a des cas de  cannibalisme rituel dans certaines sociétés. En Amazonie, on mange les cendres des ancêtres avec du manioc pour ingérer leurs âmes. Il y a aussi le cannibalisme de survivance. On l’a vu dans quelques cas extrêmes, notamment ce crash d’avion en 1973 en Uruguay, où les survivants ont dû manger leurs camarades pour survivre.  Le dernier cas, celui qui apparait au grand jour ces derniers temps, est un cannibalisme pathologique lié si j’ose dire à Hannibal Lecter.  On a affaire à des schizophrènes. Ce sont des cas rares où l’individu est en crise de démence, de délire. Enfin, il y a aussi les affaires où tout est mis en scène, où l’acte est ritualisé dans la lucidité. C’est souvent l’acte d’un psychopathe, comme dans le cas du tueur canadien.

Michel Lejoyeux : Il faut noter qu’il s’agit d’un trouble du comportement avant d'être un problème de « cannibalisme ». Cela a toujours existé. Ce qu’il y a de nouveau, c’est qu’aujourd’hui Internet donne une audience particulière à ces comportements. Ils se réalisent la plupart du temps dans une ambiance toxique.

Est-ce révélateur de l'évolution de notre société ?

Michel Lejoyeux : Non. Notre société ne produit pas de cannibales. La surmédiatisation de ces cas joue un rôle important. Avec la façon dont est diffusée l’information, aucun cas n’est passé sous silence. On a donc l’impression d’une accumulation.  Or, la réalité est tout autre. La raison de ce « cannibalisme », c’est la perturbation du comportement à cause des drogues de synthèse. On n’en parle pas assez mais elles créent de vrais états délirants toxiques. Il y a la MDMA (acide), mais on remarque surtout une recrudescence  de drogues artisanales fabriquées par les sujets eux-mêmes. Ces drogues sont très puissantes. C’est la première raison.

Après, il y a aussi des gens frappés de démence qui entendent des voix et qui ne voient plus l’homme qu’ils dévorent comme un être humain. Sans oublier,  une troisième cause assez importante hélas : la perversion. Certaines personnes éprouvent un réel plaisir à faire souffrir les autres et ce, en toute conscience.

Comment expliquer la fascination que suscitent ces faits divers ?

Michel Lejoyeux : Pour les médias, c’est une bonne façon de faire de l’audience. Ce type d'événement attire notre curiosité. Cela vient de notre fascination pour le mal : il nous révulse mais nous séduit malgré nous. Et puis ces histoires provoquent un plaisir de contraste, un peu comme les histoires d’ogres que l’on nous racontait plus jeunes.  Elles font peur et à la fois, on en jouit car on prend conscience de notre position sécurisante.  Il y a un plaisir malsain que cela ne nous arrive pas. C’est l’anxiété qui nous fait regarder ou lire ces histoires sordides de cannibalisme.  C’est une façon de se maintenir et c’est aussi le défi à la raison : il a une manière de dire que des choses imprévues peuvent arriver.

Propos recueillis par Valérie Meret

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