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Syrie : les Russes et les Chinois maintiennent leur veto à toute intervention occidentale
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parole parole et encore des paroles

L'engrenage de la violence s'accentue en Syrie à la suite du massacre de Houla. Ce mardi, le président français François Hollande a ouvert la porte à une possible intervention militaire en Syrie. Mais la morale politique paraît bien insuffisante pour résoudre cette crise internationale.

Fabrice Balanche

Fabrice Balanche

Fabrice Balanche est Visiting Fellow au Washington Institute et ancien directeur du Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient à la Maison de l’Orient.

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Pour François Hollande, « une intervention militaire en Syrie n’est pas exclue à condition qu’elle se fasse dans le respect du droit international ». S’agit-il d’une réponse de Normand ou de la poursuite du mimétisme miterrandien ? François Mitterrand avait contribué à libérer le Koweït de Saddam Hussein en 1991, le nouveau président François voudrait-il lui aussi entrer dans l’Histoire en débarrassant la Syrie de Bashar el Assad ? Un dictateur qui a eu l’audace de lui adresser une mise en garde, dès le lendemain de son investiture, lors d’un entretien à la chaîne russe Rossia 24 : « l’intérêt de la France ne réside pas dans de nouvelles incitations au chaos et à la crise au Proche-Orient et dans le monde arabe»

Il ne faut pas se leurrer, derrière l’humanitaire et la promotion de la démocratie se cache une politique de puissance traditionnelle, dans la droite ligne des interventions en Afghanistan et en Irak, avec les brillants résultats que nous connaissons. Outre que le coût exorbitant en termes humains et financiers de l’intervention en Irak, la chute de Saddam Hussein a abouti au basculement de l’Irak dans le camp iranien. Quant à l’Afghanistan, l’Alliance Atlantique se prépare à la rendre aux Taliban après les avoir combattu pendant plus d’une décennie. Ces deux exemples devraient nous rappeler que la démocratie ne s’installe pas naturellement au Moyen-Orient, après le départ d’un tyran, qui plus est lorsqu’elle est imposée par des libérateurs armés venus de l’étranger.

Plus prosaïquement, il semble que notre nouveau président de la République soit obligé de reprendre à son compte la politique d’Alain Juppé à l’égard de la Syrie, en exerçant une certaine surenchère verbale, pour ne pas être accusé de mollesse sur le plan international. L’expulsion de l’ambassadrice de Syrie, en concertation avec les autres dirigeants européens, apparaît comme un signal fort aux yeux de l’opinion publique, et le discours va-en-guerre est salué par les ténors socialistes, mais en même temps, François Hollande énumère dans son discours les raisons de la non intervention militaire en Syrie : le respect du droit international, une armée syrienne puissante et une opposition divisée. Au final, il propose comme mesure concrète une réunion des « Amis de la Syrie » début juillet à Paris. Il est certain que cette annonce fracassante fait trembler Bachar el Assad et que Vladimir Poutine sera dans ses petits souliers vendredi prochain lors de sa rencontre avec François Hollande.

La Russie n’a aucune intention de changer de position sur le dossier syrien. Elle veut retrouver son rang de puissance mondiale, or le Moyen-Orient est la région où toute grande puissance se doit d’être présente, pour disputer aux Etats-Unis leur hégémonie sur les principales ressources pétrolières de la planète, dont la France bénéficie quelque peu grâce à l’Alliance Atlantique. La Chine, forte de sa puissance économique, est bien décidée, désormais, à contester la puissance américaine dans le Golfe arabo-persique et sur d’autres terrains stratégiques dans le monde. La convergence de vue, entre la Chine et la Russie sur la Syrie, constitue un parfait exemple de la nouvelle alliance sino-russe face aux Etats-Unis et plus globalement l’Alliance Atlantique. La France et l’Union européenne endettée ont-elles les moyens de s’opposer fermement à deux des plus grands excédents commerciaux de la planète ? Vladimir Poutine risque de le rappeler à François Hollande qui a fait de la croissance la priorité de son quinquennat.

Concrètement sur le terrain syrien, la situation n’est pas aussi manichéenne que la plupart des médias l’expriment. Le régime syrien est face à une révolte populaire qui s’explique en partie par les mêmes causes que celles qui ont éclaté en Tunisie et en Egypte. Cependant, au fil des mois, des acteurs extérieurs sont venus se greffer sur ce conflit intérieur. Les pays du Golfe ont encouragé la militarisation de l’opposition, seul moyen, selon eux, de faire tomber le régime pro-iranien de Bachar el Assad. Les Jihadistes arrivent en renfort contre ce « Président impie », car de confession alaouite, qui « protège Israël ». Ayman Al Zawahiri a justifié le Jihad contre le régime syrien, en rappelant que c’est après avoir éradiqué le chiisme du Proche-Orient que Nour ed Din et Saladin avaient pu reprendre Jérusalem aux Croisés. La chute de Moubarak et bientôt celle de Bachar el Assad sont, selon al-Qaïda, la condition indispensable pour ensuite pouvoir libérer Jérusalem et la Palestine des sionistes. Les attentats à la voiture piégée, le harcèlement des troupes du régime, les enlèvements et les assassinats par des bandes armées qui se réclament de l’Armée Libre Syrienne ou de groupes salafistes n’ont pas cessé malgré le cessez le feu décrété par le plan Annan. De son côté le régime syrien n’a rien changé à sa politique de répression, considérant que c’est à l’opposition de poser les armes la première.

Le massacre de Houla, village sunnite, sans doute perpétré par des milices pro-régime constituées par des alaouites dans cette région, est symptomatique de l’engrenage de la violence qui se produit en Syrie. En novembre 2011, Houla avait déjà été victime d’un massacre puisque 9 ouvriers sunnites avaient été assassinés en représailles à la mort d’une dizaine d’alaouites à Homs. Ces pratiques rappellent malheureusement ce qui s’est produit durant la guerre civile libanaise avec la multiplication des meurtres communautaires, tel que l’anéantissement du village chrétien de Damour, en 1976, faisant suite au massacre du camp palestinien de la Karantina par le parti phalangiste chrétien. Nous entrons en Syrie dans une nouvelle phase du conflit où le communautaire l’emportera de plus en plus sur le politique. Les massacres de civils devraient se multiplier en l’absence de volonté d’apaisement des parrains extérieurs.

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