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Mauvais chiffres de croissance : mais où le gouvernement trouvera-t-il l'argent pour son programme ?
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Crise, quand tu nous tiens

Les prévisions de croissance sont moins optimistes que celles prévues dans le programme de François Hollande. Le Président de la République a annoncé ce mardi sur France 2 qu'il faudrait donc trouver "de nouvelles économies"... sans préciser leurs origines.

Marc Touati

Marc Touati

Marc Touati est économiste et président fondateur du cabinet ACDEFI (aux commandes de l'économie et de la finance). Il s'agit du premier cabinet de conseil économique et financier indépendant au service des entreprises et des professionnels.

Il a lancé en avril 2013 la pétition en ligne Sauvez La France.com pour diminuer "les impôts", les "dépenses publiques superflues" et "retrouver le chemin de la croissance" afin de "sortir par le haut de cette crise".

Il est également l'auteur de Quand la zone euro explosera, paru en mars 2012 aux Editions du Moment. Son dernier livre est Le dictionnaire terrifiant de la dette (Editions du moment, mars 2013).
 

 

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Atlantico : François Hollande était mercredi au Journal de 20h sur France 2. Les prévisions de croissance sont moins optimistes que celles prévues dans son programme. Où peut-il trouver de nouvelles sources de recettes pour réussir son objectif d'équilibre budgétaire en 2017 ?

Marc Touati : Le principal problème est celui du flou qui entoure les mesures qui seront prises par François Hollande du fait des élections législatives qui approchent. La faible culture économique française crée une habitude consistant à entretenir ce flou. Un coup de pouce en faveur d’une revalorisation du SMIC ne déstabilisant pas les entreprises suppose de connaître le niveau à partir duquel les entreprises commencent à être affectées.  Or, une augmentation supérieure à 2% couterait chère aux entreprises : il s’agit d’un niveau excessif pour la compétitivité française.

Une augmentation des impôts visant à accroitre les dépenses risquerait de mettre à mal le peu de croissance qu’il nous reste ainsi que les recettes fiscales, ce qui se traduirait par un accroissement du chômage et des déficits. Clairement, je pense que tout le monde va payer, mais la classe moyenne haute sera probablement la plus soumise à contribution. Dans un premier temps, cela permettra une augmentation des recettes fiscales. Mais succédera une seconde phase caractérisée par une baisse de la croissance et donc des assiettes fiscales elles-mêmes. Ce qui sera gagné à court terme sera donc perdu en 2013...

Il s’agit donc d’une fuite en avant qui correspond aux politiques menées depuis plus de 25 ans du fait de notre manque de culture économique : nous augmentons les dépenses publiques en payant la facture par une augmentation des impôts qui vient casser à la fois notre crédibilité et notre compétitivité. Il faut donc une prise de conscience.

Au cours de sa campagne, le candidat socialiste misait avant tout sur la croissance. Si celle-ci n’est plus au rendez-vous, son programme n’est-il pas remis en cause en tant que Président ?

Je pense que nous n’avons plus le choix. Vu que la croissance n’est pas là, nous ne pouvons plus appliquer les promesses du candidat Hollande. Bien qu’efficaces à court terme, elles se traduiront par une facture plus élevée à long terme. François Hollande devra très vite revenir à la réalité. Il a fallu deux ans pour que Mitterrand revienne à la réalité après son élection. Aujourd’hui, en 2012, cela ne prendrait que trois mois. En effet, en 1981, la dette publique était de 20% du PIB et détenue à 80% par des investisseurs français alors qu’aujourd’hui celle-ci est de 90% du PIB, les deux tiers étant détenus par des investisseurs étrangers. Nous n’avons donc plus le temps que nous disposions en 1981.

Je pense que le mois de septembre sera crucial : ce sera quitte ou double. Soit nous parvenons à nous entendre avec les Allemands afin de réduire nos dépenses publiques, soit nous entrons dans une situation d’extrême tension avec l’Allemagne et nous connaitrons une crise bien plus grave que celle que nous vivons actuellement. Plus généralement, augmenter la dette n’est pas responsable vis-à-vis des générations à venir puisque ce sont elles qui devront payer la note. De plus, nous n’en avons plus les moyens : si nous continuons à augmenter la dette publique, les taux d’intérêt que nous payons sur nos emprunts augmenteront. Nous sommes arrivés à un quasi-point de non retour. Il faut donc stabiliser la dette publique et diminuer nos dépenses par la suite.

Si nous souhaitons rester une grande puissance dans le concert des nations, il faut arrêter d’augmenter une dette publique qui ne génère pas de croissance c'est à dire qui finance des dépenses de fonctionnement et non d’investissement. Aussi, pour obtenir de la croissance, il faut aussi solliciter une politique monétaire adéquate au sein de la zone euro caractérisée par une baisse du cours de l’euro et un soutien aux pays en difficulté... Mais la BCE n’acceptera que si la France baisse ses dépenses publiques.

Quelles sont les marges de manœuvre du nouveau gouvernement ?

A l’heure actuelle, François Hollande bénéficie du bénéfice du doute car aucune mesure n’a encore été prise. Mais une fois les législatives passées, l’annonce d’une augmentation des dépenses publiques se traduirait par une dégradation de la note souveraine française (émise par les agences de notation, ndlr) et par de plus grandes difficultés au sein du couple franco-allemand. Une telle inquiétude sur la zone euro serait pénalisée par une augmentation des taux d’intérêt sur les marchés. Pourtant, peu de personne en parle réellement.

La seule bonne nouvelle pour le nouveau Président élu est la récente baisse de l’euro susceptible de ramener un peu de croissance dans les six prochains mois, même s’il convient de rester prudent du fait d’un fort risque de retour en récession. Mais le discours qui consiste à dire que les caisses ne sont pas vide et qu’il y a encore de l’argent est le même que celui tenu par Georges Papandréou (ancien Premier ministre grec de 2009 à 2011, ndlr) en 2009.

Il est possible que Hollande annonce des mesures de relance par la dépense publique, une décision qui sera rapidement sanctionnée par les marchés. Au mois de septembre, la gauche devra alors peut être revenir en arrière sans quoi elle ira à une confrontation directe avec l’Allemagne, ce qui risque de déstabiliser la zone euro.

Le dernier rapport de la Cour des comptes publié ce mercredi fait état de vives préoccupations quant aux dépenses publiques. Où le nouveau président élu peut-il réaliser de nouvelles économies ?

Nous avons une très grande marge pour diminuer nos déficits, la dépense publique représentant 56% de note PIB, contre 46% en Allemagne et 43% en Espagne. Nous sommes donc bien au dessus. Depuis dix ans, les dépenses de fonctionnement - toutes dépenses publiques confondues - ont augmenté de 10 milliards d’euros par an soit 100 milliards sur dix ans. Il faut donc les réduire en supprimant des strates de dépenses comme dans les départements ou le Sénat par exemple. Il faut également moderniser la fonction publique, ce qui peut permettre de gagner au minimum 20 milliards d’euros rapidement. Il faut simplement le courage politique adéquate. 

Propos recueillis par Olivier Harmant

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