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Diplomatie par les réseaux sociaux : la France pourrait t-elle suivre l’exemple américain ?
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La chasse aux amis

Aux Etats-Unis, les réseaux sociaux sont devenus une part intégrante de leur diplomatie. Au delà, ils sont devenus un vecteur clef de leur politique d'influence à travers le monde entier. Twitter, Facebook et tous leurs homologues sont aujourd'hui l'endroit où Washington fait passer son message. Et si la France s'en inspirait ?

Pierre-Yves Amara

Pierre-Yves Amara

Pierre-Yves Amara est ancien correspondant du Quai d'Orsay en Tunisie puis en Macédoine.

Depuis 2001, il est consultant en géopolitique pour plusieurs entreprises internationales. Vivant à Londres, il voyage beaucoup, notamment dans l'ex-bloc soviétique, en Afrique et en Asie.

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“With smart power, diplomacy will be the vanguard of foreign policy” déclarait Hillary Clinton, devant la commission du Sénat, le 13 janvier 2009.

Entreprises, ONG et individus, intègrent peu à peu Facebook, Twitter, Linkedin et les autres réseaux sociaux dans leurs échanges. Au niveau étatique, les Etats-Unis sont, sans surprise, les plus innovants et ont même créé ad hoc un poste de Senior Advisor for Innovation auprès de la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton détenu par Alec Ross. Sa mission : penser toute la diplomatie digitale de Barack Obama. Alec Ross est le véritable chef d’orchestre du smart power américain, la nouvelle stratégie de Washington pour son action à travers le monde.

En rupture totale avec l’administration va-t-en-guerre de Bush, le smart power  mis en place sous Obama, s’engage au contraire à développer les ententes avec des institutions de tous niveaux, pour accroître leur influence et établir une légitimité manifeste. Alec Ross, conseiller pour l’innovation de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, fait du smart power une arme de guerre redoutable. En twittant lors des protestations égyptiennes "Les citoyens doivent avoir le droit de critiquer un gouvernement sans peur de représailles" les insurgés arabes abonnés au compte du conseiller américain apprennent ainsi qu’ils ne sont pas seuls dans leur lutte.

« Les Etats savent aussi être à l’origine du changement. »explique Félix Marquardt, fondateur des Dîners de l’Atlantique. « C’est ce que montre l’exemple récent de la « valise Internet » conçue par le gouvernement américain pour permettre d’accéder n’importe où dans le monde à un réseau Internet non censuré, rappelant que les grandes puissances ne sont pas prêtes d’abandonner l’innovation technologique la plus stratégique à la seule sphère privée. »

En soutenant les révolutions arabes ou en épaulant les cyberactivistes du monde entier via twitter, Ross a contribué aux origines d’une nouvelle diplomatie, la diplomatie digitale : d’une part, le smart power permet de toucher un public important (toute personne ayant une connexion internet), d’autre part, la communication 2.0 engage des populations à un niveau plus local et de façon plus systématique que les communiqués officiels exclusivement dédiés aux ambassades et uniquement traités par les fonctionnaires de gouvernements.

En modifiant les dynamiques de communication, les outils numériques permettent à de simples individus d’accéder à une quantité infinie d’informations, comme par exemple la création de programmes d’échanges : l’initiative Techwomen en est le parfait exemple. Des femmes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, leaders dans les secteurs technologiques, collaborent avec leurs homologues américains, dans des entreprises de premier plan. Leur savoir-faire une fois en main, ces femmes concourent à la transformation socio-économique et au développement de leur pays. L’intérêt à très long terme est évident : cela permet de structurer une communauté qui dans dix années comprendra près de 400 membres influentes en charge de «TechGirls», un autre programme du même type à destination des jeunes filles d’Afrique et du Moyen-Orient. Ainsi, les Etats-Unis améliorent sensiblement leur image à court et long terme auprès des citoyens de ces pays, une volonté exprimée par Barack Obama dans son discours du Caire de 2009 intitulé «un nouveau départ».

Encore une fois, Alec Ross est à la manœuvre : "Le changement positif en Afrique et au Moyen-Orient proviendra des jeunes innovants, des femmes… Et non plus des acteurs officiels en place. Les nouvelles technologies nous permettent de rentrer directement en contact avec ces nouveaux acteurs et de les soutenir" explique-t-il.

Immédiatement mis à l’épreuve lors du conflit à Gaza en 2009, le président Obama applique au pied levé leur nouvelle position en appelant israéliens et palestiniens à la retenue, au rétablissement d'un climat de paix réciproque, et en envoyant un émissaire sur le terrain afin de parvenir à un accord. Le smart power apparaît alors comme  une possibilité nouvelle d’agir et de coopérer avec des régions instables du monde comme le Proche Orient. Et lorsque le lien est bloqué par les dictatures, Alec Ross n’hésite pas à prendre son téléphone.

Ainsi, quand, en pleine révolution, le gouvernement égyptien a bloqué Twitter, Ross a directement contacté Eric Schmidt, fondateur de Google afin de mettre en place une messagerie vocale permettant aux Égyptiens qui le désirent de microbloguer des messages vocaux sans utiliser le web. «Le Che Guevara du 21ème siècle est le réseau» affirme Alec Ross. Au vu du rôle d’Internet dans les révolutions arabes, on ne peut que lui donner raison.

Et la France ? Aucune personnalité d’envergure ne semble pour l’instant à l’œuvre au Quai d’Orsay ou à l’Elysée pour élaborer la diplomatie digitale française. Question de moyens ? Pas seulement. Cela fait longtemps que la diplomatie française peine à faire confiance aux ONG, aux hackers et aux activistes du web. Notre système nous amène plutôt à faire confiance aux diplomates chevronnés, au risque de grandes erreurs d’appréciation comme lorsque Michèle Alliot-Marie a proposé l’aide de la France pour maintenir l’ordre en Tunisie. Le contraste est terrible : la France veut envoyer des CRS face aux révolutionnaires tunisiens pendant que les Etats-Unis oeuvrent pour que les activistes égyptiens ne soient pas censurés… Pour éviter de nouvelles déconvenues, il semble urgent que la France se dote d’un Alec Ross à la française. Mais qui pourrait bien avoir ce profil ?

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