Hormis David Cameron, une indépendance de l’Ecosse laisse les Anglais relativement indifférents<!-- --> | Atlantico.fr
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La campagne du "Oui" pour le référendum sur l'indépendance de l'Ecosse a été officiellement lancée ce vendredi.
La campagne du "Oui" pour le référendum sur l'indépendance de l'Ecosse a été officiellement lancée ce vendredi.
©Reuters

Royaume (dés) Uni

La campagne du "Oui" pour le référendum sur l'indépendance de l'Ecosse a été officiellement lancée ce vendredi. Malgré les dissensions au sein des mouvances écossaises, la solitude de David Cameron sur ce dossier en Angleterre semble conduire vers l'éclatement du Royaume-Uni...

Didier Revest

Didier Revest

Didier Revest est Maître de conférences en civilisation britannique à l’université de Nice-Sophia Antipolis.

Il est spécialiste de l’Ecosse et du pays de Galles.

 

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A Edimbourg, la semaine dernière (25 mai), les nationalistes du Scottish National Party, mais également les Verts écossais, le Scottish Socialist Party ainsi que des syndicalistes, ont officiellement lancé la campagne en faveur de l’indépendance de l’Ecosse (référendum prévu à l’automne 2014). De l’avis de nombreux observateurs (journalistes au Scotsman et au Telegraph par exemple), l’événement a peu de chance de rester dans les mémoires, malgré la présence de stars du grand écran (à commencer par Brian Cox, qui a campé Agamemnon dans Troy, la superproduction hollywoodienne, et Martin Compston, rendu célèbre grâce à Sweet Sixteen, le film de Ken Loach). La question de la cohérence politique de la démarche est également posée, car les divisions idéologiques opposant tel groupe de participants à tel autre demeurent profondes, les uns désirant l’indépendance pour augmenter les impôts, les autres la revendiquant afin, au contraire, de réduire celui qui pèse sur les entreprises. Pire, le dernier sondage en date donne à peine un tiers de la population écossaise en faveur du oui, chiffre qui est dans l’ensemble plus ou moins stable depuis maintenant des années.

Voilà qui devrait logiquement réjouir David Cameron. Rien de plus légitime en effet pour un Premier ministre d’origine écossaise (par son père), qui a déclaré au début de 2012 qu’il se battrait corps et âme dans le but de sauver l’union entre l’Ecosse et l’Angleterre, car cette union, pierre angulaire de l’Etat-nation connu sous le nom de « Royaume-Uni », est selon lui synonyme de vitalité, de réussite et de justice. C’est d’ailleurs pour la préserver que son gouvernement a récemment fait voter une nouvelle loi visant à accroître les pouvoirs du parlement régional d’Edimbourg (notamment en matière d’emprunts et de levée de l’impôt sur le revenu).

Toutefois, c’est sur un tout autre front que pourrait bien se jouer l’avenir du pays. Il semble en effet que la position de M. Cameron soit bien loin de faire l’unanimité en Angleterre cette fois. Un faisceau d’éléments montre qu’il y existe une nette volonté de voir la relation avec l’Ecosse renégociée au plus vite, voire même un certain désir de couper les ponts avec elle.

Ainsi des études et sondages effectués au cours des douze derniers mois (par le Wales Governance Centre, l’Institute for Public Policy Research et l’institut ICM) ont-ils montré que l’opinion anglaise avait plutôt tendance à considérer que le parlement de Londres n’en faisait pas assez pour défendre les intérêts de l’Angleterre ; en outre, tandis qu’un petit tiers seulement des Anglais se sont déclarés attachés à l’Etat britannique, près des quatre-cinquièmes ont souhaité que les élus écossais ne puissent plus voter lors des sessions portant sur des thématiques concernant exclusivement l’Angleterre. Fait plus inquiétant encore pour M. Cameron, un nombre identique d’Anglais se sont dits prêts à soutenir le projet de « Devo-Max » pour l’Ecosse (à savoir une autonomie totale au plan fiscal) ; quant au nombre d’électeurs qui ont affirmé être en faveur de l’indépendance de l’Ecosse, c’est en Angleterre qu’il s’est avéré le plus élevé (quoiqu’il demeure plutôt nettement en dessous des 50 %). Certains ont même vu dans ces chiffres rien moins que la naissance (très tardive, certes, mais durable) d’une conscience nationale anglaise, facteur qui pourrait donc bien à terme changer complètement la donne, ne serait-ce que parce qu’il fournit un argument décisif aux nationalistes écossais : à quoi bon s’accrocher à une union qui ne fait plus trop recette dans sa composante la plus peuplée et la plus vaste territorialement ?

En tout état de cause, le maintien du statu quo, à quelque niveau que ce soit, paraît plus que jamais impossible d’autant que ce qui se passe en Ecosse et en Angleterre ne laisse pas indifférents d’autres autonomistes, à savoir les nationalistes gallois du Plaid Cymru, en mal d’inspiration notamment à la suite de revers électoraux cuisants en 2011 et 2012. La conjonction de toutes ces forces, enfin, si elle devait avoir lieu, ne créerait pas seulement trois nouveaux Etats-nations ; elle changerait de fait radicalement leur rapport au reste du monde, car on voit mal par exemple l’Angleterre seule se maintenir à la table du Conseil de sécurité de l’ONU ou peser de manière plus décisive dans les débats au sein de l’UE. Ultimes humiliations pour un pays jadis à la tête d’un immense empire.

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