Multiculturalisme britannique : un échec ?<!-- --> | Atlantico.fr
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David Cameron s'interroge sur la réussite du multiculturalisme
David Cameron s'interroge sur la réussite du multiculturalisme
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Polémique

Le multiculturalisme est "un échec". Nicolas Sarkozy n'y est pas allé par quatre chemins lors de la récente émission "Paroles de Français" sur TF1. Angela Merkel et David Cameron avaient auparavant exprimé les mêmes doutes. Retour sur le dernier débat qui a agité le Royaume-Uni.

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat est démographe, spécialisée dans le domaine de l'immigration. Elle a notamment écrit Assimilation : la fin du modèle français aux éditions du Toucan (2013). Son dernier ouvrage Immigration, idéologie et souci de la vérité vient d'être publié (éditions de l'Artilleur). Son site : www.micheletribalat.fr

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Je me souviens avoir participé, en 1997, à un colloque à Londres, intitulé « Celebrating Diversity ».  Avec le recul, il semble que ce type d’initiatives à l’intention généreuse ait en fait surtout provoqué un certain nombre d’effets indésirables  Ainsi, douze ans plus tard, en janvier 2009, lorsque Trevor Phillips, président de la Commission pour l’égalité et les droits humains, déclare qu’on ne peut plus parler de racisme institutionnel dans la police, il déclenche un scandale et entraîne la démission de trois membres du conseil d’administration de la Commission. Comme si le dogme de la nécessité de la lutte contre le racisme avait fini par rendre impossible tout examen de la situation réelle des relations inter-raciales au Royaume Uni.

De la lutte contre les discriminations à la promotion de la diversité

Plus récemment encore, en septembre dernier, c’est la revue Prospect (Mensuel britannique lancé en 1995 par David Goodhart, ancien correspondant du Financial Times) qui met en ligne un dossier critique sur la politique "multiculturaliste" impulsée localement dans les années 1980, puis reprise au niveau gouvernemental dans les années 1990. Composé de quelques articles rédigés par des non-blancs (nous dit-on), ce dossier ne peut être suspecté de préjugés inconscients. Chacun parle d’un sujet qu’il connaît professionnellement : psychiatrie, ville, éducation, arts. Tous s’accordent pour dire que la question raciale n’est plus ce qu’elle était dans les années 1960-70. Des progrès considérables ont été accomplis, contrariés aujourd’hui par un approfondissement d’une législation anti-raciste qui a engendré de nouveaux problèmes.

Une attention excessive à tout ce qui pourrait s’apparenter à du racisme a fourni une grille de lecture exclusive des problèmes sociaux qui est devenue un obstacle à leur résorption. "En tant que société, nous semblons incapables d’accepter le déclin du racisme par peur de sous-estimer le problème" écrit Munira Mirza. À la place des anciens préjugés, ce sont désormais des stéréotypes paternalistes qui entravent la compréhension des problèmes et cantonnent les minorités dans "leur" culture, "leur" identité dont ils sont finalement prisonniers.

Changer de politique à l’égard des jeunes noirs

C’est pourquoi Lindsay Johns (auteur et journaliste) pense qu’il faut abandonner, en matière d’éducation, ces politiques d’"empowerment" (visant à redonner confiance aux enfants en leur faisant connaître des auteurs de même origine qu’eux) qui réduisent l’horizon des jeunes noirs au lieu de l’étendre. L’héritage des "hommes blancs morts" (son article s’intitule "In praise of dead white men") appartient à tout le monde, dit-il. Il serait d’autant plus profitable aux jeunes noirs qu’il leur ouvre un horizon plus large que la littérature des auteurs noirs, trop souvent cantonnée à l’étude de "l’inhumanité de l’homme". "Quand des professeurs cherchent avec empressement à donner à lire aux étudiants noirs la littérature adéquate, ils envoient inconsciemment des messages paternalistes et racistes… qui, finalement, dénient aux étudiants noirs leur propre humanité".

Discours de David Cameron sur le multiculturalisme

Un discours victimaire qui enfonce les minorités

Il faut ajouter à cela les dégâts produits par la facilité de l’argument victimaire qui, au bout du compte, dépossède les dites victimes de l’énergie nécessaire pour tracer leur route. Comme l’écrit Tony Sewell, "nous avons une génération qui a le langage et le discours de l’industrie des relations inter-raciales mais pas la vitalité pour se battre". Pour lui, si le niveau scolaire des garçons noirs n’a pas progressé, la cause n’est pas à rechercher dans un racisme institutionnel, mais dans un mauvais encadrement parental, la pression des pairs et une incapacité à se sentir responsable de son propre comportement. Le discours victimaire qui leur représente le monde comme fondamentalement hostile les enfonce. C’est un discours égoïste destiné à se préserver de l’accusation de racisme.

Le multiculturalisme : une politique contre-productive

L’ingénierie sociale développée autour du racisme et de la diversité, avec sa cohorte d’intervenants et de spécialistes (on pense ici à Philippe Muray), censée améliorer les relations inter-raciales leur fait obstacle, cultivant le ressentiment de tous côtés. Elle nuit aux échanges sincères entre personnes, de peur de dire une bêtise qui aurait une connotation raciste ou de faire un faux pas. La loi de 2000 (Race Relations Act) a encore étendu le champ d’intervention de ces cohortes de spécialistes. 43 000 autorités publiques sont ainsi désignées pour promouvoir les relations entre personnes de différents groupes raciaux. Si "empowerment" il y a, il concerne plutôt le BNP (parti d’extrême droite britannique) qui  gagne des partisans grâce à ces politiques.

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