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La charia : une menace contre les États-Unis ?
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Islam

Dans un rapport publié en septembre 2010 aux États-Unis, la team ‘B’ II, groupe d’experts américains, met en cause la charia et critique entre autres multiculturalisme, auto-censure et politiquement correct occidental.

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat

Michèle Tribalat est démographe, spécialisée dans le domaine de l'immigration. Elle a notamment écrit Assimilation : la fin du modèle français aux éditions du Toucan (2013). Son dernier ouvrage Immigration, idéologie et souci de la vérité vient d'être publié (éditions de l'Artilleur). Son site : www.micheletribalat.fr

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Il est impossible de se défendre sérieusement contre un ennemi dont on refuse de connaître l’idéologie. C’est ce qu’affirme le rapport américain de la Team ‘B’ II. Celui-ci ne se pose pas la question de savoir quel est le véritable islam. Il examine la charia, corps de doctrine dont le contenu est clairement identifiable et reconnu par les "autorités musulmanes" telles qu’al-Azhar au Caire. La charia n’est pas un code religieux mais un ensemble de règles qui régit tous les aspects de la vie privée et publique du berceau à la tombe. Elle n’est pas une déformation de l’islam, mais se situe au contraire en son cœur. C’est dire si les réformateurs ont fort à faire, d’autant que la charia contient des règles d’apostasie, c’est-à-dire liées à tout renoncement à la foi religieuse, qui limitent grandement leur marge de critique et d’amendement et mettent leur vie en danger.

Pour la Team ‘B’ II, si l’on ne peut se désintéresser du combat mené à l’intérieur de l’islam, on ne peut en attendre qu’il résolve le problème que pose la charia aux démocraties libérales : "nous avons l’obligation de protéger notre nation et notre mode de vie indépendamment de la manière dont se déroule le combat interne à l’islam… Nous ne pouvons pas gagner pour eux – ils devront le faire pour eux-mêmes" (p. 7).

Eviter les amalgames

Le rapport de la Team ‘B’ II ne vise pas les musulmans qui n’ont qu’un usage personnel de la charia dans leur vie privée sans chercher à imposer de contraintes aux autres. Il vise ceux qui ont décidé de faire de ce corpus légal un concurrent crédible de nos lois et de nous y soumettre. Il examine les divers éléments de la charia dont l’application menace les Etats-Unis. Par exemple, l’interdiction du blasphème "requiert que les infidèles s’abstiennent de parler de l’islam en allant au-delà de ce qui leur est permis ou en offensant les musulmans" (p. 62). Tout ce qui va dans le sens de l’auto-censure est donc conforme à la charia et susceptible d’être interprété comme une soumission à celle-ci. La charia ne reconnaît aucun des grands principes fondamentaux ni le mode de gouvernement démocratique inscrit dans la Constitution des Etats-Unis, par exemple le droit des citoyens de faire leurs propres lois.

L’importance des Frères musulmans aux USA

Quelques enquêtes et procès, notamment celui de 2008 contre la Holly Land Fondation, ont montré l’implication des Frères musulmans dans des activités séditieuses visant à supplanter la Constitution américaine en menant un "djihad civilisationnel" visant à "éliminer et détruire la civilisation occidentale de l’intérieur et saboter leur misérable maison de leurs propres mains[1] et des mains des croyants", (mémorandum écrit par le Conseil des responsables d’associations des Frères musulmans saisi par le FBI en 2004). La plupart des associations islamiques américaines se sont révélées appartenir à cette mouvance. Le rapport décrit les activités des principales d’entre elles. Certains responsables, autrefois courtisés par le pouvoir politique, purgent actuellement des peines de prison pour soutien ou participation à des activités terroristes. Il en va ainsi d’Abdurahman Alamoudi, fondateur de l’American Muslim Council, qui a été un des contacts préférés des Clinton. Il fonda une association de vétérans musulmans, laquelle fut autorisée à nommer les aumôniers dans l’armée, dont l’un d’entre eux, James Yee, fut arrêté à Guantanamo pour complicité avec les détenus. Le succès d’Abdurahman Alamoudi ne se démentit pas avec George W. Bush puisqu’il fut invité, parmi d’autres, pendant la campagne présidentielle, à sa résidence de gouverneur du Texas. Il purge aujourd’hui une peine de prison de 23 ans, au titre de financier d’Al Qaïda. Quelles leçons l’administration américaine en a-t-elle tirées ? Elle a transféré ses activités à la plus grande association américaine dirigée par… les Frères musulmans (ISNA, Islamic Society of North America) !

Les effets contre-productifs de l’obsession pour le terrorisme

Le gouvernement s’est fait une idée à la fois fausse et dangereuse des modérés puisqu’il suffit de ne pas apparaître comme un partisan du djihad violent pour en être. Son obsession du terrorisme l’empêche de réaliser que djihad violent et djihad civilisationnel peuvent fonctionner comme les deux pinces d’une même tenaille. La peur du premier poussant l’administration américaine dans les bras des tenants du second, lequel renforce ainsi sa stature et son emprise sur les musulmans récalcitrants. Ce sont donc les associations de la mouvance Frères musulmans qui assurent les formations sur l’islam dans l’administration américaine (renseignement et armée comprises) et ont ainsi le loisir de présenter la charia sous un jour avenant, contrôlant ainsi "notre perception de la menace qu’ils posent et, par là même, nos réponses à ces menace" (p. 133). Pour la Team ‘B’, il est suicidaire de délaisser les musulmans qui ne veulent pas vivre sous la férule de la charia au profit de ceux qui en sont les promoteurs.

Multiculturalisme, auto-censure et politiquement correct en question

Comment expliquer cette vulnérabilité américaine, et plus généralement occidentale ? Les auteurs du rapport invoquent le postmodernisme occidental qui place au plus haut l’acceptation de l’autre, quel qu’il soit. Tout jugement est suspendu sous peine d’apparaître discriminatoire. La culpabilité et l’auto-dénigrement conjugués au multiculturalisme font que "la diversité est une bonne chose pour autant que celle-ci n’est pas occidentale" (p. 127). L’auto-censure et le politiquement correct sont nécessaires pour maintenir la fiction de l’équivalence en valeur de la constitution américaine et de la charia. Ces attitudes sont interprétées par les défenseurs de la charia comme une forme de soumission à cette dernière. Le refus d’analyser les problèmes posés par la charia est une forme de respect de l’interdit du blasphème qu’elle contient. Pour le moins, l’état d’esprit multiculturel qui marque le postmodernisme s’avère particulièrement favorable à l’implantation de la charia. À cela s’est ajoutée la peur :"nous avons peur de faire quelque chose à propos de cette peur - même de la nommer… Nous nous sommes illusionnés en habillant notre auto-censure du silence du respect. En réalité, c’est le silence de la peur" (p.130). Cette auto-persuasion a été quasiment élevée au rang de doctrine d’État puisque le déni est lui-même recommandé par l’administration américaine. En 2007, après une rencontre entre des responsables des Frères musulmans et le gouvernement américain, des mots et expressions ont été interdits à l’intérieur du gouvernement (dans un document de la sécurité intérieure intitulé : Terminologie pour définir le terrorisme : Recommandations de musulmans américains). En 2008, le National Counterterrorism Center (NCTC) a intégré ces interdits, conformes aux règles de la charia sur la diffamation. Cela ressemble fort à une incompétence organisée.

Les principales conclusions de la Team ‘B’ II

La Team ‘B’ II considère que toutes les règles professionnelles - le devoir de savoir, celui d’être compétent et de prendre le temps d’apprendre –, qui s’appliquent d’autant plus que les professionnels en question ont fait le serment de les respecter, ont été violées.

Pour la Team ‘B’ II, ce qu’il faut combattre en Occident c’est le déni de ce qu’est la charia dont la fin ouvrirait la voie du multiculturalisme, aussi iconoclaste qu’apparaisse une telle perspective. Elle voit dans la libre expression le début de la solution au problème posé par les défenseurs de la charia. Vaste programme qui ne concerne pas seulement les États-Unis, loin s’en faut.



[1] C’est moi qui souligne.

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