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La croissance ne sera jamais relancée en misant seulement sur le secteur public
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La croissance pour les nuls

Relancer la croissance. Tout un défi pour le nouveau gouvernement français qui doit réussir là où tous les autres ont échoué jusqu'ici. La solution se trouverait dans un investissement massif dans le secteur public afin de stimuler le pouvoir de consommation. Regard sur les risques d'une telle méthode.

Pascal Salin

Pascal Salin

Pascal Salin est Professeur émérite à l'Université Paris - Dauphine. Il est docteur et agrégé de sciences économiques, licencié de sociologie et lauréat de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.

Ses ouvrages les plus récents sont  La tyrannie fiscale (2014), Concurrence et liberté des échanges (2014), Competition, Coordination and Diversity – From the Firm to Economic Integration (Edward Elgar, 2015).

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Le retour de la croissance est évidemment considéré comme l'une des priorités pour la France d'aujourd'hui et les propositions censées conduire à une "politique de croissance" sont nombreuses et variées. Bien sûr, on trouve au premier rang les tenants d'une relance keynésienne par la dépense publique qui sont en conséquence des critiques de la politique dite d'austérité consistant à réduire le déficit public. Il y a ceux qui préconisent une politique monétaire plus expansionniste et qui demandent que l'activité économique fasse partie des objectifs de la banque centrale européenne. D'autres réclament un "Pacte européen pour l'emploi", aux contours au demeurant assez flous. Mais l'augmentation des dépenses de formation et de recherche, le lancement de grands projets européens financés par des "eurobons", ou le protectionnisme et la lutte contre les délocalisations font aussi partie de la panoplie des prétendues recettes de croissance.

Toutes ces propositions n'ont rien de révolutionnaire : elles ont toutes été invoquées un grand nombre de fois et elles ont toutes été essayées sans que la croissance soit au rendez-vous. Elles ont en effet un défaut majeur : elles raisonnent à partir de concepts globaux (la dépense publique, la politique monétaire, la formation, etc..), comme si l'économie était une vaste machine dont on peut manipuler les leviers à sa guise. Mais l'activité économique est quelque chose de tout-à-fait différent : elle est le résultat d'une quantité innombrable de décisions – grandes ou petites – prises par un grand nombre d'individus qui exercent leur raison pour s'adapter au mieux à leur environnement et pour améliorer leur sort. La croissance est donc le résultat non intentionnel et largement imprévisible de toutes ces décisions humaines.

Mais pour que les transformations souhaitées puissent avoir lieu, il faut que les individus ne soient pas paralysés dans leurs actions, c'est-à-dire, tout simplement, qu'ils soient le plus libres possibles. Pourquoi feraient-ils des efforts pour produire des richesses si la plus grande partie de ces efforts est confisquée par les prélèvements obligatoires ou s'ils doivent, pour aboutir, surmonter les immenses difficultés que leur imposent toutes sortes de réglementations (en particulier celles qui découragent un employeur potentiel et un salarié potentiel de signer le contrat de travail qu'ils souhaiteraient pourtant faire) ? Ainsi, en France, on a peut-être tout essayé pour réduire le chômage et stimuler la croissance, sauf la seule politique qui aurait réussi, celle qui consiste à libérer les énergies humaines.

La vision mécaniciste des socialistes est particulièrement dangereuse et si une victoire de la gauche aux élections législatives venait renforcer la position de François Hollande, il en résulterait nécessairement une longue période de stagnation ou même de déclin. Prenons pour exemple, parmi les politiques traditionnelles évoquées ci-dessus, celui de l'enseignement et de la recherche. Il semble a priori sympathique d'accroître les dépenses dans ces domaines (sans oublier cependant que ces dépenses doivent être financées et qu'elles le sont nécessairement aux dépens d'autres dépenses). Mais, ce qui est le plus important ce n'est pas d'augmenter le montant global de ces dépenses, mais qu'il y ait une bonne adéquation entre la diversité des formations et des recherches possibles et la diversité des besoins dans l'activité économique. Or, cette bonne adéquation ne se fait pas au mieux dans un système d'enseignement public monopoliste comme celui que nous avons en France. Mais surtout, il ne sert à rien de dépenser plus pour l'enseignement ou la recherche si, par ailleurs, on détruit les incitations productives des entrepreneurs-innovateurs par la fiscalité et les règlementations. Et on peut aussi ajouter que la formation initiale n'est pas suffisante pour permettre une bonne adéquation des salariés aux besoins des entreprises, mais que la formation en entreprise joue un rôle important; or il faut pour cela que les incitations à embaucher puissent exister.

Les autres prétendues recettes globales ne peuvent être que destructrices : la dépense publique se fait nécessairement aux dépens de la dépense privée de telle sorte que la "relance par la dépense publique" – qu'elle soit purement nationale ou européenne – n'est qu'une dangereuse illusion; la création monétaire ne crée pas des richesses nouvelles, mais seulement de l'inflation et, éventuellement, des crises financières; le protectionnisme empêche les individus de s'approvisionner au moindre coût et donc d'accroître leur pouvoir d'achat ou leur productivité; un "Pacte européen pour l'emploi", construit sur ces bases erronées, ne peut en rien contribuer à la croissance, et on n'a d'ailleurs aucunement besoin d'un accord européen pour trouver tout seul les meilleures recettes. Ces recettes sont simples : libérer l'économie par une réduction massive et rapide des prélèvements obligatoires et des réglementations. Ceci signifie, en un mot : sortir de l'étatisme qui caractérise la France depuis des décennies. Malheureusement, il est évident qu'on ne peut pas compter pour cela sur des gouvernants et des parlementaires socialistes. L'avenir est donc bien sombre !

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