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Pourquoi l'Europe s'obstine-t-elle à poursuivre les mêmes politiques que celles ayant plongé le Japon dans le marasme ?
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Double décennie perdue

20 ans de crise larvée, de dette faramineuse, de stagnation de la croissance, de démographie en berne. Malgré cet exemple, les dirigeants européens n'hésitent pas à remettre en œuvre des politiques qui ont montré leur inefficacité au pays du Soleil levant.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Décembre 1989, le Nikkei triomphe et plante le drapeau à 38 916 points après une décennie boursière phénoménale, le Japon est la nouvelle superpuissance, un modèle de croissance économique pour le monde. S’en suivent 23 années de stagnation et le Nikkei affiche aujourd’hui un niveau de 8 500 points soit une baisse de 78% sur la période écoulée, le Japon fait alors figure d’épouvantail. L’expérience Japonaise doit permettre aux autorités européennes d’éviter les erreurs commises, en prenant acte des similitudes, des divergences, et des politiques employées.

Les points de comparaison entre le Japon d’hier et l’Europe d’aujourd’hui sont suffisamment évidents pour éveiller une certaine inquiétude sur les perspectives économiques du continent. En premier lieu, la dette Japonaise culmine à 240% de son PIB, ayant transféré les masses de dette privées vers la dette publique depuis l’éclatement de la bulle. L’Europe suit cette voie depuis 2008 et les progrès en la matière sont tout à fait encourageants pour qui veut battre le record Japonais. En second lieu, le PIB nominal japonais a stagné sur une période de 20 ans et l’Europe suit le même chemin depuis 2008. La structure démographique achève le tableau, bien que la situation Japonaise soit tout de même plus effrayante sur ce point, les prévisions faisant état d’une baisse de la population totale d’un tiers au cours des 50 prochaines années alors que ce processus est engagé depuis 1995 concernant la population active.

Les réponses politiques japonaises apportées à ce désastre peuvent dès lors être considérées comme les recettes de la ruine, et doivent être considérées comme telles par nos dirigeants. Cependant, il semble qu’un sympathique élan vers ces solutions inefficaces soit l’objet d’un engouement tout à fait inquiétant.

La relance Keynésienne a été la première pierre apportée à cet édifice. L’endettement de l’Etat au profit du soutien de la demande a eu l’effet d’alourdir considérablement le fardeau de la dette, tout en ayant un effet quasiment nul sur le niveau d’activité. Ces politiques ont été abandonnées dès 1997 en raison de leur inefficacité. Les discussions actuelles à propos des Eurobonds, des « project bonds » et d’autres plans de relance de ce type caractérisent l’incapacité de prendre exemple sur le passé.

Les réformes fiscales japonaises basées sur des hausses d’impôts ont eu pour effet d’abaisser les recettes de l’état et de provoquer à nouveau l’accroissement de l’endettement public, et ce, sans aucun résultat favorable au retour de la croissance. Le matraquage fiscal ayant pour principal effet de diminuer la base taxable. Les programmes économiques développés ces derniers mois, notamment en France, ambitionnent pourtant de suivre cet exemple.

Enfin, la rigidité de la politique monétaire est sans aucun doute le facteur le plus dramatique de l’expérience nippone. La stricte volonté de stabiliser les prix a eu pour effet l’installation d’une période déflationniste qui explique pour la plus grande part la situation japonaise actuelle.

Alors qu’une politique ambitieuse consisterait à suivre les réformes structurelles dont l’Allemagne est l’exemple, couplée à une réforme monétaire invitant à prendre en compte la croissance et l’emploi par la Banque Centrale Européenne, l’Europe suit aujourd’hui la voie inverse. La rigidité monétaire de l’Allemagne, et l’éventuelle prise en compte des réformes proposées par la nouvelle présidence française (Eurobonds, hausse des impôts) sont le cocktail de l’échec Japonais.

Le Japon a cependant réussi à s’endetter au niveau actuel grâce à sa population, les japonais détenant 95% de leur dette. Cette situation a permis d’éviter la défiance des marchés ce qui n’est pas le cas de l'Europe d’aujourd’hui, comme nous pouvons le constater en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Irlande etc…

L’Europe suit la voie tracée par le Japon des années 90 et 2000, la voie de deux décennies perdues, du déni, au prétexte d’une stabilité provisoire. L’intégralité des solutions proposées n’ont pas pour objectif de résoudre les problèmes que nous connaissons, mais de satisfaire à court terme la volonté de ne pas réformer en profondeur la structure de nos économies. La responsabilité est double, monétaire pour l’Allemagne, structurelle pour la France.

La particularité japonaise est marquée par une forte cohésion nationale, cohésion dont l’érosion se matérialise en Europe au regard des élections successives.

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