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Pourquoi le web se transforme (aussi) en lieu de déchaînement de tous les racismes
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Viral

De plus en plus de commentaires postés sur les sites d'information ou de messages envoyés sur les réseaux sociaux comme Twitter et Facebook sont à caractère raciste.

Le racisme est toujours là, et plus présent que jamais, en tout cas sur Internet. L'été dernier, la plate forme de signalement des contenus illicites de l'Internet, internet-signalement.gouv.fr, indiquait que près de 8000 propos racistes et/ou xénophobes leur avaient été transmis en 2010. Un chiffre qui représente 10% de l'ensemble des contenus illicites signalés, soit une très forte hausse puisque ces types de propos ne représentaient que 4% de l'ensemble en 2009.

Il suffit de surfer quelques minutes sur les principaux réseaux sociaux pour découvrir des messages racistes. En mars dernier, un étudiant gallois, Liam Stacey, a par exemple été condamné à 56 jours de prison pour avoir envoyé des tweets racistes et injurieux après l'arrêt cardiaque dont a été victime le 17 mars Fabrice Muamba, joueur de Bolton.

Toujours en mars, Lenny Kravitz et Amandla Stenberg ont été attaqués sur Twitter par des fans racistes qui reprochaient aux producteurs de les avoir choisis eux, deux acteurs noirs, pour jouer deux des rôles principaux dans le film à succès Hunger Games. On peut donc lire "pourquoi les producteurs choisissent des acteurs noirs pour interpréter les meilleurs rôles", ou encore "traitez-moi de raciste mais quand j'ai appris que l'actrice incarnant le personnage de Rue était noire, la mort de son personnage ne m'a pas rendu si triste #ihatemyself ".

Certains médias en viennent même à parler de "Twacisme", contraction de Twitter et racisme. Le Guardian indiquait même que de nombreuses personnalités quittaient la plateforme de micro-blogging après l'envoi de nombreux propos racistes.

Rien de nouveau ? Bien au contraire. Sur Internet, les gens écrivent des propos ouvertement racistes, et tout le temps, alors que dans le "monde réel", de tels propos sont le plus souvent tenus aux marges de la société. Mais comment Internet est-il devenu la parfaite plateforme pour le racisme ?

Le journaliste Tony Manfred donne plusieurs pistes pour expliquer cette tendance. Tout d'abord, l'effet de groupe. Plusieurs personnes qui partagent les mêmes idées et discutant ensemble auront très vite tendance à devenir plus tranchées dans leurs opinions. Cass Sunstein, enseignant de l'université d'Harvard et salarié de la Maison Blanche, l'explique notamment dans son étude "Echo chambers" (Les chambres à échos). Or les internautes savent où trouver les informations qui les intéressent, écrites par d'autres avec les mêmes idées. La boucle est bouclée, ils alimentent chacun leurs opinions, toujours plus loin, et le racisme explose.

Une autre raison avancée pour expliquer l'explosion du racisme sur Internet serait liée à la célébrité. La plupart des gens rêvent d'avoir leurs cinq minutes de gloire. Et quoi de plus facile sur Internet que de faire le buzz ? L'action, le canular le plus gros peut entrainer très vite être repris par les médias. On se souvient encore il y a quelques semaines de la farce de cet américain qui prétendait que Facebook avait été inventé par Abraham Lincoln. Il en est de même pour les opinions : plus les messages envoyés sont choquants, plus ils ont de chances de se répandre sur le web. Publier un commentaire raciste à la suite d'un article entraînera tellement d'autres commentaires que l'article en sera même oublié.

Mais la raison la plus logique tient aux questions d'anonymat sur le net. Les internautes pensent toujours que personne ne sait qui ils sont, et donc ils peuvent laisser libre cours à leurs opinions, dire ce qu'ils veulent, puisqu'il n'y aura aucune conséquences, contrairement à la "vie réelle". Ce n'est bien évidemment pas toujours le cas. On peut de plus en plus facilement identifier qui se cache derrière un pseudonyme. En août dernier, le New York Times révélait même que le gouvernement britannique souhaitait interdire les pseudonymes sur Twitter pour mieux contrôler les comportements criminels sur les médias sociaux. Fin totale d'un prétendu anonymat sur Internet donc. Le racisme disparaitra-t-il alors d'Internet une fois que tout anonymat sera levé sur le web ? Certainement pas, il restera toujours les racistes qui le sont ouvertement dans la "vie réelle".

Alexandre Villeneuve est Consultant en e-reputation. Il est co-auteur avec Edouard Fillias du blog E-Reputation et du livre E-Reputation(Ellipses - 2012).

Atlantico : Que pouvez-vous dire de ces profils de personnes susceptibles de tenir des propos racistes sur Internet ?  

Alexandre Villeneuve : Il manque un profil à mon opinion : les gens qui tiennent des propos racistes, antisémites, sur les vieux, les handicapés (etc.) mais qui, au final, n’ont pas vraiment de fond de vérité. Pierre Desproges disait « on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui », c’est clairement le cas ici. Sur le web, même si on a l’impression de s’exprimer avec des connaissances, au final, on s’exprime publiquement, devant tout le monde. Je pense que les nombreux propos racistes qu’on trouve sur Internet sont des blagues de potache comme on en retrouve dans n’importe quel groupe. Les gens reproduisent leur humour, même provocant, sur le net. Or les personnes qui lisent ces propos n’ont pas le contexte qui peut leur faire déduire que c’est du second degré.

Je ne suis pas sûr que tout le monde souhaite faire le « buzz » en s’exprimant de la sorte sur le web. Beaucoup veulent faire de l’humour, même si c’est parfois de très mauvais goût. C’est comme l’exemple de Louis Nicollin, président du club de football de Montpellier, qui avait traité le jouer lillois Benoît Pedretti de « tarlouze ». Dans sa bouche, cela ne signifiait pas qu’il le traitait de « gay » ou quoi que ce soit, c’était pour lui une sorte de blague potache.

Quel rôle joue l’anonymat ?

Pour les « vrais racistes » c’est un moyen de promotion de leurs opinions. Autant il est difficile, et illégal, dans la vraie vie de tenir des propos racistes. Autant sur Internet, sous la couverture de l’anonymat, ces gens-là peuvent publier à peu près partout.

Certains groupes bien organisés ont même l’habitude prendre pour cible des artistes et hommes politiques. En ce moment, la cible favorite est Christiane Taubira, la ministre de la Justice.

Existe-t-il en France une volonté de lutter contre cet anonymat pour obliger certains utilisateurs à assumer leurs propos ?

Il faut d’abord souligner que l’anonymat est très relatif. Si une personne porte plainte, la justice peut assez facilement remonter jusqu’à l’auteur des propos racistes. Ce sont généralement des personnes qui visitent plusieurs fois par jour leur compte de chez elle et  qui n’utilisent pas de proxy. Il est assez aisé de retrouver leur adresse IP et de les localiser.

L’arsenal dont on dispose est suffisant et permet aux autorités de remonter facilement à la source du problème. Le problème est qu’il y a énormément de propos tendancieux sur le web et que les plaintes se font rares.

Il faut également souligner que les sites Internet sont responsables du contenu qu’ils hébergent. Une censure est censée être faite sur les réseaux sociaux et les sites d’information. Ils ont l’obligation d’effacer les propos racistes et si ces derniers deviennent récurrents par un même auteur, ils peuvent également prévenir les autorités.

Ces procédures aboutissent généralement sur la suppression du compte de l’utilisateur. Mais ce dernier peut en quelques clics en récréer un nouveau sous un autre pseudo…

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