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Grèce : 
qui va gagner le concours d'idées 
pour la garder dans la zone euro ?
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Le concours est lancé !

Des eurobonds aux projets bonds et jusqu'à la théorie de monnaie gardée ou chassée, les autorités économiques européennes explorent toutes les options qui permettraient de relancer la croissance, tout en redressant (un peu) l'économie grecque.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Ils en ont parlé ! De quoi ? De la Grèce, bien sûr. Où ? Partout : au G8, à la dernière réunion informelle des décideurs européens (en attendant la prochaine), dans les salles de marchés, dans les enceintes politiques, dans les restaurants et les cantines. Tout le monde a son idée sur le sujet, évidemment différente. La Grèce doit partir, seule ou accompagnée, ou bien il faut tout faire pour qu’elle reste. En fait, parler de la Grèce c’est en réalité parler de ce qui nous arrive dans le monde, de la crise mondiale liée au désendettement, de la zone euro et, au fond, de nous.

Comment, en effet, résoudre le problème grec ? Le problème espagnol ? Italien ? Portugais ? Quelle dose de rigueur faut-il, ou bien de compréhension, avec des exigences plus faibles en termes de déficit à atteindre, de délais plus longs, d’appuis nouveaux de la BCE, de la BEI, sans compter les project bonds, sans oublier bien sûr les eurobonds. Chaque jour nous apporte sa cohorte d'idées, entre ruptures (variées) et ajustements (multiples), tandis que les autorités ne cessent de se réunir autour d'un concept centralisateur. Ce fut « la rigueur », c'est désormais « la croissance ». Avons-nous avancé ? Un peu, pas assez.

D'abord, la crise de la zone euro ne peut être séparée de celle de l'économie mondiale et de la cure de désendettement qu'elle implique. Ensuite, on sait bien que cette dynamique de désendettement doit être gérée au plus près, autrement elle devient une dépression, avec baisse sans fin des prix et de l'activité. Pour éviter cette spirale, il faut des engagements des politiques en faveur de la croissance, et de la banque centrale contre la déflation. En ce domaine, le modèle en termes d’expression est les Etats-Unis, avec Barack Obama et Bernard Bernanke (Deflation : make it sure « it » does not happen here, 21 novembre 2002). Pour gagner le concours, il faut donc dire d’abord pas de déflation, croissance et emploi.

Ensuite, la logique de désendettement n’est pas nécessairement coopérative. Les Etats-Unis baissent leurs taux d’intérêt et achètent leurs bons du trésor, ce qui baisse le coût de leur ajustement et pèse sur le dollar. Ils allument ainsi des tensions de change avec la Chine (accusée de manipuler son change) et avec le Brésil d’un côté, et conduisent à un euro fort contre dollar de l’autre, en disant simplement qu’il suffit que la BCE fasse comme eux pour éviter de souffrir.

Pour gagner le concours, il faudrait donc avoir la monnaie mondiale, ou être chinois, ou ne pas trop s’embarrasser d’honnêteté ! Impossible. En fait, la solution qui va, est celle qui va pour tous, autrement dit aller vers des taux de change d’équilibre. C’est l’idée du G20 de Cannes, reprenons-la.

Au sein de la zone euro, plusieurs courants naissent actuellement, fonction des situations de chacun et moins d’une vision globale destinée à renforcer l’union. L’Allemagne, avec la Bundesbank,  s’inquiète, en mai, d’une politique soutenant l’activité à court terme et repoussant à plus tard les efforts de consolidation budgétaire et de réforme.

La Buba s’inquiète ainsi des retards dans la mise en œuvre des engagements de la Grèce, avec ses effets négatifs sur la solidité et crédibilité de la zone euro. Cette proposition est faite pour servir de repoussoir, évidemment pas pour gagner le concours.

La Deutsche Bank, moins stricte, propose le Geuro, une monnaie parallèle interne qui coexisterait avec l’euro. Mais tout le monde connaît la loi de Gresham, ce commerçant anglais de 16eme siècle, selon laquelle « la mauvaise monnaie chasse la bonne », autrement dit la mauvaise monnaie est celle qui s’échange, puisque personne ne veut la garder. Celle qui se garde, et qui est ainsi « chassée », est la bonne. Selon cette proposition, le Geuro sera dans les rues d’Athènes et l’euro sous le matelas. Pour le concours, nous ne retenons donc pas cette variante de la proposition Buba.

Evidemment, il ne s’agit pas non plus de croire que l’Europe du nord va abandonner ses principes fondateurs, stabilité de la monnaie, non financement des Etats qui ne font pas d’effort d’ajustements. Parler d’eurobonds permet ainsi de faire avancer la cause de la BEI, plus présente, et des project bonds, plus pratiques. Bien joué. Balle au centre.

En fait, comme il ne s’agit surtout pas d’antagoniser la situation, aucune solution extrême n’est possible dans le jeu mondial, ni dans le jeu européen. Nous sommes ainsi partis, un niveau européen, vers un menu de mesures, réformes publiques et privées d’un côté, soutiens monétaires et financiers de l’autre, de façon à définir un chemin, avec ses conditions et ses étapes. Il sera aussi clair et coopératif que possible, et donc son degré d’exigence sera calculé sans excès.

Ainsi, la crédibilité sera au rendez-vous et les marchés soutiendront la démarche. En même temps, c’est cette zone euro ainsi réunifiée qui pourra parler plus fort sur les politiques monétaires des autres, de façon à les rendre aussi plus coopératives, mais aussi sur les politiques prudentielles et fiscales, de façon à ce que, elles, soutiennent effectivement… la croissance.

Bref, celui qui gagne, c’est celui qui propose le bon dosage réforme/soutien dans la durée, adapté au cas de chacun, sous le regard de tous. Tous savent qu’ils ont un intérêt commun au régime, et que les efforts de chacun sont d’autant plus faibles que chacun bénéficie des encouragements des autres, sans complaisance, mais avec compréhension. Le gagnant est donc les Weight Watchers !

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