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L'argent du syndicalisme
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Gros sous

Le secrétaire d'État à la Fonction publique Georges Tron lance ce jeudi 28 avril les discussions sur la réforme des droits et des moyens alloués aux syndicats, estimés à 1,3 milliard d'euros par an. Une refonte qui, dans la foulée de la réforme de la représentativité, vise à renforcer la transparence des syndicats. Pour beaucoup, la question de leur financement demeure toujours tabou : voyage au pays merveilleux du syndicalisme.

Agnès Verdier-Molinié et l'équipe de l'iFRAP

Agnès Verdier-Molinié et l'équipe de l'iFRAP

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est : 60 milliards d'économies !, paru aux éditions Albin Michel en mars 2013
 

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Malgré la baisse du nombre de leurs adhérents, l’argent coule à flots dans les caisses syndicales et le nombre de permanents est en constante augmentation. Tout cela grâce à la générosité du secteur public, prolixe en subventions et autres mises à disposition de personnels et de locaux. Un rapport confidentiel [1] de juin 2010, rédigé par Corinne Desforges pour le Ministre de la Fonction publique, a évalué que l’Etat et les collectivités locales verseraient près de 250 euros par fonctionnaire aux syndicats, soit plus d’un milliard d’euros versé ou "prêté" chaque année sortant de la poche du secteur public, donc du contribuable !

La question des subventions publiques

Ainsi, le ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l'Emploi verse chaque année une subvention de fonctionnement aux fédérations syndicales. Les subventions peuvent aussi se faire en nature, comme ces municipalités qui paient l’eau ou l’électricité pour les syndicats. C’est tout à fait illégal et certaines municipalités, Dieppe par exemple, ont déjà été condamnées pour cela. Une pratique dénoncée par l’Institut supérieur du travail : "Certaines des ressources dont bénéficient les organisations syndicales (notamment les décharges d’activité et mises à disposition de personnel tant dans le secteur public que privé) relèvent de procédures dont la légalité, et par suite la sécurité juridique, est pour le moins discutable".

 Or, Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, auteurs de Toujours moins, le syndicalisme à la françaiserappellent : "un syndicat qui dépend des employeurs – privés ou publics - pour tout ou partie de ses ressources n’est plus un syndicat mais un agent patronal (ou un rouage de l’Etat)".

Syndicats et entreprises publiques : des rapports incestueux

C’est en moyens humains que le secteur public est particulièrement généreux. D’après le rapport Desforges, plus de 90 % des moyens alloués aux organisations syndicales des départements tests sont des moyens humains. Et ce n’est qu’un minimum : le nombre de ces « mises à disposition » ne comprend pas les entreprises parapubliques (comme SNCF, EDF, CNAM). Or, ce sont surtout les entreprises publiques qui détachent leurs personnels sur « plusieurs années, voire des dizaines d’années [2]. » La CFDT déclare ainsi un peu plus de 2,65 millions d’euros en mises à disposition de personnels et 255 personnes travaillent à la confédération. Dans les années 1960, ils étaient une quarantaine à y travailler alors que les adhérents étaient plus nombreux [3]. Même chose pour la CGT dont le personnel aurait quintuplé. De fait, le personnel de ces syndicats ne croît pas avec le nombre d’adhérents mais avec… les effectifs de la fonction publique.

Une exception française

Cette situation est une exception française, que nos voisins européens n’ont pas imitée. En Allemagne, Grande-Bretagne, Italie ou Suède, le montant des cotisations représente environ 80 % des recettes totales des syndicats (contre 20 % en moyenne en France). La loi portant « rénovation de la démocratie sociale » d’août 2008 devrait permettre une vision plus fiable des ressources des syndicats. Grâce à cette loi, les comptes annuels des organisations syndicales dont les ressources sont supérieures à 230 000 euros comprendront dorénavant un bilan, un compte de résultat et une annexe, comme pour une entreprise privée. Mais son application ne donnera de résultats que dans quelques années : les comptes ne seront publiés qu’en 2010 pour les confédérations et les fédérations, en 2011 aux niveaux régional et départemental et en 2012 pour tous les syndicats. Les contributions publiques de financement devront être détaillées, mais pas les effectifs des collaborateurs mis à disposition des syndicats et le coût de ceux-ci. Un part d’ombre perdurera donc encore sur le sujet, sauf si Georges Tron parvient à lever le lièvre...



[1] Bilan des moyens alloués aux organisations syndicales dans la fonction publique, Corinne Desforges, au Ministre de la Fonction publique.

[2] J.-L. Touly, L’argent noir des syndicats, 2008, Fayard.

[3] D. Andolfatto et D. Labbé, Toujours Moins !, 2009, Gallimard.

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