Los Angeles sur euro ? Les leçons à tirer de la quasi-faillite californienne<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Los Angeles sur euro ? Les leçons à tirer de la quasi-faillite californienne
©

Trans Amérique Express

Jerry Brown le gouverneur de la Californie a annoncé que l'État pourrait faire face à un déficit de 4 milliards de dollars d'ici la fin de l'année financière en cours. Si rien n'est fait d'ici la fin de la prochaine année fiscale, le déficit pourrait atteindre les 16 milliards.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

Voir la bio »

La Californie, le plus riche des Etats américains est au bord du gouffre. Parce que plutôt que de maîtriser des dépenses publiques, depuis trop longtemps à la dérive, elle a compté sur une croissance qui ne s’est pas matérialisée.

Voici quelques jours le gouverneur de la Californie, Jerry Brown a annoncé que le budget de son Etat connaîtra un déficit beaucoup plus important que prévu, seize milliards de dollars. Près du double du déficit de neuf milliards envisagé en janvier.

Pourquoi ? Parce que les revenus de l’Etat se sont effondrés en même temps que l’activité économique, alors que la demande de services sociaux n’a cessé d’augmenter.

En d’autres termes la croissance attendue et espérée, à la fois pour boucler le budget en exercice et préparer le suivant n’a pas été au rendez-vous. Donc les rentrées de l’Etat ont été largement inférieures aux prévisions. Comme dans le même temps les dépenses n’ont pas été réduites l’Etat se trouve dans l’impossibilité de boucler ses comptes.

Une leçon qu’il n’est pas inutile de méditer à l’heure où en France certains comptent sur la croissance plutôt que sur un assainissement des dépenses publiques pour nous sortir de la crise de la dette.

En vérité, les problèmes de la Californie ne sont pas nouveaux. Voilà plus de vingt ans que cet Etat aligne des déficits budgétaires. Sa dette cumulée dépasse 350 milliards de dollars. Le poids des seuls intérêts de cette dette représente près de 10% de ses dépenses budgétaires. Malgré sa richesse, « l’Etat en or », c’est le surnom de la Californie, qui remonte à la ruée vers l’or, est devenue ingérable et quasiment insolvable.

La Californie compte 38 millions d’habitants pour 420 000km². Son PIB est de mille neuf cents milliards de dollars, soit 15% du PIB américain. Indépendante, elle serait la septième puissance mondiale, à hauteur de l’Italie. Elle possède quelques-uns des fleurons de l’industrie américaine, Chevron, Hewlet Packard, Apple, Intel, Google, Oracle, Cisco, Walt Disney et d’autres.

Mais elle a été frappée de plein fouet par la crise à partir de 2008. Le marché immobilier s’est effondré, notamment dans la région de Los Angeles. L’activité économique tourne depuis au ralenti. La bonne santé fringante des start-ups de l’Internet et de la Silicon Valley faisant figure d’exception dans un paysage déprimé. Le chômage est à 11%, soit 20% au dessus de la moyenne nationale.

Au-delà de cette conjoncture difficile, l’Etat vit une mutation fondamentale mais quasi invisible au quotidien : sa population bascule. Entre 2000 et 2010 elle a gagné quatre millions d’habitants, dont 1,8 millions en raison de l’immigration. Alors que dans le même temps 1,5 millions de ses résidents partaient vers d’autres Etats. Les blancs non hispaniques ne constituent plus que 40% de la population. A peine plus que les hispaniques, 38%.

La population « entrante » est plus pauvre que la population « sortante ». Résultat, des rentrées fiscales en baisses et des dépenses sociales en hausse. Sur les derniers dix millions de personnes ajoutées à sa population, 70% dépendent de l’aide publique pour leur santé.

Or la Californie est à la fois l’un des Etats les plus généreux de l’Union en termes de services publics et l’un des plus rétifs à l’impôt. La proportion des bénéficiaires du « welfare », l’aide sociale, est deux fois plus élevée qu’ailleurs. Ainsi la Californie rassemble 15% de la population des Etats-Unis, et 30% des bénéficiaires du « welfare ».

Sa générosité ne se limite pas aux destinataires de ses services mais concerne aussi les employés du service public, qu’ils soient municipaux ou régionaux. Syndicats puissants et bonne conscience obligent, la Californie rémunère tous ses fonctionnaires, des gardiens de prisons, aux employés administratifs, en passant par les policiers et pompiers, mieux que les autres Etats américains. Les salaires à six chiffres, c’est-à-dire au-dessus de cent mille dollars par an, ne sont pas exceptionnels. Le cas du psychiatre en chef des prisons gagnant plus de sept cent mille dollars a fait le tour du pays.

Ce qui n’a pas empêché les électeurs californiens de lancer dès 1978 une « tax revolt ». La fameuse « proposition 13 » a imposé une « super-majorité » des deux tiers au sein de l’assemblée d’Etat, pour approuver toute hausse des impôts. Autant dire que cela les a rendues impossibles. Depuis d’ailleurs, les initiatives populaires et autres référendums se sont multipliés. Ils sont devenus le seul moyen de contourner une législature totalement bloquée.

Enfin, au nom de la protection de l’environnement, la Californie a mis en place une règlementation de plus en plus stricte et de plus en plus hostile aux milieux des affaires. La taxe sur les bénéfices y est la plus élevée des Etats-Unis et pour la septième année consécutive les patrons américains ont désigné la Californie comme « le pire » endroit de l’Union pour « faire des affaires ». Dernière règlementation en date un système de « pollueur-payeur » obligeant les industries les plus polluantes à acheter des crédits auprès d’autres industries moins polluantes ou à payer une amende. Certaines entreprises ont choisi une troisième solution apparemment pas envisagée par les législateurs : plier bagages. Elles étaient 254 à quitter l’Etat en 2011.

La Californie est donc en panne. Elle a un mal chronique à boucler ses comptes. Une conjoncture difficile peut l’amener au bord du précipice.

Pour le gouverneur Jerry Brown, un démocrate, le défi est simple. Il lui faut trouver de quoi boucler son budget afin de le présenter devant l’assemblée et espérer obtenir la majorité des deux-tiers nécessaire à son passage. Pour cela il vient de mettre ses concitoyens devant un cas de conscience : approuvez par référendum une hausse d’impôts ou bien il faudra couper dans les services et c’est l’éducation qui trinquera ! Problème, le budget doit être bouclé pour la fin juin et le vote sur la hausse d’import n’interviendra qu’en novembre !

Les hausses d’impôts en question concernent les revenus supérieurs à 250 000 dollars, et ceux supérieurs à un million de dollars… (tiens, on a vu cela ailleurs !)

Face à ces demandes l’éditorialiste du Orange County Register, quotidien de Los Angeles a mis en garde ses lecteurs : Attention, leur a-t-il dit, « la Californie est engagée dans une spirale descendante qui la fera ressembler bientôt à la… France »

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !