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Encadrement des loyers : 
quand le réflexe idéologique prime
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Retour en 1948

La ministre du Logement Cécile Duflot a annoncé que la promesse de François Hollande d'encadrer les loyers serait "au coeur" de ses priorités. Une proposition qui rappelle les exemples désastreux de 1948 et 1982, où le blocage des loyers avaient conduit à une diminution du taux de rentabilité des loyers... créant un parc de logements insalubres et vacants.

Jean-François Lamour

Jean-François Lamour

Jean-François Lamour est député de Paris et président du groupe UMP au Conseil de Paris. Il est aussi ancien champion olympique de sabre.

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Cécile Duflot, nouvelle ministre de l’Egalité des territoires et du logement, a annoncé la présentation d’un dispositif d’encadrement des loyers dans les prochaines semaines. Cette annonce ne surprend personne car il s’agit d’un engagement du candidat François Hollande, devenu président de la République.

Cependant, durant la campagne, les propositions de la gauche sont restées très floues, révélant une mauvaise maîtrise du sujet. François Hollande, Thierry Repentin (sénateur de la Savoie, responsable pôle habitat et ville de François Hollande pendant la campagne présidentielle), leurs camarades socialistes et alliés écologistes ont utilisé indifféremment les mots de "blocage", "encadrement", "baisse administrative des loyers", "miroir des loyers", etc.

Ces propos  résument la réponse de la gauche française, confrontée à la crise du logement : une décision administrative fixant le montant des loyers, un réflexe idéologique, déconnecté de la réalité de l’économie et du secteur du logement.

L’idée même de blocage ou d’encadrement des prix demeure particulièrement étonnante. Pourquoi bloquer ou encadrer uniquement les loyers ? Le Gouvernement pourrait tout aussi bien décider administrativement de bloquer les prix de la viande, des légumes, des fruits, du lait et de l’eau, mais aussi de l’automobile ou d’Internet.

Une hypothèse qui encouragerait immédiatement les producteurs à cesser leurs activités, arrêter leurs investissements ou encore à diminuer la qualité de leurs produits. Ce serait exactement le même mécanisme qui se produirait en matière de logement.

Souvenez-vous que François Hollande, pendant sa campagne, avait proposé de bloquer les prix de l’essence pendant trois mois. C’était oublier les mécanismes d’un marché dans lequel les prix augmentent… mais peuvent baisser aussi.

Le coût de la construction et le niveau des loyers résultent, comme tous les autres biens, d’un marché et du mécanisme de l’offre et de la demande. Loin de moi l’idée de laisser le marché opérer, ni de prétendre que la main invisible d’Adam Smith est la seule légitime face à la crise du logement. Les mécanismes du marché permettent cependant de comprendre les causes de la crise du logement, en particulier dans les zones tendues.

Prenons l’exemple de Paris, zone tendue, ville peu étendue, mais où beaucoup souhaitent habiter et travailler. Première conséquence, les loyers augmentent plus vite que dans le reste de la France et leurs niveaux sont considérablement plus élevés. Deuxième conséquence, être locataire à Paris s’apparente à une entrée en Master à l’Université : un dossier complet est exigé, avec caution et garanties dignes d’un parcours du combattant.

Face à cette situation donnée, deux logiques se présentent au Gouvernement : une politique de l’offre ou une politique de la demande. Je propose de combiner ces deux logiques, par une politique de construction de nouveaux logements - pas seulement sociaux -  avec des incitations fiscales réservées aux zones tendues -par l’ouverture des prêts PLS aux investisseurs privés - créant ainsi des logements intermédiaires qui pourront devenir à loyers libres après la période de financement .

Comme Assar Lindbeck, président du comité Nobel d’économie, je pense qu"après les bombes incendiaires, le contrôle des loyers est le plus sûr moyen de raser une ville". Comme Gérard Collomb, maire socialiste de Lyon, je crois que "la pire période du logement en France, ça a été les lois de 1948 qui interdisaient l'augmentation des loyers et donc qui ont amené à une véritable pénurie de logements".

Depuis le début des années 1990, nous assistons au retrait des investisseurs institutionnels du marché locatif privé, générant de nombreuses ventes à la découpe. Les deux explications à ce retrait sont la diminution du taux de rentabilité net des investissements et l’utilisation du droit de préemption par les communes dont use et abuse Bertrand Delanoë, maire de Paris.

Cela démontre que l’encadrement des loyers n’est qu’un réflexe idéologique d’une gauche qui n’a pas intégré les mécanismes du marché. Cette politique aurait des effets dévastateurs sur le logement et sur les loyers, en diminuant encore le taux de rentabilité. Nous manquons de logements et l’encadrement (à la baisse ?) des loyers découragerait encore et encore les propriétaires et les investisseurs.

L’encadrement des loyers conduirait inexorablement à créer un parc avec des logements insalubres et vacants mais aussi  à développer un marché noir de la location.

Seule une politique de l’offre permettra de progresser vers l’idéal du logement décent pour tous. Il faut encourager la construction et bâtir en vertical et en horizontal. En cela, le Grand Paris initié par Nicolas Sarkozy est une excellente idée. A terme, les compétences en matière de logement devront être réunies au sein d’une métropole parisienne qui tarde à voir le jour. La réponse n’est pas de créer une énième strate administrative, comme le proposent Bertrand Delanoë et Jean-Paul Huchon avec l’autorité métropolitaine du logement, mais de simplifier et de concevoir la politique du logement au sein d’une échelle plus pertinente.

A deux reprises déjà, en 1948 et en 1982, le blocage des loyers a eu des effets désastreux. Je demande à Cécile Duflot, ministre du Logement, de ne pas créer artificiellement une nouvelle pénurie de logements.

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