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Sortir la Grèce de l'euro signerait la mort de l'Europe
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On n'achève pas les blessés

La sortie de la Grèce de la zone euro après un référendum pourrait passer pour "une démission" en douceur du pays de la grande entreprise européenne. Elle cachera en fait un licenciement pur et simple, qui tuerait l'idée d'Union européenne telle qu'elle s'est construite depuis soixante ans.

Alexandre Avrillon

Alexandre Avrillon

Alexandre Avrillon est diplômé de l'Essec et avocat dans un cabinet d'affaires parisien. Il s'intéresse aux questions historiques, économiques et géopolitiques.

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Angela Merkel a évoqué la mise en place d'un référendum en Grèce, qui se tiendrait concomitamment aux prochaines élections législatives dans ce pays. Ne soyons pas dupe : elle se comporte en directrice des ressources humaines de la zone euro et vient de poser à la Grèce la question perfide que tout bon jeune embauché redoute lors de son entretien d'évaluation après quelques mois de labeur : « Alors, mon jeune ami, comment voyez-vous la suite de votre carrière ? », autrement dit, « par ici la sortie ».

C'est une belle invitation, drapée dans le satin de la légitimité démocratique, à faire en sorte que la Grèce décide de son propre chef de sa sortie de la zone euro. Personne n'y trouvera rien à redire : les grecs pourront dévaluer leur nouvelle monnaie à leur guise et ainsi favoriser leurs exportations (les fameuses tablettes tactiles et autres automobiles grecques inonderont alors nos foyers, soyons en certains). Ils auront fait leur choix. Et puis, entre nous, ils ne l'auront pas volé puisqu'ils ont trafiqué leurs comptes au moment d'intégrer l'union monétaire.

En réalité, ces paroles risquent bien de sonner le glas de la construction européenne telle que nous l'avons connue au cours des soixante dernières années. Pour la première fois, des européens ayant bâtit un ensemble en commun pousseront vers la sortie l'un des leurs. Pour la première fois, il ne s'agira plus de trouver un équilibre entre élargissement et approfondissement des liens qui unissent les européens mais bien de maquiller le licenciement d'un pays de la zone euro en démission plus ou moins consentie.

Le sinistre Marcel Déat se demandait en 1939 s'il fallait se battre pour la Pologne et « Mourir pour Dantzig ? ». Son interrogation trouve un écho lointain dans ce « Payer pour la Grèce ? » sous-jacent auquel les dirigeants européens tendent doucement à répondre par la négative.

Ce que Madame Merkel, et nos présidents n'ont pas compris, c'est que ce n'est pas la charrue qui fait avancer les bœufs mais bien l'inverse. C'est bien l'idée d'une Europe unie qui a permis la mise en place d'un marché commun, d'une monnaie commune, de coopérations renforcées entre les Etats européens. Un idéal commun ne s'est jamais construit par le commerce, mais de bonnes relations commerciales peuvent naître d'une culture et valeurs partagées.

Si nous abandonnons la Grèce aujourd'hui, je ne sais pas si l'Espagne, le Portugal ou d'autres seront à leur tour poussés vers la sortie de la zone Euro. Je sais simplement que ce sera le début de la fin d'un bel idéal d'intégration sans contrainte des nations européennes, tel que nos contrées n'en ont jamais connu. Alors oui, en « contenant l'incendie », l'euro sera peut-être sauvé, l'Insee nous gratifiera  sans doute d'un dixième de point de croissance supplémentaire en 2016 et chacun pourra se féliciter d'avoir pris la bonne décision, celle qu’on aime concevoir quand elle ne vous concerne pas, « douloureuse mais salvatrice ». Mais l'Europe ne sera jamais plus la même. Il nous restera une charrue, sans les bœufs.

Alors bien entendu, face aux contraintes des taux d'intérêts, des marchés, de nos « partenaires » chinois ou américains, l’idéal européen ne pèse pas lourd. Et au moment de trancher, il est peu probable que nos dirigeants prennent leurs décisions autrement qu'à la lumière de données économiques conjoncturelles. Je ne leur demande qu’une chose : qu’un instant, au lieu de s'arrêter au présent, ils regardent à la fois notre passé et notre avenir, le chemin parcouru et les combats que le peuple européen doit encore mener. En somme, je voudrais qu'ils cessent de se réunir en tant qu'Allemands, Français, Espagnols ou Irlandais, qu'ils prennent conscience qu'ils sont simplement Européens, et qu’ils assument cette position courageuse devant leurs électeurs. Et alors, faisant fi des rancœurs et des peurs  nationales, nous renflouerons la Grèce et nous ferons grandir l'Europe.

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