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Nouveaux noms des ministères : à trop promettre, le temps des désillusions sera plus dur
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Du Redressement productif à la Réussite éducative, le gouvernement est marqué par des intitulés de ministères inédits. Ils reflètent la patte de la gauche, mais pourraient bien rendre la désillusion potentielle plus forte.

Elodie Laye Mielczareck

Elodie Laye Mielczareck

Elodie Laye Mielczareck est sémiologue. Elle est spécialisée dans le langage verbal (sémantique) et non verbal (body language). Elle conseille également les dirigeants d’entreprise et accompagne certaines agences de communication et relations publiques internationales, notamment sur la question de la raison d’être. Très régulièrement sollicitée par les médias, Elodie Laye Mielczareck décrypte les tendances sociétales de fond, ainsi que les dynamiques comportementales de nos représentants politiques et autres célébrités. Elle est également conférencière et auteure.

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Atlantico : Redressement productif, Education populaire, Réussite éducative ou Egalité des territoires... Comment le nouveau gouvernement, par le biais des intitulés ministériels, marque-t-il un changement de vision par rapport au quinquennat précédent ?

Elodie Mielczareck : N'oublions pas que la langue structure notre vision du monde. Il est donc clair que chaque quinquennat propose sa propre vision du monde, et la dénomination des ministères est l'un des reflets de celle-ci. Ne plus parler d' "identité nationale" mais "des droits des femmes" ou "des Outres-mer", c'est proposer une certaine structuration du réel, c'est le reflet d'une certaine catégorisation de la pensée. Par rapport au quinquennat précédent, on remarque ainsi que les dénominations actuelles se veulent très euphoriques, plus positives et plus ouvertes à la cohésion sociale et au multiculturalisme -avec par exemple le ministère des Outremers qui remplace celui de l'Outre-mer, ce qui montre une volonté de ne plus mettre toutes les cultures non métropolitaines sous la même étiquette.

Les intitulés ministériels, en utilisant des termes alambiqués ("redressement productif" au lieu d'"industrie", par exemple ) ne risquent-ils pas de s'éloigner des réalités concrètes ?

Le principal risque d'user de ces termes très euphoriques, ce n'est pas tant de se couper du réel que de créer la déception si les résultats ne sont pas au rendez-vous. Comment justifier, par exemple, que le ministère du Redressement productif ne soit pas davantage productif que feu le ministère de l'Industrie, ou pis qu'il n'y ait pas de redressement ? Finalement, ces ministères courent le risque ouvert de devenir des "lieux de non sens", des lieux de désenchantement...

L'intitulé des ministères marque-t-il une critique des gouvernements précédents ? L’apparition du "dialogue social" dans l'intitulé du ministère du travail montre-t-il qu'il y en avait pas avant ?

C'est une bonne question ! Effectivement, ce changement montre une volonté de se démarquer et contient effectivement et implicitement la critique des quinquennats précédents, et plus précisément de ceux mis en place sous Nicolas Sarkozy. Comme "la France Forte", le slogan de campagne de Nicolas Sarkozy, sous-entendait que François Hollande incarnait une "France Molle", le choix d'intitulés comme "redressement productif" sous-entend qu'il y a nécessité de changer de mode de fonctionnement (en mettant en place une politique de consommation et non pas une politique d'austérité) car les actions précédentes n'ont pas été à la hauteur. C'est donc clairement une critique ouverte du sarkozysme.

Comment l'intitulé des ministères reflète-t-il l'air du temps, du "ministère du temps libre" de François Mitterrand à celui de l'"identité nationale" de Nicolas Sarkozy ?

Ils reflètent l'air du temps, probablement, mais aussi certainement les politiques des partis en place. Si on faisait une analyse sémantique approfondie des ministères sur les différents gouvernements, gageons que les champs lexicaux du "social", de la "liberté" et de la "production" seront beaucoup plus présents lorsque le gouvernement en place est de gauche.  

La disparation des secrétaires d'Etats, remplacés par des ministres délégués, est-elle symbolique sur le plan sémiotique ?

Tout a fait symbolique. Cela est une manière forte de montrer une volonté à traiter tous les sujets ensemble, sans que certains membres du gouvernement ne soient relayés au second plan. C'est mettre toutes les problématiques sur le devant de la scène sans en laisser en coulisse, bien qu'aucun changement sur le plan de la logistique ne devrait voir le jour. C'est donc la promesse d'une résolution prochaine de tous les problèmes actuels, sociaux comme économiques. Nous avons là un nouveau gouvernement qui se montre volontaire et pro-actif. Le temps de la désillusion devrait être un peu difficile.

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