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Pourquoi nous souhaitons fonder 
un syndicat de magistrats de droite
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La balance penchera à droite

Le nouveau gouvernement de François Hollande ne pourra sans doute pas compter sur une magistrature uniformément à gauche. Le syndicat Magistrats pour la Justice, en cours de création, se veut une force à contre-courant véhiculant des valeurs orientées à droite.

Atlantico : Vous êtes en passe de fonder le syndicat Magistrats pour le Justice que vous assumez comme clairement orienté à droite. Ce syndicat vient-il contrer un corps de métier beaucoup trop gaucho-compatible ?

Alexandra Onfray : Ce qui motive la création de ce parti, c'est une représentativité syndicale aujourd'hui extrêmement restreinte dans la magistrature. Seules trois formations s'en chargent : le Syndicat de la Magistrature, créé après 1968 dans le prolongement de la contestation sociale, L'UNI syndicat des Magistrats qui représente le gros morceau de la profession à hauteur de 80% des magistrats lors des élections professionnelles, se veut a-politique mais qui a glissé, depuis de longues années, dans ses positions vers l'aile gauche de l'échiquier politique français.

Rappelons qu'en 2007, le président de l'USM avait, ni plus ni moins, soutenu la candidature de Ségolène Royale à la présidence de la République et dans le prolongement s'est présenté aux législatives sous l'étiquette du Parti Socialiste et cela s'est traduit naturellement par la suite sur les positions du syndicat dans des décisions de justice.

Récemment, l'USM a publié un bilan très critique du quinquennat présidentiel, au coeur même de la campagne, et rejoint très clairement la ligne du Syndicat de la Magistrature quand il a appelé à voter François Hollande. L'USM n'a pas agit aussi clairement mais il est évidemment que ce bilan, très caricatural, publié durant cette séquence électorale, équivalait à inviter l'ensemble des magistrats et des personnes syndiquées à se prononcer en faveur de François Hollande. 

La représentation des magistrats est donc très, si ce n'est limitée, tout au moins fortement orientée. Au regard de cela, nous étions plusieurs magistrats à vouloir nous faire entendre, sur le terrain médiatique en particulier, afin que l'expression publique de la magistrature ne soit pas orientée en un seul sens et qu'une n'autre voix puisse se faire entendre, qu'elle soit l'expression d'une autre ambition pour la justice, et d'un certain nombre de valeurs qui méritent aujourd'hui d'être défendues. Aussi la forme syndicale s'est imposée car c'est celle qui permet de peser le plus sur les évènements à venir en matière de justice. Elle nous permet, d'autre part, de réagir très vigoureusement à l'attitude des syndicats durant la période électorale. 

En elle même, l'élection de François Hollande n'a pas été un déclencheur, le projet était prévu de longue date, mais elle a hâté très clairement l'entreprise

Tout de même, ce mardi nous serons officiellement dans un gouvernement de gauche, aussi la création d'un contre pouvoir se posait-elle avec plus d'acuité ?

Bien sûr. Ceci dit le pluralisme était tout de même évident. Mais ce syndicat ne s'affiche pas comme étant de droite, mais aura des valeurs qui seront catégoriées comme telles. Il y aura une totale indépendance dans l'expression des valeurs qui sont celles l'autorité de l'Etat, du respect de la justice, de l'exécution de ses décisions et d'une fermeté qui donne toute sa dimension dissuasive à la loi, car elle ne sert plus à grand-chose si elle n'est pas appliquée dans toute la plénitude de ses textes. 

Ces valeurs permettent une totale indépendance vis-à-vis de tout parti politique ou mouvement qui aurait un ancrage politique. Le syndicat se reconnaît un total droit d'inventaire, y compris sur des lois adoptées au cours du dernier quinquennat et qui ne paraîtrait pas correspondre à ce que l'on attend d'une justice telle qu'il la conçoit et la souhaite.

La création de ce type de syndicat n'est pas nouvelle : déjà en 1981, lors de la victoire de la gauche, l'Association professionnelle des Magistrats avait été créée, déclarée ouvertement à droite, mais a périclité en 2008 dans des conditions assez difficiles. Est-il difficile d'avoir ces valeurs au sein de la Justice française ?

Indiscutablement. Déjà le syndicalisme au sein de la Justice française est un peu compliqué à exercer car - et il faut sans cesse le rappeler - les règles déontologiques sont claires et importantes à respecter, ce que n'ont pas toujours fait les syndicats récemment. Elles obligent à affirmer une totale indépendance vis-à-vis de l'autorité exécutive et législative sans dépendre d'aucun parti ni mouvement

Ces valeurs sont partagées par un certains nombres de magistrats. Reste à espérer que ce syndicat réussisse à les convaincre. Moi-même, je fais partie de l'Union Syndicale de la Magistrature, je connais ce syndicat de l'intérieur. Au début, il se voulait a-politique et certains n'ont accepté d'être adhérent qu'à ces conditions afin de défendre les intérêts de la justice.

Donc, il n'est pas, en tant que tel, difficile d'être de droite quand on est magistrat, mais plusieurs d'entre nous, qui considèrent la justice comme un dernier rempart de la société pour assurer l'ordre et la sécurité de nos concitoyens, attendent de pouvoir faire partie d'un corps qui se porte garant de cette assurance.

En effet les derniers débats ont montré que les Français avaient une réelle méconnaissance de leur justice et que celle-ci n'était pas toujours capable, soit de l'expliquer, soit d'y répondre. Dans les deux cas, c'est extrêmement dangereux pour la démocratie, car cela indique que la Justice ne répond plus à ses objectifs, laisse les gens désemparés ou dans la crainte de ne pas être protégés autant qu'ils le voudraient.

C'est cela aussi que ce syndicat compte avoir, au-delà d'une expression corporatiste, une expression qui tient compte des doléances exprimées aujourd'hui à la Justice.

Votre parcours, en particulier votre collaboration avec Rachida Dati, qui a été très secouée par les Magistrats, ne risquera-t-elle pas de vous mettre en confrontation directe avec les autres syndicats ?

Il y aura inévitablement des confrontations. Cependant, les autres syndicats doivent aussi assumer ce qu'ils pensent. Quand M.Vallini, pressenti pour être le prochain Garde des Sceaux, qui a présidé la Commission Outreau mais dit des contre-vérités sur un certain nombre de sujets de justice, on ne lui en a pas tenu grief.

Rachida Dati a essayé de vaincre un certain nombre d'inerties qui existent dans la Justice française, car en effet et assez paradoxalement, la Justice est très conservatrice - tout en ne partageant pas les idées des conservateurs - et il est difficile de faire évoluer cette institution, toute tentative étant perçue comme une persécution ou un traumatisme. La réforme de la carte judiciaire en est l'illustration. Elle n'avait pas évolué depuis 1958, il était indispensable de la réformer, mais la mise en oeuvre était très difficile.

L'ancienne Ministre de la Justice a démontré que lorsqu'on a une véritable vision et quand on a une ambition pour la Justice, il fallait à tout prix tenter de la mettre en oeuvre. Il faut une totale liberté de parole et de positionnement, d'ailleurs le syndicat est très hostile aux intentions affichées par le nouveau Président d'abroger des lois telles que les peines planchers et les lois de rétention de sûreté car elles affichaient une volonté de non-complaisance envers les récidivistes et d'en finir avec la naïveté vis-à-vis d'un certains nombres de criminels dangereux qui tirent de longues peines mais qui en ressortent libres de tout contrôle, alors même qu'ils restent un danger.

Vous fustigez "le laxisme pénal", mais de nombreuses postures du gouvernement ont été pointées comme redondantes ou incomplètes, n’avez-vous pas peur au contraire d’incarner une justice trop ferme et en décalage avec son temps ?

La justice dans son positionnement n'est pas d'écraser le justiciable quel qu'il soit. Il n'y a pas de prise à partie pour un camp au détriment de l'autre. Le syndicat prône une justice cohérente, c'est-à-dire que lorsque le récidiviste encours le double de la peine prévue par la loi, car il a déjà été condamné une première fois, la logique veut qu'on en tienne compte. On ne peut pas continuer avec des décisions de justices qui aillent continuellement dans le sens des personnes mises en cause afin de les excuser et justifier leurs actes.

Toutefois, on en est pas à vouloir l'application d'une justice inhumaine, avec des peines disproportionnées compte tenu de la personnalité de la personne mise en cause, de ses actes et de leur contexte. Mais il faut bien comprendre, qu'aujourd'hui nous sommes face à une délinquance répétée, de gens qui sont dans une réitération d'actes graves, qui ouvertement ne manifestent aucune crainte  de la justice, et je pense, c'est le signe indicateur qui montre que l'institution ne fonctionne plus correctement. Et tout l'intérêt des peines plancher était cette approche dissuasive de la loi pénale avec une gradation des sanctions pour les personnes qui se sont déjà fait connaître négativement. 

Propos recueillis par Priscilla Romain

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