Europe : réveillez-vous face aux dynamiques changeantes du Moyen-Orient<!-- --> | Atlantico.fr
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Israël Emirats arabes unis accord de paix historique normalisation europe union européenne
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©JACK GUEZ / AFP

Accord de paix historique

Les Etats-Unis ont annoncé un accord historique de normalisation entre les Emirats arabes unis et Israël. L'Union européenne pourrait-elle jouer un rôle au Moyen-Orient au regard de cette décision ?

David Harris

David Harris

David Harris est CEO de l'AJC (American Jewish Committee).

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Les nouvelles qui nous sont parvenues du Moyen-Orient la semaine dernière étaient électrisantes, historiques et révolutionnaires. 

Les Émirats arabes unis (EAU) et Israël ont conclu un accord de paix et l’administration Trump en a été le médiateur. 

Comment cela a-t-il pu se produire, se demandent de nombreux Européens ?

Comment un premier ministre israélien "de droite", qui s'était vraisemblablement mis à dos l'ensemble du monde arabe en parlant d'"annexion" de certaines parties de la Cisjordanie, a-t-il pu y parvenir ?

Comment un petit pays arabe - qui, contrairement à l'Égypte et à la Jordanie, n'avait aucun différend territorial avec Israël à résoudre - a-t-il pu rompre avec des décennies de dogme sacré dans la région en reconnaissant Israël avant que la question palestinienne ne soit résolue ?

Et comment un dirigeant américain, si décrié en Europe et souvent considéré comme n'ayant aucun savoir-faire diplomatique, a-t-il pu être le fer de lance du premier accord de paix avec Israël depuis 1994 ?

La réponse réside dans la dynamique changeante de la région, que trop de dirigeants européens, de Paris à Berlin en passant par Bruxelles, n'ont, hélas, pas su déceler. 

Tout d'abord, il y a l'Iran. Pour le monde arabe sunnite et Israël, cette menace de Téhéran et de ses mandataires, dont le Hezbollah, domine la réflexion stratégique. 

Non, la question palestinienne n'est pas au cœur des défis du Moyen-Orient, un refrain que j'ai entendu des dizaines de fois dans certaines capitales européennes. Il s'agit de l'Iran et de ses ambitions hégémoniques, qui se jouent actuellement en Irak, en Syrie, au Liban, au Yémen et à Gaza, sans parler de l'accent mis sur le Bahreïn, l'Arabie saoudite et d'autres pays. En effet, le Maroc, même lointain, a coupé ses liens avec l'Iran en 2018 en raison d'interférences déstabilisatrices.

Lorsque l'administration Obama, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, rejoints par la Commission de l'Union européenne, sont allés de l'avant avec un accord nucléaire avec l'Iran en 2015, malgré les objections de nombreux voisins de l'Iran, ils ont quasiment garanti une nouvelle relation entre Israël et les pays arabes sunnites. 

Après tout, si l'on ne pouvait plus compter sur Washington pour protéger les pays du Golfe arabe, et encore moins sur l'Europe, qui pourrait combler le vide ? Qui possède les trois atouts essentiels - la volonté politique, la capacité militaire et le renseignement exploitable ? Israël, bien sûr. Pendant ce temps, Jérusalem ne voulait rien d'autre que l’ouverture d’une nouvelle ère dans les relations avec ces mêmes pays, à commencer par le Bahreïn, Oman, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. 

Deuxièmement, avec le sentiment croissant qu'Israël est un partenaire stratégique essentiel, on s'est rendu compte qu'Israël avait beaucoup à offrir - de la sécurité alimentaire à la cyber-sécurité, de la technologie à la lutte contre le terrorisme, de la gestion de l'eau à l'investissement. 

Pourtant, pendant des décennies, les pays arabes ont suivi les Palestiniens lorsqu'il s'agissait d'Israël. Ce n'est plus le cas. L'impatience envers les Palestiniens et leur dysfonctionnement politique s'est accrue ces dernières années, en raison d'une prise de conscience que main tendue par Israël et tentative d’accord a été rejetée ou ignorée par les dirigeants palestiniens au cours des vingt dernières années, voire plus. 

Alors pourquoi continuer à être l'otage de dirigeants palestiniens qui ne veulent pas dire "oui" à un accord de deux États, alors qu'Israël a tant à offrir et que les enjeux régionaux sont si élevés ? Et, dans tous les cas, ce sont peut-être des dirigeants arabes éclairés qui peuvent faire entendre raison aux Palestiniens, et même changer le calcul israélien sur des questions telles que l'annexion et, en fin de compte, même un accord de paix, puisque le chemin inverse emprunté par les Palestiniens n'a mené à rien. 

Et troisièmement, si l'Europe, contrairement aux États-Unis aujourd'hui, veut continuer à insister sur le fait que la question palestinienne est au centre de la compréhension de la dynamique du Moyen-Orient, que le bilan palestinien en matière de refus n'est pas pertinent, que l'Iran peut être géré depuis Bruxelles, ou, au passage, que le Hezbollah peut être divisé en deux ailes fictives, "militaire" et "politique", comme l'UE l'a fait de manière indéfendable en 2013 sur l’injonction de la France, alors elle continuera à être mise sur la touche, tandis qu'un nouvel équilibre des forces émerge au Moyen-Orient. 

L'Europe a beaucoup à offrir, en particulier sa remarquable expérience de consolidation de la paix et d'intégration d'après-guerre qu'est aujourd'hui l'UE. Elle pourrait peut-être un jour servir de modèle à d'autres régions ayant une longue histoire de conflits et d'animosité. 

Mais cela n'arrivera pas à moins que l'Europe ne renonce à certaines de ses réflexions archaïques sur le Moyen-Orient, qu'elle reconnaisse et adopte la nouvelle dynamique à l'œuvre telle qu'elle se reflète dans l'accord EAU-Israël (et d'autres à suivre ?), qu'elle pose un regard neuf sur sa propre relation complexe avec Israël et qu'elle mette fin à sa politique de "faibles attentes" envers les Palestiniens. 

En tant que pays particulièrement puissant et influent en Europe, La France est dans une position unique pour faire preuve de leadership, de vision et de courage. Et si ce n'est pas maintenant, alors quand ?

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