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coronavirus covid-19 immunité virus pandémie OMS
coronavirus covid-19 immunité virus pandémie OMS
©JOEL SAGET / AFP

Pandémie

Alors que l'OMS a prévenu que la pandémie de coronavirus allait probablement être "très longue", une immunité globale est-elle envisageable ? Doit-on abandonner la recherche d'un vaccin ? Un retour à la normale sur le long terme est-il envisageable ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico.fr : Le coronavirus fait-il irrémédiablement partie de notre environnement ?

Stéphane Gayet : En ce début août 2020, en dépit des informations quotidiennes dont l’objectif est surtout de nous inciter à la prudence et au respect des mesures préventives (masque, distance, mains), on peut dire que la pandémie marque le pas. C’est vrai de la grande majorité des pays qui ont géré leur épidémie de façon lucide, responsable, volontaire, concertée et méthodique ; mais ces qualificatifs ne s’appliquent pas à tous les pays et je pense notamment à plusieurs d’entre eux sur le continent américain qui donnent l’impression d’une certaine insouciance.

Concernant la France, je vous invite à observer régulièrement le niveau des six indicateurs principaux : 1. Le nombre quotidien de personnes nouvellement hospitalisées2. Le nombre quotidien de personnes nouvellement admises en réanimation3. Le nombre quotidien de personnes nouvellement décédées4. Le nombre quotidien de personnes testées par PCR5. Le nombre quotidien de personnes testées positives par PCR6. Le taux quotidien de positivité des tests PCR.

Pour chaque indicateur, la courbe apparaît quand on clique sur « Synthèse ».

Je vous invite à conserver ces liens qui vous permettent en une ou deux minutes de savoir où nous en sommes. La dernière valeur de l’indicateur 6 date du 2 août, où il était à 1,7 %, ce qui reste proche de 1,5 % est n’est pas inquiétant. Les indicateurs 1, 2 et 3 sont à un niveau toujours bas. L’indicateur 4 n’est pas un indicateur de morbidité, mais un indicateur d’intervention ; l’indicateur 5 évolue de façon parallèle à lui, ce qui se traduit par un indicateur 6 assez stable.

L’évolution du rapport de l’espèce humaine avec ce nouveau virus SARS-CoV-2

Que de contrevérités sont dites, écrites et propagées à propos de la CoVid-19 et de son virus le SARS-CoV-2. Quand des politiques parlent de guerre contre le virus ou d’éradiquer le virus, ce sont des non-sens. Un virus n’est pas un être vivant, ce n’est qu’une information génétique protégée et associée à des protéines qui ne sont que les outils nécessaires à sa pénétration dans une cellule et sa réplication par cette cellule.

D’où viennent les virus ? Plusieurs théories sont échafaudées à leur sujet. Quoi qu’il en soit, ils sont omniprésents : ces agents infectieux microscopiques et inertes infectent tous les végétaux et tous les animaux, ou presque. On peut même dire qu’ils font partie de la matière vivante. On a longtemps considéré que les virus étaient systématiquement synonymes de pathogénicité, c’est-à-dire qu’ils rendaient obligatoirement malades les organismes qu’ils infectaient. Or, ce n’est plus notre conception actuelle ; prenons l’exemple de la scarlatine : c’est une maladie infectieuse bactérienne due à un streptocoque modifié par une infection virale ; du fait de cette infection virale par un « bactériophage » (nom générique des virus des bactéries), le streptocoque de la scarlatine est plus puissant (point de vue bactérien) et plus pathogène (point de vue humain) qu’un streptocoque non infecté ; c’est un exemple d’infection virale qui augmente les performances.

Il est évident qu’en médecine, nous nous intéressons aux virus pathogènes. De tous les virus qui sont pathogènes pour l’espèce humaine, seul le virus de la variole est officiellement considéré comme éradiqué ; mais ce n’est pas tout à fait certain. On a espéré en vain éradiquer le virus de la rougeole… et c’est un échec mondial, un échec de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ; pourtant, le virus de la rougeole est strictement humain, il ne peut infecter aucun animal ; et puis avec la rougeole, il n’y a pas ce pourcentage important de formes inapparentes ou presque. On comprend que parler d’éradiquer le SARS-CoV-2 est un objectif insensé.

Que peut-on affirmer sur l’éco-épidémiologie (écologie et épidémiologie) de la CoVid-19 ?

En réalité, la science est riche en incertitudes. Vérité aujourd’hui, contrevérité demain ; il faut l’accepter ; c’est pourquoi la rigueur exigerait le conditionnel, mais cela déplaît à beaucoup de personnes qui souhaitent des certitudes.

Le SARS-CoV-2 est un coronavirus, proche du SARS-CoV-1 (SRAS chinois de 2002) et du MERS-CoV (SRAS saoudien de 2012). On a perdu la trace du SARS-CoV-1, mais pas celle du MERS-CoV. Ces coronavirus ont pour réservoir primaire des chauves-souris et passent à l’homme par l’intermédiaire d’autres mammifères. Il existe par ailleurs quatre autres coronavirus qui donnent des rhumes et parfois des gastroentérites aiguës : ce sont des coronavirus peu pathogènes qui sont adaptés à l’homme. Il faut aussi parler des nombreux coronavirus qui sont pathogènes pour différents animaux.

Compte tenu de toutes ces données et de ce que l’on sait de la pandémie en cours, il y a tout lieu de penser que le SARS-CoV-2 va continuer durablement à infecter l’espèce humaine, qu’en d’autres termes il est en train de devenir un virus humain comme les autres (virus responsables de : herpès, varicelle-zona, mononucléose infectieuse, rhume, rougeole, rubéole, oreillons, gastroentérite aiguë virale, conjonctivite aiguë virale, verrues, condylomes, hépatite A, hépatite B, hépatite C, grippe B et C, sida, poliomyélite antérieure aiguë, dengue, chikungunya, etc.). Marc Lipsitch est l’un des tout premiers à avoir suggéré que le SARS-CoV-2 allait probablement devenir un virus humain comme un autre ; il est professeur d’épidémiologie à l’université de Harvard (dans l’agglomération de Boston, la doyenne des universités américaines) ; il est donc possible ou même probable que la CoVid-19 devienne une maladie infectieuse annuelle saisonnière.

De surcroît, de récentes observations incitent à penser que le SARS-CoV-2 pourrait passer chez des mammifères en contact avec l’homme et ensuite contaminer à leur tour d’autres êtres humains.

Une immunité globale est-elle envisageable ? Doit-on abandonner la recherche d'un vaccin ?

La question de l’immunité est particulièrement délicate pour le SARS-CoV-2. La CoVid-19 est une maladie immunisante, c’est quelque chose d’acquis : elle suscite la mise en place d’une immunité humorale (production d’anticorps par des lymphocytes B spécialisés, les plasmocytes) et cellulaire (lymphocytes T et autres globules blancs qu’ils coordonnent). En revanche, on ne sait pas si cette immunité dure six mois, un an, un an et demi, deux ans ou plus. On a d’abord affirmé que le degré d’immunité post-infectieuse était proportionné à la sévérité de la maladie, avant d’infirmer cela et donc de dire que les formes peu apparentes immunisaient tout autant que les autres.

Concernant la transmission du virus, ce qui est lié d’une certaine façon à l’immunité : on a d’abord dit que les enfants étaient de grands et dangereux disséminateurs de virus, avant de se rétracter et d’affirmer qu’ils semblaient naturellement immunisés et qu’en conséquence de quoi ils étaient réfractaires à l’infection, donc incapables de transmettre le virus. S’agissant des adultes, on a dit que ceux, semble-t-il nombreux, qui faisaient une forme inapparente étaient contagieux comme ceux qui étaient franchement malades ; mais tout récemment, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) semble indiquer qu’ils ne seraient en réalité pas contagieux, ce qui reviendrait à dire que leur immunisation serait rapide et neutralisante (il est certain que les anti-masques vont se servir de cette information).

Faut-il encore miser sur le phénomène d’immunisation ou plutôt d’immunité collective ? Oui, elle reste à l’ordre du jour, elle est en train de s’installer doucement, selon toute vraisemblance. Il n’est pas question d’abandonner la recherche d’un vaccin et de toute façon cette recherche ne sera pas abandonnée, ne serait-ce qu’en raison des investissements déjà effectués. En revanche, on n’a pas fini de discuter de la nécessité de la rendre ou pas obligatoire…

La CoVid-19 à long terme offre-t-elle l'espoir d'un retour à la normale ?

Comme je l’ai déjà dit, la situation CoVid-19 en France semble en cours de normalisation (contrôle satisfaisant de l’épidémie hexagonale). A dire vrai, ce sont les politiques et les hauts fonctionnaires non professionnels de santé qui sont surtout inquiets ; les professionnels de santé qui connaissent le mieux la virologie, la pathologie infectieuse et l’épidémiologie sont rassurants quant à une hypothétique « seconde vague ». Il ne suffit pas d’être médecin pour avoir une réflexion et une opinion pertinentes sur la question.

Je me suis trompé en janvier et en février en écrivant qu’il ne devrait pas y avoir d’épidémie en France, je le reconnais humblement ; je dois donc être très prudent dans mes affirmations. Mais je pense – et beaucoup pensent ainsi – que la situation CoVid-19 en France devrait être sous contrôle, à un très bas niveau, d’ici trois à six mois.

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