Présidentielle américaine : quelle vice-présidente pour Joe Biden ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Joe Biden Gretchen Whitmer Michigan
Joe Biden Gretchen Whitmer Michigan
©SCOTT OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Campagne électorale

Alors que la campagne se poursuit aux Etats-Unis, le candidat démocrate Joe Biden pourrait choisir une femme au poste de vice-président(e). Gérald Olivier revient sur les personnalités politiques qui pourraient être nommées comme Elizabeth Warren, Kamala Harris, Stacey Abrams ou bien encore Gretchen Whitmer.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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C’est la première décision importante de tout candidat à la Maison Blanche: désigner son vice-président (VP). Ayant lui même été pendant huit ans le vice-président de Barack Obama, Joe Biden, le candidat Démocrate présumé, connaît l'intérêt et les limites de la fonction. Il sait aussi que ce choix est crucial, car scruté au plus près par les médias. Il a promis de se décider début août. Il a également promis que son choix se porterait sur une femme.  Le temps de la décision approche. Elles sont encore une dizaine à pouvoir prétendre à ce job.

C’est une des particularités du système électoral américain. Lors de l’élection présidentielle les électeurs sont appelés à se prononcer non pas sur un candidat mais sur une paire de candidats. Les Américains élisent en même temps le président et le vice-président. On parle d’ailleurs de « ticket » présidentiel pour évoquer ce duo. Les deux candidats (ou candidates) sont indissociables sur les bulletins de vote et leurs fonctions sont liées par la Constitution.

Le vice-président est le deuxième personnage le plus important du pays. Après le président.  Il vient en premier dans la ligne de succession. Comme aime le répéter la presse américaine le vice-président est à « un battement de cœur » de la Maison Blanche. En cas de décès, d’incapacité, de démission, ou de destitution,  du président, la fonction de chef de l’exécutif est dévolue au vice-président, qui devient alors président.

Cela s’est produit à de multiples reprises au cours de l’histoire américaine. La première fois survint en 1841 quand le vice-président John Tyler succéda au président William Henry Harrison, mort d’une pleurésie, un mois seulement après sa prise de fonction. Théodore « Teddy » Roosevelt succéda à William Mc Kinley, assassiné en 1901, pour devenir, à 42 ans, le plus jeune président de l ‘histoire des Etats-Unis.  Harry Truman succéda au neveu de Teddy Roosevelt, Franklin Delano Roosevelt décédé en 1945 alors qu’il venait d’entamer son quatrième mandat consécutif.

Plus récemment Lyndon Johnson devint président à la suite de l’assassinat de John Kennedy en novembre 1963.  Il prêta serment quelques minutes seulement après l’annonce du décès du président, à bord de l’avion présidentiel Air Force One, en présence de Jackie Kennedy, l’épouse et veuve de John, qui n’avait pas eu le temps de se changer et dont le tailleurs était taché du sang de son mari. Dans des circonstances moins dramatiques le dernier vice-président à avoir accédé à la présidence en cours de mandat est Gérald Ford en 1974, à la suite de la démission du président Richard Nixon…

Le vice-président doit donc être en mesure de prendre les rênes du pays, le cas échéant. Toutefois, au-delà de sa capacité à gouverner, sa sélection répond plus souvent à des critères électoralistes. Car il importe avant tout d’être élu. Les candidats à la Maison Blanche sélectionnent donc leur partenaire en fonction des suffrages qu’ils sont susceptibles d’apporter au « ticket » le jour du vote. En 1960,  John Kennedy choisit Lyndon Johnson parce que celui-ci était sénateur du Texas, un Etat qu’il se devait de remporter pour être élu. En 2008 le jeune et inexpérimenté Barack Obama choisit Joe Biden parce qu’ à 66 ans, dont 36 passés au Sénat, Biden avait l’expérience qui lui manquait et rassurait l’électorat. En 1980 Ronald Reagan choisit George H.W. Bush parce qu’il représentait l’establishment centriste du parti Républicain quand lui-même venait de son aile conservatrice et populiste. C’était un moyen de rassembler le camp républicain.

Par définition un VP ne doit jamais faire de l’ombre au président. Ni pendant la campagne, ni après. Ce qui explique que nombre d’entre eux paraissent parfois pâles sur le papier. Mais à trop se protéger, un candidat peut finir par se nuire à lui-même. Ce fut le cas de George H.W. Bush qui choisit un représentant de l’Indiana dénué de personnalité, Dan Quayle. Ce fut le cas de Mitt Romney qui choisit Paul Ryan, le speaker de la chambre des Représentants sans charisme. Et ce fut le cas d’Hillary Clinton qui désigna un sénateur de Virginie, antipathique et bourru Tim Kaine. Hillary et Romney furent tous deux battus.

Dans le cas de Joe Biden le dilemme lié au choix du VP est particulièrement saillant. Biden doit penser d’abord à se faire élire. Mais il doit aussi penser à quelqu’un qui rassure l’électorat et soit en mesure de lui succéder en cours de mandat. A 78 ans, avec une santé physique et mentale fragile, la possibilité de voir Biden ne pas terminer son mandat, s’il est élu, est réelle. Son choix revêt donc une importance capitale.

Ce choix est néanmoins limité. Biden s’est lui-même privé de toutes les compétences masculines du parti Démocrate, en s’engageant dès le mois d’avril, à désigner une femme pour ce poste. C’était en plein milieu des primaires Démocrates. Biden n’avait pas encore partie gagné contre Bernie Sanders et il a voulu s’attacher l’électorat féminin et féministe par cette promesse. Mais aujourd’hui, le voici prisonnier de son engagement. Ne pas tenir cette promesse serait une erreur majeure, qui le priverait sans doute d’une victoire en novembre. Il est donc acquis que son choix se portera sur une femme.

En tête de liste viennent Elizabeth Warren et Kamala Harris, avec un léger avantage à la seconde.

Elizabeth Warren est sénatrice du Connecticut, un riche Etat de Nouvelle Angleterre. Elle est âgée de 71 ans et fut candidate à la nomination Démocrate. Elle est connue des électeurs et serait prête à assumer la fonction suprême. Elle vient aussi de l’aile radicale du parti, alors de Joe Biden est au contraire un centriste. Ensemble ils sont susceptibles de ratisser au plus large. Son seul handicap est d’être à peine plus jeune que Biden. Tous deux sont des septuagénaires et formeraient la paire la plus âgée à avoir jamais dirigé les Etats-Unis.

Kamala Harris, qui a quinze ans de moins de Warren, représente de ce point de vue un changement générationnel marquée. Originaire d’Oakland, Harris est sénatrice de Californie. Elle fut également candidate à la nomination présidentielle Démocrate et elle est également connue du grand public. Harris est également Noire. Elle est née d’un père jamaïcain et d’une mère indienne. De sorte qu’Harris conforterait sans doute l’attrait de Joe Biden auprès des minorités, en particulier la minorité noire. Or cet électoral est capital pour 2020. Les émeutes qui ont suivi la mort de George Floyd, ainsi que les revendications du mouvement Black Lives Matter ont porté la question raciale au premier plan. La communauté noire est mobilisée. Elle représente 13% de l’électorat environ au plan national et beaucoup plus parfois au plan local. Avoir le soutien de cette communauté pourrait permettre à Biden de l’emporter dans certains états décisifs, comme la Caroline du Nord, la Floride, la Virginie ou même la Pennsylvanie. Certes les Américains Noirs votent très majoritairement déjà pour les candidats Démocrates. En 2008 Barack Obama avait remporté 97% des suffrages de ce groupe démographique. Un record. Plus important encore il avait mobilisé cette communauté et son taux de participation électorale avait été aussi un record cette année-là. La question n’est donc pas tant de savoir pour qui voteront les Noirs, mais s’ils se déplaceront pour voter. Kamala Harris possède une capacité de mobilisation de cet électorat plus forte que Warren.

Deux éléments jouent cependant en sa défaveur. Un, son inexpérience. Elle n’a été élue au sénat qu’en 2016 et a pris ses fonctions en 2017. Elle est totalement novice en politique étrangère. Deux, son début de carrière fut quelque peu mouvementée. Harris eut notamment une liaison amoureuse sans lendemain avec Willie Brown alors l’homme politique le plus puissant de Californie, beaucoup plus âgé qu’elle et marié, qui contribua à la lancer sur la scène… Certains ont décrit leur relation comme un échange de faveurs. Lui fut décrié pour favoritisme et elle pour opportunisme. Cette liaison referait inévitablement surface en cas d’une candidature à la vice-présidence…

Les conseillers de Joe Biden ont donc envisagé d’autres candidatures. Ce sont des personnalités moins connues du grand public, mais qui pourraient convenir. Parmi celles-ci trois femmes sortent du lot : Stacey Abrams, Gretchen Whitmer and  Michelle Lujan Grisham.

Stacey Abrams, est une femme noire de 48 ans, élue au sein de l’assemblée de Géorgie et candidate au poste de gouverneur de cet Etat en 2018. Elle fut battue par le Républicain Brian Kemp dans un scrutin particulièrement serré et accusa son adversaire d’avoir volé l’élection en supprimant des votes noirs. Abrams n’a pas sa langue dans sa poche et dans le climat politique actuel, elle serait un formidable avocate de la cause noire. Elle pourrait aussi permettre à Joe Biden de l’emporter dans l’Etat de Géorgie, un bastion Républicain depuis cinquante ans. Une victoire Démocrate en Géorgie introduirait une faille dans le dispositif Républicain. Car les Républicains ont construit un « mur » électoral qui va de la Caroline du Nord au Texas, en passant par la Floride et la Géorgie (13 Etats si l’on y ajoute le Kentucky et la Virginie de l’Ouest, acquis aux Républicains, représentant 167 voix au Collège électoral). La réélection de Donald Trump passe par une victoire dans presque tous ces Etats. Le moindre accroc pourrait être fatale et Stacey Abrams se ferait fort de produire  cet accroc.

Gretchen Whitmer possède des atouts comparables concernant un autre Etat décisif, le Michigan. Elle est gouverneur de cet Etat et elle s’est mise en valeur à la faveur de la crise du coronavirus en s’opposant vigoureusement aux recommandations de la Maison Blanche concernant le maintien de l’activité économique. Whitmer, au contraire, s’est faite la championne du confinement. Cela lui a velu l’animosité de pas mal d’électeurs, mais le soutien des médias et du parti Démocrate.

A tout juste 50 ans, Whitmer est une personnalité montante du parti Démocrate. En janvier dernier, elle fut choisie pour présenter la réponse des Démocrates au traditionnel discours du président sur l’Etat de l’Union. Le Michigan, qui dispose de seize sièges au Collège électoral,  est un Etat traditionnellement acquis aux Démocrates, mais que Donald Trump a remporté d’extrême justesse en 2016. C’est le Michigan qui avec le Wisconsin et la Pennsylvanie a rendu possible sa victoire. Cet Etat demeure un enjeu majeur en 2020. Les démocrates ne peuvent pas se permettre de le perdre à nouveau.

Beaucoup moins connue du grand public, Michelle Lujan Grisham représente néanmoins une option de choix. Elle a 60 ans et est gouverneur du Nouveau Mexique, depuis janvier 2019. Lujan est hispanique dans une région, le sud-ouest, où la population hispanique est importante. Elle serait susceptible de rallier à Joe Biden le vote de ce groupe démographique, qui, avec 17% de la population constitue la plus importante minorité aux Etats-Unis, devant la minorité noire. Les Hispaniques votent majoritairement Démocrate, mais leur participation électorale est traditionnellement faible. Une candidate avec des origines hispaniques pourrait être en mesure de mobiliser cette communauté. L’enjeu ne serait pas seulement le Nouveau Mexique, qui ne compte que 4 sièges au Collège électoral, mais l’ensemble du sud-ouest avec en particulier le Texas et ses 38 sièges et l’Arizona avec 11 sièges… Pour l’instant les Hispaniques sont les oubliés de la campagne. Et la stratégie de Donald Trump depuis quatre ans est de se rallier ce groupe par une politique économique qui favorise la croissance en particulier celle des petites et moyennes entreprises, secteur où les Hispaniques sont particulièrement présents et par un arrêt de l’immigration clandestine car celle-ci tire les salaires des employés non qualifiés, ce qui est le cas de beaucoup d’Hispaniques, vers le bas. Le succès, ou l’échec, de Trump sur cette question auront une incidence sur le résultat de l’élection présidentielle…

D’autres personnalités ont été mentionnées par les médias, parmi lesquelles Susan Rice, l’ancienne secrétaire d’Etat de Barack Obama, ainsi que plusieurs élues noires du Congrès dont Karen Bass de Californie et Val Demmings de Floride, ainsi même que la jeune maire de la ville d'Atlanta, Keisha Lance Bottoms. Aucune ne rassemble autant d’atouts que les cinq personnalités précitées.

Réponse d’ici quelques jours.

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