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Nous aurons en France un peu moins de croissance que prévu par le gouvernement cette année, et bien moins qu’annoncé par les candidats pour l’an prochain.
Nous aurons en France un peu moins de croissance que prévu par le gouvernement cette année, et bien moins qu’annoncé par les candidats pour l’an prochain.
©Reuters

Plus dur que prévu

Si l'on en croit les prévisions de la Commission européenne, la croissance française sera en 2013 beaucoup plus faible que celle annoncée par les candidats.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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La réponse est oui. Nous aurons en France un peu moins de croissance que prévu par le gouvernement cette année, et bien moins qu’annoncé par les candidats pour l’an prochain. Selon la Commission européenne, nous aurons ainsi 0,5 % de croissance en 2011 contre 0,7 % pour la prévision officielle, et 1,3% l’an prochain, contre 1,7 % dans le programme du candidat Hollande.

Le déficit budgétaire par rapport au PIB serait ainsi proche des 4,5% annoncés cette année, mais ce n’est pas encore sûr. Il faut donc être très vigilants, notamment sur la dépense. Mais pour l’an prochain, les 3% pour le ratio déficit public/PIB promis semblent hors d’atteinte. Il manquera de 15 à 20 milliards. Comment réagir ? Trois voies se présentent.
La première est de suivre les demandes d’économies en pourcentage du PIB qui nous viennent de la Commission européenne, avec le risque politique de ce changement de pied, quelques semaines après les élections. Mais c’est le risque économique qui importe, avec l’effet mécanique que ce choix aura sur la croissance et plus encore celui de s’inscrire dans un engrenage récessif.
Moins de croissance implique en effet plus de déficit par rapport au PIB, donc plus d’économies budgétaires seront nécessaires, qui feront à leur tour moins de croissance, et ce moins de croissance fera un déficit affiché encore trop important… et ainsi de suite. C’est la logique grecque, espagnole... de la spirale baissière. Moins de dépenses publiques implique moins de dépenses publiques.
La deuxième voie est la cible d’économies en valeur absolue. Si, l’an prochain, il faut économiser 15 milliards, c’est sur ce montant que portera l’engagement, en prenant comme précaution un niveau minimal de croissance. Par exemple : oui pour 15 milliards d’économies publiques, mais si et seulement la croissance est bien de 1,3%. Si elle est inférieure, par exemple 1 %, l’économie à faire sera par exemple de 10 milliards. Il s’agit ainsi de trouver une voie moyenne d’assainissement budgétaire, étalée dans le temps en fonction de la situation économique, de façon à ancrer les anticipations sur un objectif d’assainissement soutenable. Ce qui est promis sera fait, mais ce ne sera pas un nœud coulant.
La troisième voie est de ne pas suivre les demandes et d’attendre quelques mois, pour voir la tournure des événements, tout en prenant les mesures promises aux électeurs (SMIC, rentrée scolaire, retraites, impôts…) pour mesurer leurs effets en fonction d’une situation qui est, évidemment, complexe. A ce moment, les responsables français préciseront leurs choix. Nous verrons alors si la situation s’est, ou non, détériorée et s’il faut suivre les recommandations d’objectif d’économies en pourcentage du PIB, ou suivre la cible d’économie en valeur absolue, si possible mouvante.
Comme on le voit, en supposant que les choses ne deviennent pas plus tendues encore d’ici là, il y aura des tensions multiples à l’intérieur du pays, avec Bruxelles et nos collègues de la zone euro, et avec les marchés financiers bien sûr. On pourra regretter les temps bénis de l’état de grâce où les adversaires politiques étaient KO, le peuple spectateur, et où les marchés regardaient ailleurs. Tel n’est plus le cas. Tout le monde est aux aguets et les marchés ont les regards portés sur nous. Il va donc falloir expliquer et transiger, en interne et en externe. On aura compris que le risque majeur est selon nous la rupture avec Bruxelles et les autres membres de la zone euro, comme l’a fait un temps le Premier ministre espagnol, avant de se raviser. Mais le mal a été fait, et on voit ce qu’il en coûte. La voie Monti paraît la plus adaptée, mais elle bénéficie d’un certain état de grâce, même s’il s’érode. Il faut la consolider.
Dans ces conditions, plaider partout sur les risques considérables de la logique de réduction du déficit budgétaire en pourcentage du PIB paraît de bon sens. Les experts économiques en sont convaincus, et ce qui se passe en Europe en donne la preuve. La cible en valeur absolue paraît le meilleur chemin, à expliquer et à coordonner entre pays. Mais ce n’est pas acquis. Car c’est au fond la façon de ne satisfaire personne entièrement qui est la bonne, tout simplement parce que la satisfaction d’un groupe donné (par exemple Bruxelles) se fait certes au détriment des autres, mais éloigne surtout du chemin de la solution, celui des compromis transparents, négociés et surtout coordonnés, en interne au pays, et au sein de la zone euro. 
L’état de grâce est fini avant d’avoir commencé. Welcome dans le vrai monde de la crise de la zone euro, pour en sortir ensemble, et gagnants.

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