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Tous fétichistes et aventuriers ? Comment le confinement a éveillé une nouvelle créativité sexuellle
©Reuters

Ambiance feutrée

La situation exceptionnelle que nous vivons en ce moment exacerbe tous les comportements habituels. Le sexe virtuel, telle une "pulsion de vie" dans ce contexte morbide observe un regain de forme impressionnant.

André  Corman

André Corman

Le Docteur André CORMAN est médecin sexologue et andrologue et directeur d'enseignement à la Faculté de Médecine Toulouse III

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Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : L’industrie du porno est basée sur le toucher entre plusieurs personnes et les vidéos peuvent offrir une alternative à ceux qui recherchent des contacts. On voit cela par exemple avec des orgies qui s’organisent sur l’application Zoom. La vidéo permet-elle à tous les corps de trouver un exutoire ? Quels sont les fétiches le plus durs à assouvir en cette période ?

Michelle Boiron : En préambule à votre interview, je voudrais vous faire partager un extrait de mon article sur Sexualités Humaines qui date de 2013 en parlant de l’addiction au porno et de son évolution depuis son accès facile :

« Avant Internet, l’accès au porno était volontaire ; la recherche active et pas si simple. Aujourd’hui, en deux clics et à tous moments on peut rentrer dans un monde pornographique « hard » sans avoir eu le temps de s’y préparer vraiment. D’où le virus qui déferle sur une certaine population de tous âges et qui va contaminer le plus vulnérables. » Article pour le moins prémonitoire !

Rappelons que la sexualité est constituée de trois paramètres : la libido, le désir et l’excitation. Les films pornos jouent sur l’excitation pure et dure. On ne regarde pas impunément des scènes en étant novices et sans aucun filtre. Précisément parce que le mode d’entrée dans la sexualité adulte est différent pour chaque sujet selon les premières scènes vécues depuis l’enfance, en passant par l’adolescence jusqu’à la première relation sexuelle. Les premières scènes sont initiatiques. D’où les rituels dans les civilisations anciennes. Ces premiers émois ont été enregistrés dans le cerveau. Ils sont souvent très anciens, archaïques, pas forcément agis et surtout ils demeurent stockés dans l’inconscient, comme endormis. Le réveil est brutal quand une deuxième scène vient faire ressurgir ces scènes pornographiques visionnée sur l’écran. Elles effractent et dépassent l’imaginaire de ce que le corps peut absorber, ressentir et de ce que le regard peut voir… C’est le fonds de commerce du porno, ce trop d’excitations.  Quand le sujet se fait choper par l’effet « tornade jouissante » qu’il ressent au visionnage d’un film, comment ne pas y retourner ?

Dans le film porno, il est bien question d’aller y voir. Précisément parce que l’excitation pour l’homme passe d’abord par ce qu’il voit. Le jeu étant pour certains ensuite de singer les codes du porno dans la vraie vie. On arrive à notre période de confinement : tous les codes étant bousculés, en ces temps de distanciation sociale, il faut trouver les moyens d’érotiser autrement les scénarios sexuels habituels.                                                                                                                                                                

C’est la raison pour laquelle sur les sites, les « architectes du plaisir, les réalisateurs de fantasmes » ont très vite compris qu’il fallait impérativement innover pour que la transgression soit plus forte et adaptée pour que le consommateur puisse s’identifier à ce qu’il regarde. La réalité virtuelle doit s’ajuster au confinement et créer autant d’excitation dans le huis clos qu’au temps de liberté totale. Dans une situation normale, la sexualité peut trouver son mode dans la vraie vie ; si le porno vient à sa place, c’est bien un choix. Aujourd’hui dans cette période de confinement, que ce soit l’homme mû par des pulsions sexuelles fortes ou simplement celui qui a une libido normale, il n’a d’autres possibilités que la masturbation. Même traitement s’il a ou pas de partenaire car l’autre est potentiellement atteint par le coronavirus ; donc le contact et le rapport sexuel dangereux. La quinzaine sans s’approcher doit être respectée.                                                                                                    

Rappelons que le fantasme est à l’origine un outil imaginaire mis en œuvre lors d’un traumatisme souvent à caractère sexuel. Il prend tout son sens, et c’est sa fonction de générer de l’excitation, à partir d’un scénario imaginaire qui est chargé d’excitation sexuelle. Le fantasme dans son langage courant est dévoyé et en même temps mal utilisé dans la vie sexuelle. C’est particulièrement vrai dans le porno car le fantasme, rappelons-le n’a pas vocation à être mis en acte.  Sa réalisation entraîne généralement une escalade de fantasmes. Quant à son effet excitatoire, il le perd également.

Pour les fétichistes, puisque vous soulevez la question, ils ne peuvent pas vivre leur sexualité sous n’importe quelle forme. Ils n’ont souvent qu’un outil comme mode jouissance. Celui-ci est bien orchestré. C’est, pour eux, la seule possibilité d’arriver à une fin satisfaisante. Si leur jouissance passe par des scènes particulières dans la vraie vie, le support porno doit lui aussi être adapté.  En revanche s’ils utilisent le porno, ils trouveront des moteurs de recherche adaptés à leur fixation pour réaliser n’importe quel mode de jouissance... Il existe pléthore de sites spécialisés pour chaque déviance sur le net adapté à toutes les fixations sexuelles : du pied (j’ai même eu un patient qui avait besoin de « pieds qui puent » ; je n’ai pas encore compris comment le virtuel pouvait aussi générer l’odeur ? La suggérer certes mais…) à la chaussure en passant par le cuir. Tout ce que l’on peut inventer en termes de sado maso existent sur le net et même d’avantage que ce que notre imagination pourrait envisager. En témoigne les sites référencés dans l’article.

Pour ne pas refouler les désirs trop longtemps, de nombreuses personnes cherchent à les satisfaire en ligne et font appel à des performers pour les réaliser. La réalisation immédiate de ses pulsions par ce biais ne va t’il pas créer de nouveaux fétichismes et addictions ? Des personnes seules ne vont-elles pas pour la 1ère fois découvrir de nouvelles façons d’exprimer leur désir ?  

Michelle Boiron : Il existe en l’homme un besoin violent et indéracinable de stimulant et d’excès. Vous parlez d’essayer de refouler les désirs et donc d’accepter la frustration ? On n’a pas attendu le confinement pour que la frustration soit intolérable !  Depuis les années 68 la libération sexuelle a fait miroiter une jouissance libre ; les interdits ont disparu et la jouissance aussi !  Cela a été lourd de conséquences. On a imaginé qu’on pouvait impunément changer les lois symboliques qui fondent la sexualité sans conséquences sur l’homme. Le XXIème siècle sachant que l’homme est agi par l’interdit, en a créé un nouveau « interdit de ne pas être performant ». La sexualité aujourd’hui ne trouve aujourd’hui sa légitimité que dans l’unique intérêt de sa jouissance. Le porno la met en scène et les fait fantasmer dans un mode passif et centré sur le sujet. Du virtuel à la réalité de la sexualité dans la vraie vie il y a un monde…

Dans cette période exceptionnelle et jamais vue, les sites pornos se placent et proposent, aux amateurs de sexe des modes de performances sexuelles inédites. Cette déferlante d’innovations, avec un aspect lucratif évident, dépassent le succès et les espérances de ceux qui les ont créés. Elles attirent les consommateurs qui ont besoin d’un autre mode de jouissance plus adaptée au confinement et à ce qu’ils vivent en ces temps d’interdiction de contact en tous genres.  Le virtuel est déjà un outil qui faisait partie de nos vies avant le confinement. Il semble s’imposer encore plus en ce moment. En revanche chaque sujet va avoir une réaction différente et un mode de sexualité avec ce qu’il était avant car chacun a vécu des expériences virtuelles et réelles avec un ou des partenaires sexuelles qui étaient en place bien avant le confinement. Tous les hommes ne vont pas trouver, ni chercher, un exutoire par ce truchement ! On peut penser que pour certains êtres leur imaginaire pourra être suffisant pour trouver un point d’excitation pour assouvir leur désir. D’autres, dans un mode pulsionnel, utiliseront tous les moyens virtuels pour se satisfaire. Certains vont diamétralement changer leur mode de «rapport sexuel» alors que d’autres vont en profiter pour accentuer leur penchant et ouvrir toutes les vannes !

C’est la raison pour laquelle Il me semble important de mettre en garde ceux pour lesquels ce sera la première rencontre avec le produit : je veux parler du porno virtuel. C’est un mode addictif et il faut être prudent. C’est un piège dans lequel il est plus facile de tomber que d’en sortir.                           Alors soyez très vigilant, sans être pour autant alarmiste ni rabat joie !  A l’évidence tous ceux qui auront regardé du porno ne deviendront pas addict sexuels. Seuls certains êtres fragiles risquent d’être entrainés vers cet état de dépendance qui caractérise l’addiction. Les profils qui succombent sont particuliers : Ils ont une angoisse à apaiser, un vide existentiel à combler. On imagine donc, en ces temps anxiogènes du confinement, comment cette consommation même exceptionnelle peut créer un apaisement qui risque de devenir un médicament à utiliser souvent. Au même titre que l’alcool la cigarette la drogue… La seule différence avec le porno, c’est que c’est une addiction sans produit : « on n’avale rien ». C’est la raison pour laquelle on ne s’en méfie pas.

 Il est important aussi de faire la différence entre ceux qui vivent seuls ou en couple. Regarder du porno est souvent un exercice caché, donc par définition qui se pratique à l’abri du regard de l’autre. En ces temps de confinement, il est difficile de s’isoler, selon le lieu du confinement. Rappelons aussi la vertu anxiolytique de ces conduites transgressives qui dans un premier temps de consommation sont jouissives et apaisantes avant de laisser place plus tard à une addiction sans fin.

Pour beaucoup d’individus seuls et forcés de rester à la maison, le plaisir personnel devient une priorité dans leur quotidien. N’y a-t-il pas un risque de rester focalisé sur ses propres désirs tout en oubliant qu’il existe une vie à l’extérieur ?

Michelle Boiron : La situation exceptionnelle que nous vivons en ce moment va évidemment exacerber tous les comportements habituels. On nous parle beaucoup de ritualiser les journées pour les structurer. La situation étant tellement anxiogène il me parait naturel de trouver des moyens pour s’apaiser. On sait maintenant que l’autre devient un risque de choper ce virus par le toucher, l’approche à moins d’un mètre... La question d’être proche est pour un temps interdit. Quelle communication en tous genres va-t-on inventer ? Quels moyens chacun va-t-il développer pour dépasser son anxiété ?  

C’est là que les sites Roid pick Zoom… ont envahi le net pour nous proposer une sexualité virtuelle innovante et adaptée aux circonstances exceptionnelles en essayant de se démarquer des sites pornos classiques qui ne tiennent pas compte de la situation actuelle.                                                                                                                                                     On comprend que la pulsion sexuelle puisse être exacerbée : elle est une réponse à la mort qui rôde avec le coronavirus. En effet le sexe est quand même la marque d’une pulsion de vie.  Tous les codes étant bousculés, chacun doit innover. Mais comme l’ère est aux tablettes, smartphones et objets de connexions en tous genres, de manière naturelle la tendance, le reflexe a été d’aller voir sur le net ! Pour ce qui est de la relation à distance et du partage, l’inventivité de chacun a fleuri très vite !  Il n’y a pas que le sexe qui s’adapte ! L’apéro cher au français a été un des premiers comportements recréé en ligne : on trinque ensemble à distance… 

Alors la relation sexuelle- j’entends par là, la rencontre avec l’autre dans un acte sexuelle partagé dans la réalité- est souvent magique.  Perdre ce lien charnel est le risque encouru quand le virtuel le remplace en toute circonstance ! Là, le risque du virtuel est réel car il peut attirer de nouvelles personnes qui n’étaient pas avant dans ce mode-là .                                                                                            C’est à eux que je m’adresse. Rappelons que la pornographie joue sur l’excitation et non pas sur le désir. Quand le sujet se fait « choper » par l’effet « excitation en mode tornade jouissante », comment ne pas y retourner ? Juste une fois pour voir si on a bien vu ?   La plupart du temps l’effet puissant se reproduit ; l’excitation est à son comble. Cette jouissance est surtout non dépendante d’un autre avec qui il faut rentrer en relation. C’est donc très approprié en ce temps de confinement ! Hélas cette jouissance choisie et recherchée va devenir autonome et réclamer son « dû ». Si le confinement perdure, le risque est que l’intervalle entre deux « prises de vue de porno » se raccourcisse. Sur cela se greffe parfois l’obsession, l’organisation du « plan cul virtuel », sa réalisation, ce qui va prendre un temps considérable dans la vie du sujet.

La mesure est la chose la plus difficile à tenir ! Notre propos est juste de pouvoir différer autant que l’on peut les conduites à risques. Et ne pas se laisser engloutir dans des déviances qui peuvent avoir des répercussions sur la sexualité à venir !  Restez actifs. Ceux qui ont oublié qu’il y avait une vie à l’extérieur sont ceux qui étaient addicts avant le confinement et en ces temps je pense à ceux qui ont commencé un sevrage avec succès : ils sont à risque de récidive.  Mais peut être l’empêchement de consommer dans la réalité va-t-il les guérir du virtuel ! Les autres qu’ils soient prudents et ne quittent pas la perspective de la relation sexuelle avec un AUTRE.  Le sexe nécessite une relation dans un mouvement fluide.                                                                              

Du 15 au 16 mars, la fréquentation de Pornhub a augmenté de 38,2% en une seule journée puis elle a commencé à décroitre les jours qui ont suivi. N’est-ce pas le signe d’une lassitude de la consommation pornographique pour beaucoup de personnes ?

Michelle Boiron : Ces chiffres me paraissent intéressants mais de quelle population parle-t-on ? Il me semble très important de ne pas faire d’amalgame entre les consommateurs addicts et ce depuis des années et les consommateurs novices qui vont découvrir le porno en tant de confinement et de coronavirus ! Les chiffres sont sûrement pour la catégorie de nouveaux consommateurs qui sont allés y voir mais dont ce n’est pas le mode adapté à leur désir. Je rappelle que ceux qui sont addicts peuvent consommer jusqu’à 4 heures par jours. Ils ne peuvent se lasser ; ils ne peuvent s’arrêter de consommer. Le risque est pour eux nettement accru.                                                                                                                                        En revanche pour les quelques curieux, la machine à créer du besoin risque de piéger ceux qui ont la difficulté de s’investir dans une relation à l’autre, ont une faible estime d’eux-mêmes et les conduire plus ou moins rapidement dans la dépendance.  Ce mode de jouissance, ce voyage via Internet, s’il n’est qu’une escale pour initier le profane du sexe, il ne peut en aucun cas être un support pour remplacer l’initiation dans la vraie vie qui fait défaut. Je pense aux adolescents et aux jeunes hommes.

André Corman : Que la fréquentation de la pornographie soit très fortement en hausse pendant le confinement est plus la confirmation du triomphe de la pornographie comme phénomène sociétal majeur connue déjà avant l’épidémie qu’une surprise. La réduction de la liberté de circulation et de proximité des corps emphatisent la place de l’imaginaire dans l’érotisme. L’être humain peut tout érotiser dans son imaginaire et le confinement peut être propice à la découverte d’un univers fantasmatique nouveau à condition d’un effort mais, faute d’ambitions autre que la recherche de satisfactions égoïstes et sans lendemain, beaucoup se contentent de la stéréotypie pornographique. 

Pourquoi cette tendance nette vers les catégories racisées ? Sans doute un fantasme exotique tant cette pandémie nous impose une évidence que nous osons à peine formuler, tant elle est écrasante, tant elle pèse sur nos vies, tant elle nous fait ressentir la perte de ce que nous aimions si naïvement hier : la proximité du monde lointain est ajournée pour une durée indéfinie. La distance s’éprouve à nouveau dans toute sa rigueur.

Dimanche 29 mars dernier, Tinder a enregistré son plus grand nombre de swipe de tous les temps, un record de plus de 3 milliards et les conversations ont augmenté en moyenne de 20% au niveau mondial et leur durée de 25% en moyenne. Est-ce le signe que malgré le confinement nous ne pouvons vivre sans relation sociale et que tous les moyens sont bons pour approfondir sa vie sociale ?

Michelle Boiron : L’humain ne peut vivre sans relation. Il est avant tout un être social. Il se constitue et grandit dans le regard de l’autre depuis la nuit des temps. Depuis les réseaux sociaux et toutes les applications et les outils qui sont à notre portée on pensait peut-être que les relations virtuelles pouvaient en partie remplacer la vie sociale et le contact ? En tous cas certains s’en gavaient. Les faux amis sur Facebook  venaient masquer les relations amicales compliquées dans la réalité. Cela créait une illusion d’exister. Ils sont plus que jamais actifs en ce moment. Les réseaux sociaux viennent mettre en exergue la limite de la relation sans contact physique avec souvent une mise en scène et un sujet fabriqués à dessein  …  quand il n’y a pas mensonge sur le contenu !  Mais tout ces scénarios ne sont pas limités au virtuel. La relation à l’extérieur existait ; on la choisissait ou on la boudait avant cette période de confinement.  Là, le choix n’existe plus. Le site devient le seul mode de relation nouvelle ; d’où la ruée vers Tinder notamment mais avec une autre forme de besoin créé sans autres alternatives… Sachant la rapidité de la rencontre dans le réel, les amateurs de ces sites se trouvent eux aussi à réinventer un mode de rencontre. On peut imaginer le coup de foudre en plein temps de coronavirus : « On s’est rencontrés pendant le confinement » ! Quand ils se verront dans le réel, dans l’après confinement, on peut anticiper que les attentes et les besoins risquent d’être un peu modifiés ! De la face cachée au dévoilement de leur intimité dans la rencontre réelle, il y a un monde. Les réseaux sociaux ont leur propre codification qui vont encore évoluer et ils essaient déjà de s’adapter à cette période. Les adeptes des sites vont être autrement mis à l’épreuve avec le réel. La rencontre est différée par le confinement alors que d’habitude elle est organisée par chacun. De surcroit, ce temps n’est pas défini et on le subit. Pour ceux qui fréquentent ces sites pour rencontrer un partenaire sexuel, soyons optimiste et espérer que l’acte sexuel pourra, grâce à toute la frustration subie, retrouver sa magie, sa fonction de relation et sa fluidité. Cela est souhaitable et ne devrait pas être si lourd que cela pour la plupart des humains. Du moins pour l’homme. Je terminerai mon propos par cette citation de Fréderic Dard « Le sexe masculin est ce qu’il y a de plus léger au monde une simple pensée le soulève » Bon confinement !

André Corman : Les moyens de lutte contre la pandémie de Covid 19 (Mesures barrières et de distanciation sociale comme Confinement) sont de puissants révélateurs de la façon dont femmes, hommes et couples vont gérer leurs rapports à l’intimité (rencontre, séduction comme expressions) et à la sexualité (langage sensuel et érotique comme pratiques)

Si déjà des études commencent à pointer ces phénomènes, je peux distinguer en pratique ces quelques tendances :

Pour celles ou ceux qui sont seuls. On pourrait dire « Faute de grives, on mange des merles » pour signifier le remplacement du contact physique par le virtuel. Au stade de la rencontre : On ne peut plus se rencontrer lors d’un « event », inviter quelqu’un à boire un verre ou manger, alors on va sur un site de rencontre. Au stade de la séduction et de l’expression des attirances : on « tchate ». Un danger pour le baiser, le bouche à bouche qui illustrait depuis les temps les plus reculés le passage dans l’intimité sexuelle. Au stade de la sensualité (on se regarde, on se touche, on se respire, on se goutte), seule la vue reste possible avec les mesures barrières et on s’envoie des photos ou des videos érotiques et sexuelles. 

Cependant, l’épidémie Covid19 agit plus comme un démultiplicateur qu’un créateur de ces tendances car elles étaient déjà très perceptibles avant elle de nos rapports modernes à la sexualité. D’abord en raison de l’influence sur notre sexualité du bain culturel dans lequel nous évoluons : La civilisation du livre a fait place à celle des images, faisant une place plus grande au « facile », au « digestible », au « sensationnel » dont la place énorme du phénomène sériel et du vecteur écran dans nos interactions sociales sont un élément incontournable. La notion de confort virtuel – le confort d’être soi sans l’autre (bien que connectés) – avait déjà entraîné une dévaluation des histoires d’amour lentement et savoureusement tissées, une sorte de « flemme d’aimer ».

Pour celles ou ceux qui sont en couple. Le confinement met le couple davantage à l’épreuve du respect qu’à celui de la sexualité. La difficulté, c’est qu’on prend le temps de regarder sa ou son partenaire ce qui démultiplie la prise de conscience des éléments négatifs comme positifs.  La sexualité se retrouve souvent en silence, en latence et c’est le relationnel qui prédomine.

Devons-nous nous inquiéter d'éventuels effets négatifs à long terme de l'impact du Covid 19 sur notre sexualité ?

André Corman : Trop tôt pour répondre et beaucoup de syndromes post-traumatiques avant la résilience. Elle s’imposera et les changements ne doivent pas nous faire peur. L’amour et le désir ont connu d’autres épreuves et la redéfinition de nos comportements intimes et sexuels accompagnera bien d’autres redéfinitions dans nos façons de vivre. Ce qui pourrait être inquiétant serait la multiplication de comportements phobiques (peur du rapprochement physique avec l’autre) si l’on doit vivre durablement avec le virus et la survivance d’addictions diverses favorisées par le confinement.  L’intelligence humaine, de la pédagogie et de l’éducation nous y aiderons.

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