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Les 4 questions taboues que les syndicats, les militants écolo et beaucoup de politiques refusent de poser pour affronter le déconfinement
©BORIS HORVAT / AFP

Atantico-Buisness

La majorité des Français ne souhaite qu’une chose : sortir du confinement. Mais la plupart refusent d’en payer le prix. Les syndicats se ferment dans leurs certitudes, les écolos se taisent et les politiques sont tétanisés...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Edouard Philippe a donc parlé. Dur métier que celui de Premier ministre. Pas facile de trouver un compromis entre l’objectif de santé et l’objectif de restaurer la capacité économique. 

Pour la deuxième fois depuis le début de cette crise, Edouard Philippe a réalisé une fois de plus un formidable exercice de pédagogie sur le bilan de la crise sanitaire et de la crise économique. Un bilan aussi des choix stratégiques qui ont été faits par le président de la République et par le gouvernement.

Que le Premier ministre ait signalé les améliorations est tout à fait normal. Il a fait le job. Les chiffres parlent. Ceci dit, il lui fallait aussi insister sur la nécessité de maintenir les efforts afin de continuer à préserver la santé des Français... mais aussi de récupérer les conditions de production qui évitent l’asphyxie totale du système. Compromis difficile parce qu’il faudra compter avec la réaction des Français. Les Français ne pensent qu’à une seule chose : sortir du confinement le 11 mai, oui, mais dans des conditions sanitaires optimum. 

Les opérations de déconfinement de la société vont provoquer kyrielles de débats qui risquent de paralyser notre administration et embrouiller encore davantage le climat anxiogène dans lesquels nous sommes plongés depuis plus de deux mois. Par incompétence et lâcheté, on n’a pas voulu regarder la vérité. La majorité des Français s’est retournée vers l’Etat et l’a rendu coupable de tout, alors que la responsabilité est partagée par tout le monde. Petits et grands, adultes et seniors. Pauvres et riches.

Aujourd’hui, tout le monde souhaite un déconfinement parce que la situation que nous vivons est objectivement insupportable et anti naturelle. Qu’une communauté se renferme ainsi en abandonnant toute relation sociale, interhumaine et toute activité de production est absolument contre nature. Ce monde ainsi confiné ne souhaite donc qu’une seule chose : se déconfiner. Certains préparent déjà des fêtes grandioses pour célébrer « ce retour à la lumière » ou à la vie d’avant... Mais quelle imprudence aussi et quelle stupidité !

Pour résumer, il y a quatre questions auxquelles la société française ne sait pas répondre ou ne veut pas répondre, parce qu‘elle a peur de la réponse ou se sent incapable de l‘assumer. 

Première question : A quoi a servi le confinement et à quoi va servir le déconfinement ? Il y a encore une semaine, 90% de la population pensait que le confinement était le moyen de se protéger du virus. L’opinion publique avait raison. Mais elle a cru aussi que le virus allait disparaître. On n’a pas osé dire la totalité de la vérité. Le virus n’a pas disparu. Le seul moyen de s’en protéger eut été de se fabriquer des anticorps, donc d’y être exposé, ou alors il eut fallu un traitement (comme pour le sida) ou un vaccin (comme pour la grippe ou la variole). On n’a pas fabriqué d’anticorps (puisqu‘on était confiné), on n’a pas trouvé de traitement et on n’a pas encore de vaccins.

Donc à quoi a servi le confinement ? Essentiellement à empêcher d’infecter un grand nombre de gens et par conséquent à diminuer les cas très graves qui nécessitaient une hospitalisation.

A quoi va servir le de confinement ? Essentiellement à répondre à la demande générale de retrouver la liberté de reprendre le cours normal de la vie : travail, études, commerce et distraction, relation sociale. La véritable finalité : c’est de débloquer le système économique. Sauf qu’en sortant du confinement, on va se retrouver face au virus qui peut se venger. D’où le risque de deuxième ou troisième vague. Ce duel-là durera tant qu’on n’aura ni traitement ni vaccin. 

Donc la vraie raison est évidemment de faire repartir l’économie parce qu’une économie en panne aussi longtemps fera plus de dégâts que le corona. On a quand même beaucoup de mal à l’expliquer à l’opinion. Les syndicats dont ça devrait être le rôle s’enferment dans une problématique asphyxiante. Pas question de reprendre le travail tant que les conditions de sécurité ne seront pas réunies. Donc droit au retrait. En plus, le patron de la CGT en profite pour rappeler les revendications légitimes des personnels qu’il faut traiter en priorité et presque en préalable à la reprise du travail. 

Quand l’appareil de production sera complètement cassé, on ne pourra plus rien demander. L’appareil politique très courageux va donc continuer à demander des perfusions. Au risque de multiplier des addictions à l’assistance. 

Au fur et à mesure qu’on va s’approcher du 11 mai, on va entendre venant de tous ceux qui se plaignaient du confinement, une petite musique sur les dangers du déconfinement. A croire que la culture du non-travail a trouvé dans le confinement un terrain fertile à cultiver. 

Deuxième question : le service public de santé peut-il faire le job du déconfinement ? A priori, le service public de santé a magnifiquement travaillé. Il a fait face à la bousculade de malades arrivant en urgence, il a multiplié les salles de réanimation, il a affrété des trains et des avions à grand frais pour transférer des malades dans des zones moins chargées et même à l’étranger, en Allemagne parce qu’en Allemagne, ils avaient de la place. 

Bref, les personnels soignants ont été des héros quotidiens et leurs chefs ont occupé les plateaux de télévision pour dire toute la difficulté qu’ils ont dû surmonter dans un système hospitalier déjà mal en point. 

Le déconfinement va nécessiter de jouer une autre partition. Celle de la prévention, celle du diagnostic obligatoire pour repérer les premiers symptômes. Et là, pas question d’attendre le Samu. La médecine de ville qu’on avait un peu vite mise de côté va être bien utile, avec ses habitudes et ses remèdes pour calmer une toux et une fièvre suspectes. Empêcher l’aggravation qui conduit à l’infection pulmonaire, laquelle est fatale. Plus besoin de salles de réa et d’entubage et de ventilateurs, le savoir et l’expérience du médecin qui connaît le pouvoir des antibiotiques fera sans doute l’affaire. On va s’apercevoir qu‘à côté du service public de santé, il reste un service libéral avec un secteur privé, moins dense qu’en Allemagne certes, mais qui sait intervenir très amont. Le succès du déconfinement va dépendre du service de santé et du secteur privé.  

Troisième question : faut-il sacrifier un peu de nos libertés individuelles au profit d’une garantie de sécurité sanitaire ? La réponse est oui évidemment mais pour y arriver, il faudra franchir bien des barrières polémiques et stériles. La plupart des syndicats et des chefs politiques sont extrêmement réservés pour ne pas dire opposés à la mise en place d’une application digitale qui permettrait de pister le virus et géolocaliserait les porteurs. Bref, en théorie, les donneurs de leçons à gauche comme à droite n’ont pas arrêté de nous montrer en exemple la politique de la Corée du Sud ou de Taiwan qui ont mis en place une surveillance et un traçage de tous leurs habitants. L’industrie digitale, l’intelligence artificielle et le nombre de smartphones permet d’avoir une connaissance exacte du virus et surtout de qui le porte, à qui il peut être transmis. Le seul problème est que ce tracking permet de recueillir des montagnes d’informations sur la vie privée. 

Du coup, les militant de la liberté individuelle sont prêts à refuser le seul outil qui permettrait de poursuivre le virus et à l’éliminer définitivement. Quitte à préférer le confinement, c’est à dire la prison. 

Ce type de polémique est assez incroyable, cette attitude qui revient à préférer le confinement ou le risque de contamination à la pose d’une sorte de bracelet électronique à l’intérieur de son smartphone. Les mêmes qui s’opposent au tracking ne sont guère gênés par l'utilisation de sites de E-commerce dont la fortune dépend de toutes les informations d’ordre de la vie privées qu’ils ont drainé sur le Net. 

Quatrième question : faudra-t-il rendre la protection et notamment la vaccination obligatoire ?  La réponse est là encore oui, quand on aura le vaccin mais on va assister à des batailles homériques. Le masque par exemple sera beaucoup plus utilisé lors du déconfinement qu’avant. 

Le masque sert principalement à protéger les autres. C’est un peu l’équivalent du préservatif pour se prémunir du VIH. Freiner la circulation du virus. Il faudra évidemment le rendre obligatoire pour empêcher quelqu’un de contaminer les autres.

Quant à la vaccination, les chercheurs vont nous laisser un peu de temps pour en débattre mais là encore, il faudra faire preuve d’autorité pour l’imposer 

Selon les sondages très récents, 20% de la population française refuse les vaccins. Parce que ça n’est pas bio, un vaccin. Pour eux et leurs enfants. Pour obtenir qu’ils autorisent la vaccination de leurs enfants contre la variole, il a fallu les menacer de les interdire de crèches et d’école maternelle. Et rappeler que l’épidémie de variole au début du siècle a fait plus de 56 millions de morts dans l’hémisphère nord. 

Il faudra évidemment prendre les mêmes mesures de rétorsion pour obliger les militants récalcitrants à se faire vacciner. Moins pour eux que pour les autres. 

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