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France / Allemagne : le match des résultats des pouvoirs publics
©PASCAL PAVANI / AFP

Amitié franco-allemande

La comparaison avec l’Allemagne est récurrente au sein du discours politico-économique français. Depuis la crise financière de 2008, cette comparaison est complexe au regard de la divergence des indicateurs économiques entre les deux pays (PIB, niveau de dette publique). La crise sanitaire ne va pas aider à atténuer ce complexe.

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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La comparaison permanente avec l’Allemagne est devenue un grand classique du discours politico-économique français. Depuis la crise financière de 2008, cette comparaison vire d’ailleurs au complexe au regard de la divergence des indicateurs économiques entre les deux pays (PIB, niveau de dette publique, situation de la balance des paiements).

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’actuelle crise sanitaire covid-19 ne va pas aider à atténuer ce complexe. En effet la situation de l’Allemagne se rapproche en un légèrement moins bien des niveaux de performance qu’on trouve en Asie (Corée du Sud, Japon, Taiwan, Singapour…) et est totalement décalée face aux drames que connaissent ses quatre grands voisins continentaux (Italie, Espagne, Grande-Bretagne et France).

Les résultats

Le petit tableau ci-après synthétise le match France-Allemagne du covid-19 basé sur les données publiques disponibles, notamment celles publiées par l’université Johns Hopkins.

Si le nombre de cas confirmés est comparable, le nombre officiel de décès est quasiment cinq fois supérieur en France qu’en Allemagne et il en est à peu près de même pour le taux de mortalité. Cet écart majeur de létalité doit être regardé avec un peu de prudence au regard du retard de l’épidémie de l’Allemagne sur la France (une semaine à dix jours), de l’hypothèse d’une autre souche virale et de méthodes de comptabilisation différentes ! méthodes de comptage différents entre les différents Länder, pas de tests post mortem…

L’écart de mortalité demeure toutefois absolument majeur et renvoie également à des écarts de moyens entre les deux pays. Outre la question largement commentée des capacités différentes d’hospitalisation de patients en détresse respiratoire, l’écart est encore plus massif dans le domaine des tests puisque l’Allemagne avait mi-mars, au moment même où l’organisation mondiale de la santé lançait son injonction « test, test et test » une capacité des près de 65 000 tests PCR par jour, capacité SEIZE fois supérieure à celle de la France et que l’écart demeure aujourd’hui très importants. Il faut noter qu’il est relativement facile de trouver les données publiques sur les tests en Allemagne via les publications régulières de l’institut Robert Koch alors qu’en France on navigue davantage entre différentes déclarations ministérielles combinant situations à date, prévisions volontaristes et documents de Santé Publique France.

L’organisation des pouvoirs publics : centralisation rampante puis assumée en France contre modèle réticulaire allemand

La crise sanitaire permet également de comparer à l’aune d’un même choc des fonctionnements politiques et institutionnels extrêmement différents voire quasiment opposés, fondamentalement un système « top down » français contre un système « bottom up » allemand.

La configuration française est marquée par la centralisation dont la clé de voute sur le plan institutionnel est la prééminence du chef de l’Etat, prééminence considérablement renforcée via la mise en place du quinquennat en 2000 qui, couplée la juniorisation du Parlement du fait du calendrier électoral, conduit au renforcement du pouvoir présidentiel et à l’extrême centralisation des circuits de décision. L’efficacité n’est pas nécessairement au rendez-vous du fait d’un « l’absolutisme inefficace » dénoncé de façon visionnaire par Jean-François Revel dès 1992.

La crise est en France est ainsi rythmée par les interventions du Président de la République comme celle du 13 avril, puis par celles du Premier ministre, puis par celles du ministre de la santé, puis par celles – quotidiennes – du directeur général de la santé… Rien de tel en Allemagne où le pouvoir est beaucoup plus partagé comme cela va être vu dans le champ de la santé.

L’organisation du système de santé

La France a suivi dans le domaine de santé un retour de la centralisation que l’on retrouve dans d’autres domaines dont le dernier et non des moindres était la réforme des retraites qui a précédé la crise sanitaire, tandis que la Président François Hollande a complètement abandonné la promesse du candidat François Hollande de réaliser un troisième acte de décentralisation.

Le système de santé français a connu une quasi-nationalisation avec la réforme Juppé de 1995 qui a vu l’apparition de la loi de financement de la sécurité sociale et des agences régionales de l’hospitalisation devenue en 2010 les actuelles agences régionales de santé qui sont principalement des organes d’exécution de décisions centrales et ont peu d’autonomie. Il n’a pas fallu moins de quatre lois (1996, 2002, 2004, 2016) pour définir les conditions d'élaboration et d'évaluation des politiques de santé et aboutir à l’actuel article L. 1411-1 du code de la santé publique selon lequel « la politique de santé relève de la responsabilité de l'Etat », politique dont la définition ne nécessite pas moins de 11 alinéas du même article. Corset normatif et loi de financement de la sécurité sociale qui cadre annuellement l’ONDAM (objectif national des dépenses d’assurance maladie) ont conduit certains praticiens de santé à qui la crise ouvre les micros à expliquer qu’ils sont devenus les ouvriers spécialisés d’une énorme machine bureaucratique, chronophage et poursuivant ses propres but.

En face l’Allemagne dépense pour la santé une part légèrement plus faible de sa richesse nationale mais avec un écosystème totalement différent notamment sur deux points. Le premier concerne l’organisation « bottom up » du système : d’abord les agences locale de santé publique qui ont eu la responsabilité opérationnelle principale dans la gestion de la crise, puis les ministères de la santé des Länder, enfin et seulement le ministère fédéral de la santé et la chancelière qui communique d’ailleurs beaucoup moins que ses homologues français. Le second tient au fait qu’il y a pour chaque allemand à la fois obligation d’affiliation à un régime d’assurance maladie mais également libre choix de son organisme d’affiliation. Cet équilibre qui produit un écosystème de santé publique certes régulé mais incluant une réelle dose de concurrence a été mis en place en 1996, année où la France a pris en sens inverse le chemin d’une gestion étatique et centralisée.

Lors de son allocation publique du 18 mars dernier, la chancelière allemande a indiqué non sans fierté que l’Allemagne avait peut-être le meilleur système de santé au monde, un domaine où elle n’était pas nécessairement attendue. Le benchmark produit brutalement par la crise sanitaire met en lumière les modalités allemandes d’organisation d’une politique publique clé fortement divergentes du modèle français. La gestion de l’épidémie, surpuissant « acid test » conduit à considérer que l’écosystème allemand peut produire des résultats globalement probants pour un cout légèrement moindre que le système français, tout en permettant des modalités de confinement nettement moins perturbatrices pour l’économie et les libertés individuelles.

Pour retrouver l'analyse, publiée sur Atlantico, de H16 sur le coût humain des mauvais choix publics français, cliquez ICI

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