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Crise du Coronavirus : l’Amérique veut faire payer la Chine
©JIM WATSON / AFP

Diplomatie contaminée ?

En plus de ses dommages économiques et humains, le Covid-19 a fait une victime collatérale majeure : la relation entre les Etats-Unis et la Chine.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Pour Donald Trump, la Chine devra rendre des comptes. Le président américain le répète, la Chine est responsable de l’apparition et de la diffusion de ce virus. Elle devra tôt ou tard être confrontée à cette responsabilité. Nombre d’élus Congrès et d’observateurs américains, rejoignent désormais le président sur cette ligne. Une fois la crise passée, la Chine devra payer des « réparations ». Non parce qu’elle aura été vaincue mais parce qu’elle est responsable. 

« Je ne vous dis pas quoi, ce n’est pas à moi de le faire, mais vous verrez … » a lancé Donald Trump à un journaliste qui l’interrogeait sur les conséquences concrètes en question. Alors qu’au début de cette crise le président Trump se vit critiqué pour avoir appelé le Covid- 19, le « virus chinois », aujourd’hui les prises de positions anti-chinoises se multiplient dans la presse américaine.  Au-delà du noyau de la presse conservatrice, acquise aux thèses d’ « America First » chères à Donald Trump. Idem au sein du monde politique. Ainsi, Tom Cotton, sénateur Républicain de l’Arkansas, a suggéré de « mettre la Chine en quarantaine » pour protéger « le monde civilisé ». 

Les relations sino-américaines n’ont jamais été très bonnes sous l’ère Donald Trump. Elles sont désormais franchement mauvaises, même si pour l’instant cela ne se voit pas encore. 

Après la bonne entente des années Obama-Biden (2009-2016), (malgré des divergences fondamentales liées à la nature des régimes et à l’alliance américaine avec le Japon), l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche en novembre 2016, avait jeté un froid. Trump avait pointé la Chine du doigt durant sa campagne. Il se plaisait à dénoncer une relation commerciale déséquilibrée, accusait Pékin de manipulation monétaire, critiquait  les agissements du gouvernement ainsi que des grandes entreprises chinoises, telle Huawei,  pour leurs violations des règles de la propriété intellectuelle et des activités s’apparentant à de l’espionnage. 

Devenu président, Trump n’avait pas hésité à déclencher une guerre commerciale avec Pékin, en imposant des tarifs douaniers sur nombre d’importations chinoises aux Etats-Unis, pour obtenir une révision des accords commerciaux liant les deux pays. Cette stratégie frontale avait été très critiquée, y compris aux Etats-Unis. Elle avait aussi mis Pékin dans l’embarras, car les autorités chinoises n’aiment pas être prises de front. Mais cette stratégie avait payé. Après deux années de négociations Washington et Pékin étaient parvenus à une nouvelle entente commerciale. La signature de la « phase 1 » de cet accord, début décembre 2019 à Washington, avait donné lieu à une cérémonie de réconciliation. Trump comptait alors faire de cet accord et de la réussite de sa stratégie de confrontation l’un des arguments de sa campagne de réélection… Américains et Chinois comptaient aussi sur cette signature pour relancer les échanges et en tirer des bénéfices économiques mutuels. 

Tout cela est dépassé aujourd’hui. Pas encore remis en cause. Mais en suspens. Le commerce international est à l’arrêt, sauf pour quelques fournitures pharmaceutiques et médicales. Les relations industrielles sont totalement suspendues et les déplacements de personnes quasi- interdits. 

L’insolente réussite économique des trois premières années de la présidence Trump s’est effondrée en quelques semaines. Le chômage américain qui était à des niveaux historiquement bas depuis de longs mois est en train d’exploser. Chômage partiel,  du au ralentissement de l’activité économique, et chômage plein,  pour nombre de salariés dont les entreprises ne vont pas se relever de cette crise. Les valorisations boursières des grandes sociétés américaines ont chuté de dizaines de milliards de dollars entre janvier et mars. Et avec elles les fonds de pensions qui alimentent les revenus de nombreux foyers américains, surtout chez les retraités. 

La Chine commence à sortir du confinement, avec des dégâts humains, somme toute limités – avec trois mille morts environs dus au coronavirus, la Chine compte cinq fois moins de décès officiels que la France pour une population vingt-cinq fois plus nombreuse et  dix fois moins de décès officiels que les Etats-Unis pour une population cinq fois supérieure…  Les Etats-Unis sont frappés de plein fouet par une vague d’infections et d’hospitalisations sans précédent, ni équivalent dans le monde. Leur système de santé est localement submergé, et leur appareil politique est mis à mal par la difficulté de gérer une crise inattendue et d’affronter un virus inconnu …

Cette situation engendre à la fois frustration, anxiété et colère. Et une tendance à se retourner vers le coupable désigné, la Chine ! 

Donald Trump, depuis le début de cette crise, refuse de s’attarder sur le bilan humain, préférant, envers et contre tous, se focaliser sur la sortie de crise, le redémarrage de l’activité. C’est un crédo auquel il s’accroche comme un noyé à une bouée de sauvetage. Et pour lui il n’y a pas de doute que le moment venu la Chine devra être confrontée aux  conséquences de ses actions. Il y aura pour elle un prix à payer pour les dommages économiques et humains engendrés par le virus, et un prix à payer aussi pour la campagne de désinformation qu’elle a menée au début de la pandémie, lorsqu’elle a caché au reste du monde l’étendue réelle des dégâts et la dangerosité du Covid-19. 

Les Américains, gouvernement et opinion publique confondus,  sont convaincus que le gouvernement chinois a délibérément menti au reste du monde.  « La Chine communiste a tenté de cacher la gravité du virus, ils ont essayé d’étouffer l’affaire (cover up en anglais) » affirme Martha  Mc Sally sénatrice républicaine de l’Arizona. 

Nombre d’Américains sont également convaincus que dans sa tentative de dissimulation Pékin a bénéficié de la complicité de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé). L’OMS est une agence onusienne, dont 40% du budget est couvert par les Etats-Unis, premier contributeur international. Le président Trump vient de suspendre la contribution américaine a cette organisation, alors que le Sénat des Etats-Unis a ouvert une enquête sur son fonctionnement et les actions de son directeur général l’Ethiopien Tedros Ghebreyesus. L’Ethiopie est un client majeur de la Chine en Afrique et les Américains dénoncent la complaisance fautive de cette agence, complaisance qui s’expliquerait par les liens commerciaux entre les deux pays. La Chine avait d’ailleurs été le principal soutien de Gebreyesus lors de son élection à la tête de l’OMS en 2017.  

L’attitude de l’OMS vis-à-vis de Taïwan est venue compliquer encore la situation. Taïwan est exclue de l’OMS et donc tenue à l’écart de ces conférences et communiqués, parce que Taîwan n’est pas membre des Nations-Unies. L’OMS s’aligne donc sur la position de la Chine communiste selon laquelle il n’y a qu’une Chine, et que Taïwan en fait partie. Les  Etats-Unis qui soutiennent militairement Taïwan, pourraient adopter une position moins conciliante vis-à-vis de Pékin à l’issue de la crise du coronavirus.  

Pour Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain, le fonctionnement de l’agence illustre une forme de corruption devenue intolérable dans le contexte du coronavirus. « Ceux qui n’ont pas agi comme il fallait, qui n’ont pas partagé des informations comme il le fallait, devront rendre des comptes,» a-t-il dit. Jusqu’au 21 janvier 2020 l’OMS a suivi, sans sourciller,  la ligne officielle chinoise selon laquelle le virus ne pouvait pas se transmettre de personne à personne. Alors que la propagation du virus à Wuhan suggérait clairement le contraire. Ce mensonge a fait perdre un mois de préparation, disent les Américains, et a surtout laissé entrer sur le territoire un demi-million de personnes en provenance de Chine durant le mois de janvier jusqu’à la fermeture de l’espace aérien avec la Chine le 31 janvier.

L’attitude du département d’Etat illustre le sentiment qui domine désormais aux Etats-Unis vis-à-vis de la Chine communiste. Elle est vue comme une machine de guerre, au service de la toute puissance du parti communiste chinois pour assurer la perpétuation du régime par un asservissement économique du reste de la planète. 

Jusqu’à présent ces prises de position étaient le fait d’organes idéologiquement proches de Donald Trump, et de la droite conservatrice, comme The Federalist, ou American Greatness, ou encore des fondations conservatrices comme la Heritage Foundation, mais récemment ce sont le Wall Street Journal ou encore The Atlantic, mensuel culturel de centre gauche, qui ont repris ces accusations. Dans un long article signé de Nadia Schadlow,  chercheur au Hudson Institute, l’Atlantic s’interroge « Et si Trump avait raison sur la Chine ? ».  L’auteur y détaille comment Pékin a tenté de masquer la réalité de la pandémie dans les premiers jours, en censurant l’information, en fermant des laboratoires, en expulsant des journalistes américains, en empêchant les chercheurs de communiquer entre eux et avec l’extérieur, et comment cela a à la fois retardé la réponse internationale, et induit les Etats-Unis et le reste du monde en erreur sur la gravité de la situation… Elle accuse l’establishment américain d’aveuglement.  « Leur détestation de Trump les empêche de reconnaître la réalité géopolitique », écrit-elle.  Cela est en train de changer. 

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