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Alain Madelin : "Les citoyens ont raison d’exprimer leur défiance pour contraindre les autorités à l’action"
©Reuters

Coronavirus

Comment trouver le juste équilibre entre l'avis des experts, des gouvernants et de la population ? Pour répondre à cette question, l'ancien ministre et député Alain Madelin revient pour Atlantico.fr sur la crise sanitaire et politique provoquée par l'épidémie de coronavirus ces derniers mois.

Alain Madelin

Alain Madelin

Alain Madelin a été député, Ministre de l'Economie et des Finances et président du Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, avant d'intégrer l'UMP.

Il est l'auteur de Faut-il supprimer la carte scolaire ? (avec Gérard Aschieri, Magnard, 2009).

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Atlantico : Alors que nous sommes au coeur d’une crise sanitaire, le gouvernement a demandé l’union sacré. Pourtant, attaques et critiques se multiplient, venues à la fois de l’opposition politique, mais aussi des experts et des citoyens, qui proposent des choix alternatifs via les réseaux sociaux aux propositions du gouvernement. Comment peut-on trouver un équilibre entre expertise et bon sens populaire ? Comment des décisions mettant en jeu la santé de millions de Français peuvent-elles être prises ?

Alain Madelin : Il n’y a rien de pire pour un homme politique que de se retrouver dans une situation comme celle là. Surtout lorsqu’elle suit de nombreuses années d’impérities dans la préparation d’un tel évènement: manque de tests, ruptures de stock de masques, hôpitaux saturés, personnel médical à bout de souffle… Pour autant, certaines décisions semblent difficiles à prendre pour ce gouvernement bien qu’elles paraissent évidentes aux yeux de tous. 

Reprenons l’exemple de l’hydroxychloroquine associée au zydromax selon le protocole du Pr Raoult. On peut bien entendu critiquer l’essai que ce dernier a mis en place pour son médicament, qui ne respecte pas les normes en usage dans la communauté scientifique. Mais on ne peut pas rester indifférents aux témoignages de ces centaines de personnes qui affirment avoir été guéries grâce à ce protocole. Bien sûr, on ne peut pas exclure que parmi ces témoins, certains auraient pu guérir sans médication. Mais on ne peut pas exclure non plus que ce protocole a permis à des gens, dès lors qu’il était administré très tôt, de ne pas souffrir de complications et ainsi de ne pas venir surcharger les services de réanimation déjà saturés. Avec bien entendu, au bout du chemin, une condamnation à mort, faute de traitement. 

De fait, à mes yeux, la décision politique est évidente.  Vous n’avez pas le choix. Le gouvernement a heureusement évolué sur sa position initiale qui condamnait le traitement du Professeur Raoult. En revanche, ce traitement est soumis a un protocole strict auquel de nombreux médecins sont hostiles. Pour les malades du Covid 19, c’est désormais la loterie de l’hôpital. Une situation moralement inacceptable. 

Il n’y a qu’une seule solution:  il faut permettre à la médecine de ville de traiter le plus en amont possible un maximum de gens avec ce protocole. Et nous aurons peut-être une chance d’échapper à la congestion des salles de réanimation des hôpitaux publics. C’est le coeur du mécanisme de la décision publique qui est en cause aujourd’hui. 

Face à de telles décisions, le politique est soumis à la règle des injonctions contradictoires. Les comités scientifiques ou d’experts selon le cas, qui sont mis en place sont le plus souvent eux-même partagés sur les questions qui leur sont soumises. De fait, ce n’est pas à l’autorité scientifique de faire le choix et de dire au Premier ministre ou au président de la République de ce qu’il doit décider. La responsabilité finale revient à celui qui prend la décision publique. Lorsque j’occupais le poste de ministre de l’Industrie, j’ai certaines décisions difficile à prendre. Pas de l’ordre d’une crise sanitaire, bien entendu, mais dont les impacts seraient ressenti par l’ensemble de la société Française. Je demandais à mon cabinet de faire une étude d’impact, puis une étude des « pour » et une étude des « contre ». Je demandais également au service de presse, de me faire remonter le maximum d’information. Après ce processus, soi j’estimais avoir suffisamment d’éléments pour prendre une décision, soi je demandais une étape supplémentaire. Mais à chaque instant, j’avais en main tout le poids de la décision politique. Ainsi vous n’êtes pas prisonnier de l’expert. Car même des décisions scientifiquement correctes et cohérentes, sont politiquement dangereuses. C’est la situation dans laquelle nous somme aujourd’hui. C’est un principe de précaution pour les Français et pour les politiques eux-mêmes. Ils se donnent un maximum de chances de survie en donnant aux Français un maximum de chances de survie.

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Selon vous, dans une telle situation, la figure de l’Expert peut-elle être contredite ?

Plus vous ouvrez le champs, plus vous vous rendez compte qu’il existe plusieurs solutions possibles. Il existe des règles scientifiques dont l’observance est obligatoire. Mais lorsque le temps manque, que faire ? Si je suis contaminé par le Covid 19, avec des facteurs aggravant comme un diabète ou de l’asthme, je ne souhaite pas être traité avec un placebo. Même si la décision est scientifiquement correcte du point de vue de la méthode, elle est moralement inacceptable. Il faut trouver un autre moyen. 

Selon vous, le principe d’union nationale doit-il prévaloir, ou au contraire peut-il nuire à la résolution de la crise du Covid 19 en cherchant à faire taire toute voix discordante ?

En temps normal, en tant qu’ancien homme d’Etat, mon premier réflexe serait de dire que dans une telle situation, l’union nationale prévaut, et de faire confiance à ceux qui nous dirigent. Mais en même temps, lorsque vous avez autant d’éléments qui vous démontrent jour à après jour au delà de son impréparation, l’incapacité de ce gouvernement à gérer cette crise, il devient difficile d’accorder sa confiance. Elle s’érode, inéluctablement. Que des doutes s’expriment peut aider à la remise en cause de décisions publiques critiquables, voire difficilement acceptables. Si douter des autorités peut les contraindre à augmenter les livraisons de masques ou à augmenter les vaccins, les citoyens ont raison d’exprimer leur défiance, avec toute la force possible.

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