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Coronavirus : les témoignages de médecins italiens sur le cauchemar vécu dans les hôpitaux submergés par le Covid-19
©MIGUEL MEDINA / AFP

Vives inquiétudes

L'Italie est actuellement submergée par l'épidémie de Covid-19. Le personnel soignant est en première ligne face à cette crise majeure. L'Italie va débloquer 25 milliards d'euros pour lutter efficacement contre le virus.

L'Italie est le pays européen le plus touché dans le cadre de la crise du Coronavirus. Les hôpitaux sont submergés par l'épidémie chez nos voisins italiens. Les hôpitaux et le système de santé semblent ne pas avoir été préparés à gérer une telle épidémie.

Le personnel de santé est débordé. Certains hôpitaux et des soignants ont été contraints de trier les patients.   

Le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, a annoncé ce mercredi que 25 milliards d'euros allaient être débloqués pour lutter contre le coronavirus. Il a assuré qu'une moitié de cet argent serait utilisé en urgence dans le domaine de la santé et de l'économie. 

Le confinement est devenu la nouvelle règle dans le pays. Plus de 600 personnes sont mortes du Coronavirus en Italie et plus de 10.000 contaminations ont été recensées. 

Les tests réalisés en Italie pour le Coronavirus ont été beaucoup plus nombreux que dans les autres pays européens. Le virus touche essentiellement des personnes âgées. L'Italie est le pays avec la moyenne d'âge la plus élevée de l'Union européenne. Près d'un Italien sur quatre est âgé de plus de 65 ans. 

Certains médecins et des personnels soignants se sont exprimés sur les difficultés rencontrées lors de leur mission dans les médias. Dans un entretien au quotidien italien Il Corriere della Sera, le docteur Christian Salaroli dévoile la gravité de la situation en Italie. Selon lui, les médecins doivent aujourd'hui choisir qui soigner "en fonction de l'âge et de l'état de santé, comme dans les situations de guerre".

D'autres se sont exprimés sur Twitter :

Voici le témoignage du Dr Daniele Macchini, rapporté par Silvia Stringhini : 

Je me répète peut-être, mais je veux mettre fin à ce sentiment d'extrême sécurité répandu en dehors des épicentres de l'épidémie, comme si l'on était persuadé que rien n'allait se passer "ici". Les médias en Europe sont rassurants, les politiciens sont rassurants, alors qu'il y a peu d'éléments rassurants en réalité.  

Ce qui va suivre est la traduction anglaise d'un tweet d'un autre médecin en soins intensifs à Bergame, le Dr Daniele Macchini. Lisez-le jusqu'à la fin.

"Après m'être longuement demandé s'il fallait écrire ou non sur ce qui se passe actuellement, j'ai estimé que garder le silence n'était pas responsable.  Je vais donc essayer de faire comprendre aux personnes qui ne vivent pas à Bergame la réalité qu'est la nôtre en ce temps de pandémie de Covid-19. Je comprends la nécessité de ne pas créer d'effet de panique, mais l'idée que le danger réel de la situation soit ignoré me fait frémir.

J'ai moi-même assisté avec un certain étonnement à la réorganisation de tout l'hôpital la semaine dernière, alors que notre ennemi actuel était encore dans l'ombre : les salles se sont lentement "vidées", les activités facultatives ont été interrompues, les soins intensifs ont été désengorgés pour libérer autant de lits que possible. 

Toute cette transformation rapide a plongé les couloirs de l'hôpital dans une atmosphère de silence et de vide surréaliste que nous ne comprenions pas encore, dans l'attente d'une guerre qui n'avait pas encore commencé et dont beaucoup (dont moi) ne pensaient pas qu'elle se déroulerait avec une telle férocité.  

Je me souviens encore de mon appel de nuit, il y a cela une semaine, alors que j'attendais les résultats d'un prélèvement. Quand j'y pense, mon anxiété face à un cas possible me semble presque ridicule et injustifiée, maintenant que j'ai vu ce qui se passe. La situation actuelle est pour le moins dramatique. La guerre a littéralement éclaté et les combats sont ininterrompus de jour comme de nuit. Maintenant que les besoins en lits ont drastiquement augmenté, l'un après l'autre, les services qui s'étaient vidés se remplissent à un rythme impressionnant.

Les tableaux avec les noms des patients, de couleurs différentes selon le bloc opératoire, sont maintenant tous rouges et plutôt que d'y lire la procédure chirurgicale à venir ou passée, on y voit le diagnostic, qui est toujours le même : une pneumonie interstitielle bilatérale.

Maintenant, expliquez-moi quel type de grippe provoque une telle catastrophe en si peu de temps. Et alors qu'il y a encore des gens qui se vantent de ne pas avoir peur et ignorent les consignes sanitaires, protestant parce que leur routine est "temporairement" perturbée, le désastre épidémiologique se poursuit. Et face à cette tragédie, il n'y a plus de chirurgiens, d'urologues, d'orthopédistes, nous ne sommes plus que des médecins qui font soudainement partie d'une seule et même équipe qui ensemble fait face à ce tsunami qui nous a submergés.

Les cas se multiplient, nous arrivons à un rythme de 15 à 20 admissions par jour, tout cela pour la même raison. Les résultats des prélèvements se succèdent les uns après les autres : positifs, positifs, positifs. Et soudain, les services d'urgences s'effondrent.

Les causes des admissions sont toujours les mêmes : fièvre et difficultés respiratoires, fièvre et toux, insuffisance respiratoire. Les rapports de radiologie sont toujours les mêmes : pneumonie interstitielle bilatérale, pneumonie interstitielle bilatérale, pneumonie interstitielle bilatérale. Tous doivent être hospitalisés.

Certains sont prêts à être intubé et sont envoyés aux soins intensifs. Pour d'autres, il est trop tard... Chaque ventilateur médical vaut à présent de l'or.

Le personnel est épuisé. J'ai vu la fatigue sur des visages qui jusqu'alors ignorait ce qu'elle était et ce, malgré les charges de travail déjà épuisantes qu'ils avaient. J'ai vu notre solidarité à tous, nous n'avons jamais manqué d'aller voir nos collègues internistes pour leur demander "que puis-je faire pour vous maintenant ? Des médecins qui déplacent les lits et transfèrent les patients, qui administrent les thérapies à la place des infirmières. Des infirmières qui ont les larmes aux yeux parce que nous ne pouvons pas sauver tous les patients.

Il n'y a plus d'horaires de travail, plus d'heures. La vie sociale est suspendue pour nous. Nous ne voyons plus nos familles de peur de les infecter. Certains d'entre nous ont déjà été infectés malgré les protocoles.

Certains de nos collègues qui sont infectés ont aussi des parents infectés et certains de leurs proches sont déjà en train de lutter entre la vie et la mort. Soyez donc patients, n'aller au théâtre, au musée ou au gymnase. Essayez d'avoir pitié de la myriade de personnes âgées que vous pourriez exterminer.

On essaie juste de se rendre utile. Vous devriez faire de même : nous avons un impact sur la vie et la mort de quelques dizaines de personnes. Veuillez partager ce message. Nous devons faire passer le mot pour éviter que ce qui se passe ici ne se produise dans toute l'Italie".

Voici ci-dessous le témoignage rapporté par Jason Van Schoor :

J'ai travaillé en Italie, au Royaume-Uni et en Autriche et ne faites pas l'erreur de penser que ce qui se passe se passe dans un pays du tiers monde. La situation actuelle est difficile à imaginer et les chiffres n'expliquent pas du tout les choses. Nos hôpitaux sont submergés par le Covid-19, ils fonctionnent à 200% de leur capacité. 

Nous avons arrêté toute routine, tous les blocs opératoires ont été convertis en unités de soin intensifs (USI) et ils sont maintenant en train de détourner ou de ne pas traiter toutes les autres urgences comme les traumatismes ou les accidents vasculaires cérébraux. Il y a des centaines de points avec des défaillances graves et beaucoup d'entre eux n'ont pas accès à quoi que ce soit au-dessus d'un masque à réservoir.

Les patients de plus de 65 ans ou moins présentant des comorbidités ne sont même pas évalués par l'unité de soins intensifs, je ne dis pas qu'ils ne sont pas tubés, je dis qu'ils ne sont pas évalués et aucun membre du personnel de l'unité de soins intensifs n'est présent lors de leur prise ne charge. Le personnel travaille autant qu'il le peut mais il commence à être malade et est émotionnellement débordé.

Mes amis m'appellent en larmes parce qu'ils voient des gens mourir devant eux et qu'ils ne peuvent offrir qu'un peu d'oxygène. Les orthopédistes et les pathologistes reçoivent une brochure et sont envoyés pour voir les patients sous VNI.

Nous avons observé le même schéma dans différentes régions à une semaine d'intervalle, et il n'y a aucune raison que dans quelques semaines, il ne soit pas le même partout, en voici le schéma :

1)Quelques cas positifs, premières mesures légères, on dit aux gens d'éviter les DE mais ils traînent toujours en groupe, tout le monde dit de ne pas paniquer

2) Quelques défaillances modérées et quelques défaillances graves qui nécessitent un appareillage, mais l'accès régulier aux urgences est considérablement réduit pour que tout ait l'air en ordre.

3) Des tonnes de patients souffrant d'une insuffisance respiratoire modérée, qui se détériore avec au fil des heures, saturent d'abord les unités de soins intensifs, puis les VNI, puis les hottes CPAP, et même l’O2.

4) Le personnel tombe malade, ce qui rend difficile la couverture des équipes, et la mortalité augmente également en raison de toutes les autres causes qui ne peuvent pas être traitées correctement.

Tout ce qui concerne la manière de traiter les patients est en ligne, mais und seule chose fera la différence : ne craignez pas les mesures massivement strictes pour assurer la sécurité des personnes. 

Si les gouvernements ne le font pas, au moins gardez votre famille en sécurité, vos proches ayant des antécédents de cancer ou de diabète, ou toute transplantation, ne seront pas intubés s'ils en ont besoin, même s'ils sont jeunes. 

Une autre attitude typique est de lire et d'écouter les gens tenir des propos prenant des mesures coercitives et de penser "c'est un mauvais gars", puis de sortir dîner parce que vous pensez que vous serez en sécurité.

Nous l'avons vu, vous ne le serez pas si vous ne prenez pas cette crise au sérieux. J'espère vraiment que ce ne sera pas aussi mauvais qu'ici, mais préparez-vous.

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