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Coronavirus : l’arme de déstabilisation politique massive qui pourrait casser le duel populistes - progressistes
©ALAIN JOCARD / AFP

Effet collatéral

Face aux craintes liées à la propagation du Covid-19, les dirigeants politiques ont tendance à réagir avec une approche populiste ou "raisonnable". L'épidémie de Coronavirus révèle pourtant les failles de ces deux approches.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico.fr : Alors que les populistes vantent les mérites d'une politique de sens commun et proche du peuple, les "raisonnables" sont défenseurs d'une approche plus technocratique. Pourtant, le coronavirus pourrait bien révéler les failles de ces postures politiques.

Approche populiste et approche "raisonnable" ce sont imposées comme étant les deux alternatives politiques après la crise de 2008. En quoi la crise actuelle frappe-t-elle tout autant les populiste que les raisonnables ?  

Edouard Husson : Vous avez raison, la crise du coronavirus met à nu le fait que ni les «hyperindividualistes » ni les « populistes » ne sont préparés. Le président de la République a eu un bon réflexe: annuler déplacements et alléger son emploi du temps. Mais, pour quoi faire? Le multiplication des visites d’hôpitaux n’est pas très appropriée: le chef de l’Etat s’expose inutilement. On aurait mieux aimer le savoir à imaginer un système alternatif pour les élections municipales. Qu’est-ce qui empêchait de mettre en place, pour les personnes âgées, un vote par correspondance, comme cela existe, depuis longtemps, en Allemagne? Quitte à repousser le second tour, le temps de dépouiller, en toute transparence, les résultats? La question de l’enseignement et des écoles est fondamentale. Je ne suis pas sûr que l’enseignement à distance, par ordinateur interposé, soit accompagné d’un tutorat dans les milieux sociaux qui se situent du mauvais côté de la fracture numérique. Face à cela, on ne remarque pas, en effet, que les « populistes », en l’occurrence le Rassemblement National, aient des réponses à proposer. C’est le logiciel des deux grandes catégories, les représentants des « anywheres », des nomades de la mondialisation, et des « somewheres », les « enracinés », les « non transplantables », qui est à revoir. 

La crise du coronavirus qui est le deuxième choc majeur que le système international a connu jusqu'alors pourrait-elle mettre fin à ce duel entre populistes et raisonnables ? Ceci se vérifie-t-il à l'échelle internationale ? 

Oui, nous sommes en train de découvrir que ceux que vous appelez « raisonnables » ne l’étaient pas tant que cela. Avoir tant misé sur ce système post-communiste et néototalitaire qu’est la Chine ! Avoir tant délocalisé d’emplois ! Ne pas avoir les moyens d’effectuer un nombre de tests suffisants ! Ne pas avoir réinstauré le contrôle aux frontières ! Avoir gaspillé les ressources du système hospitalier depuis des années en étant incapable de contrôler l’immigration et en refusant de donner la priorité aux citoyens français dans notre système de santé ! Continuer à s’agiter comme un cabri sur sa chaise en criant « Europe ! Europe ! Europe ! » alors que l’UE est retombée, depuis la crise monétaire de 2010 dans le règne du « chacun pour soi ! ». Pour autant, qu’est-ce que le Rassemblement National propose en ce moment? Madame Le Pen s’est contentée de reprocher au gouvernement de ne pas être passée assez vite à la phase 3. Est-ce la bonne approche? L’Italie est en train de casser son économie en mettant en place une fermeture systématique du pays. N’y a-t-il pas à faire preuve de créativité pour: 1. Protéger les personnes âgées. 2. Démultiplier, grâce au numérique, les lieux d’activité ? Et puis il faut réfléchir à long terme: nous assistons à la fin définitive de la vieille mondialisation. Mais cela veut-il dire que nous allons vers la démondialisation? Non, nous allons vers une autre mondialisation, la communauté mondiale restera unie par l’économie digitale tout en ayant recommencé à miser sur le capital local et national. 

Si le modèle politique actuel succombe au Coronavirus, quel modèle pourrait lui succéder ?

Tout d’abord, la plupart des instances supranationales apparaissent pour ce qu’elles sont: inutiles. Une perte de temps et d’argent. Qu’apporte concrètement l’OMS dans la crise actuelle, au-delà de son rôle d’observatoire? Et encore, je préfèrerais avoir un centre universitaire dans mon pays qui fasse le même travail. Qu’apporte l’UE? Madame von der Leyen devrait avoir le prix mondial de l’inagilité ! Avoir perdu son temps à inviter Greta Thunberg en pleine crise du Coronavirus ! Sans compter le fait que chaque pays réagit différemment. Et que chacun se débrouille avec les moyens du bord, les politiques d’austérité budgétaire et de laxisme migratoire mélangé de ces dernières années. Nos pays n’ont plus assez de lits d’hôpitaux, n’ont pas les moyens de faire suffisamment de tests. Une tentation euthanasique qui ne dit pas son nom se répand subrepticement: si nous n’avons pas le choix, nous laisserons mourir les personnes âgées. Il y a aussi, qui nous menace, un effondrement moral. Regardez la manière dont le pape François se recroqueville derrière les Murs du Vatican; lui qui faisait la morale à l’Eglise entière avec des formules qui fascinaient: « sortez de vos églises ! », « allez visitez les marges ! », « L’Eglise doit s’organiser comme un hôpital de campagne !» Eh bien, notre brave évêque de Rome est rentré dans le rang comme tous ses confrères italiens lorsque le gouvernement a décidé d’interdire les cérémonies religieuses. Plus de messes jusqu’au Dimanche de la Passion ! Plus de funérailles ! L’effondrement d’une partie de la hiérarchie sacerdotale catholique que la foi a déserté. Heureusement, nous pouvons mettre en face l'intelligence de la Conférence épiscopale polonaise qui demande à ses prêtres de multiplier le nombre de messe pour diminuer la taille des assemblée de fidèles ! Ce contraste, qui traverse l’Europe, dit notre avenir. Choisirons-nous la voie polonaise, celle du courage et de l’intelligence conjuguée, pour réenraciner nos sociétés, redonner un sens à l’action collective, avec des élites capables de gagner la confiance de leur communauté ?  Ou bien nous laisserons-nous aller au fatalisme, partagés entre des dirigeants fatalistes et des incantations populistes lassantes à force d’en devenir mécaniques ? 

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