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Cette photo virale sur les derniers instants d’un Américain entouré de sa famille nous en dit long sur notre rapport à la mort
©ALEX WONG / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Dernière volonté

La photo d'un américain de 87 ans partagant une bière avec sa famille sur son lit de mort a été partagée des dizaines de milliers de fois sur Twitter. Des témoignages de situations similaires ont afflué de toute la planète.

Yves Michaud

Yves Michaud

Yves Michaud est philosophe. Reconnu pour ses travaux sur la philosophie politique (il est spécialiste de Hume et de Locke) et sur l’art (il a signé de nombreux ouvrages d’esthétique et a dirigé l’École des beaux-arts), il donne des conférences dans le monde entier… quand il n’est pas à Ibiza. Depuis trente ans, il passe en effet plusieurs mois par an sur cette île où il a écrit la totalité de ses livres. Il est l'auteur de La violence, PUF, coll. Que sais-je. La 8ème édition mise à jour vient tout juste de sortir.

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Atlantico : La photo d'un américain de 87 ans profitant de ses derniers instants entouré de sa famille est devenue virale. Comment expliquer que la photo d'un homme sur son lit de mort soit devenue virale et que de multiples personnes pourtant issues de pays différents et aux niveaux et styles de vie variés se soient senties profondément touchés par la photo ?

Yves Michaud : On peut imaginer que la personne en question a eu une vie à peu près heureuse, qu’elle commence à ressentir la vie comme une fatigue et que douée d’une certaine sagesse, elle puisse accueillir stoïquement sa fin de vie en compagnie de ses proches. Après tout le thème de la mort heureuse à la fin d’une vie bien remplie est un thème courant dans les philosophies antiques qui, comme l’épicurisme, admettent le suicide. Ce qui peut nous choquer, c’est que l’image rende aujourd’hui crûment ce qui était en général présenté de manière figurée ou allégorique. Il faut aussi souligner que dans un monde où la vie a été considérablement allongée grâve aux progrès de la médecine, la fatigue de la vie est plus répandue. Une fatigue qu’il ne faut pas confondre avec le dégoût de la vie (taedium vitae) de caractère dépressif.

Si chacun se reconnaît dans cette photo, ou du moins s'imagine capable d'un dernier geste similaire (que ce soit boire une bière sur son lit de mort ou manger des sushis une dernière fois, etc.), qu'est-ce que cela dit-il de notre rapport à la mort ? Avoir besoin de manger ou de faire quelque chose que l'on aimait une dernière fois, est-ce une manière de se rassurer ?

Je ne vois pas du tout cela comme une manière de se rassurer. Je vois deux explications.

L’une est du type hédoniste dans le style « un petit dernier avant la route ».

L’autre renverrait aux pratiques funéraires antiques : placer auprès du défunt ce dont il aura besoin pour son grand voyage au pays des âmes. La présence de nourritures et de boissons dans les tombeaux anciens est fréquente. Du point de vue des conceptions de la mort, l’une comme l’autre interprétations sont lourdes de sens. Dans un cas, la mort est vu comme une fin et il faut profiter de la vie jusqu’au bout. Dans l’autre, il y a certes un au-delà mais ce n’est plus un audelà spirituel. On part non pas pour le Paradis des âmes auprès de Dieu mais au pays des morts tout court.

Enfin, ressentir le besoin d'un dernier geste si "simple" ne montre -t-il pas également une évolution dans notre rapport à la mort ? Un rapport qui serait moins lié à la religion, par exemple, et plus décomplexé peut-être ?

Il ya effectivement quelque chose de terriblement prosaïque et matérialiste dans tout ça.

Il y a longtemps que je n’ai pas trouvé à lire une explication chrétienne de ce que peut bien être le Paradis. Quant à la religion mahométane, elle semble avoir une vision assez terre-à-terre du paradis d’Allah puisqu’on y va pour trouver, entre autres, des satisfactions sexuelles qu’on n’a pas eues ici-bas. Bref, pour l’au-delà, c’est un peu fichu ou très banal.

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