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Ce choc de gestion de l’Etat sans lequel la crise ouverte par les Gilets jaunes ne se refermera pas
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Choc

Dans son article devenu fameux du 15 mars 1968, la célèbre plume du Monde – Pierre Viansson-Ponté – écrivait " Quand la France s'ennuie ".

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Le 17 novembre 2018, le déclenchement du mouvement des Gilets jaunes n'a pas tout de suite été analysé comme un uppercut aux élites de notre pays. Quand la France de base s'embrase…

Dans ce mouvement sociétal, il y a d'évidentes détresses matérielles dont certaines sont sincères et poignantes. Mais il y a aussi un cri pour obtenir plus de considération. Vous remarquerez que ce sont deux ingrédients que l'on retrouve dans la crise hospitalière qui est loin d'avoir trouvé sa solution. Crise que n'a cessé de diagnostiquer, de manière prémonitoire, Jean de Kervasdoué ( ancien Directeur général de la Santé et économiste ).

Après " Pompidou des sous ! " de 1968, la France contemporaine reprend en chœur " Macron du pognon ! ". Cette déferlante multisectorielle pourrait bien mener à une convergence des " luttes " rêvée par tant de soutiens de l'extrême-gauche et à ce titre la journée du 5 décembre 2019 sera décisive. Déjà il est acquis que la mobilisation sera nationale, ample et rugueuse. Il est fini le temps des manifestations où les syndicats disposaient d'un service d'ordre qui canalisaient les risques de débordement. Depuis les heurts qui ont eu lieu sous la présidence Hollande ( manifestations contre la loi Travail ), les préfets savent, in concreto, qu'ils peuvent avoir à gérer des foyers de contestation de type quasi-insurrectionnelle. L'impatience sociétale a donc pour cousine proche la violence sociale. Si les objets ont une âme, il ne fait pas bon être un abribus à Nantes…

Les bouffées de haine des exclus du système font miroir avec la morgue de certains bénéficiaires de la mondialisation. Sensible depuis la Révolution à la question de l'égalité la France des années de social-démocratie un peu dévoyée est devenue frontalement égalitariste. Des leaders politiques en mal de résultats économiques ont stigmatisé certaines élites dont une part infime était fautive. On nous dit par exemple qu'il y a moins de fils et filles d'ouvriers à Sciences-Po' qu'il y a vingt ans et on omet sciemment de rappeler que les effectifs ouvriers ont fondu dans la population totale. Dans bien des cas, comparaison n'est pas raison. Le raisonnement s'efface devant le poids du slogan. La refonte de la sélection à l'entrée des grandes écoles qui se prépare ici ou là sera un risque : celui de voir les meilleurs éléments rejoindre des universités étrangères. La question globale de la paupérisation, de l'attrition du pays pourrait bel et bien se poser sous le baroque mandat que le président Macron propose au pays.

Autrement dit, mon propos est net. En libéral, je vois parfaitement qu'il y a des inégalités – raison de plus pour bien gérer l'État - et j'admets que la France soit froissée par certaines de ses élites. Je ne suis pas le dernier à être meurtri par des propos où le haussement d'épaules accompagne ce qu'il faut bien appeler un mépris affiché de classe. Mais, en tant que citoyen, je ne vois pas de solution dans des schémas faisant appel, à l'excès, à l'ordre public. Souvenons-nous du livre de Julien Benda ( " La trahison des clercs " ) où il appelait avant les années 30 à la méfiance face aux idéologies montantes d'alors.

La France a certainement besoin de références dans le monde politique, d'emblèmes qui apaisent ses problèmes. Pour l'heure, elle a trop souvent des porteurs d'une eau tiède qui déversent des éléments de langage. Ces éléments de langage trop convenus induisent une France qui se sent cocue.

De son vote, de son statut social, de son bulletin de paye.

Nous devons au pays une réforme de la sphère publique, un choc de simplification préconisé par Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal. Combien de milliards engloutis en pure perte dans ce que Gérard Belorgey avait appelé la discordance administrative et que la réforme des grandes régions a encore accentuée.

Quid du jour d'après ?  Oui, quid du 6 décembre 2019 ? Verrons-nous un pays laborieux engager un bras de fer avec un pouvoir alors mis au défi de réformer. Le 17 novembre 2018 n'avait pas été anticipé et il fût un succès. Chacun sent bien que la seule journée du 5 à venir ne va pas suffire à calmer la tension. Le jour d'après pourrait bien véhiculer une semaine à haut risque. 

Beaucoup d'analystes politiques, à commencer par Benjamin Morel, ont d'ores et déjà souligné que la macronie rencontrait des difficultés de recrutement. Clairement cela fait partie de l'équation à résoudre pour que la deuxième partie de ce mandat présidentiel ne soit pas cantonné dans des gestions sporadiques des urgences. C'est la politique version pop-up publicitaire sur le grand écran de l'Élysée. Tout surgit. Rien n'est planifié. Un constat d'honnête homme suffit pour voir que cette fameuse réforme des retraites est de moins en moins lisible et de plus en plus aléatoire dans son véritable destin.

Parlant d'honnête homme, il faut se souvenir du père du nouveau franc de 1959, Antoine Pinay. Le truculent et très humaniste maire de Lyon, Édouard Herriot a déclaré à plus d'une reprise : " Il est malin ce Pinay, il s'est même fait une tête d'électeur ! ". Phrase où l'humour et la polysémie se mêlent…

Oui, il faudrait des Pinay plus que des personnalités comme Marisol Touraine qui nous avait publiquement affirmé que tout était réglé dans le secteur hospitalier. C'est ce type de comportement qu'un peuple mûr comme l'est celui de France n'accepte plus et rêve de déboulonner. En attendant, les gilets jaunes soufflent leur première bougie par-delà l'injection de 17 milliards de soutien au pouvoir d'achat qui n'a pas été perçue comme crédible et consistante.

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