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+60% de créations d’entreprises : quand le Financial Times loue les vertus des mesures économiques d’Emmanuel Macron
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Discret abus d’optimisme ?

Le Financial Times a expliqué que de plus en plus d’entreprises sont crées en France. Et ce, d'après eux, en raison des politiques économiques avantageuses instaurées par Emmanuel Macron.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Pensez-vous nous expliquer en quoi consiste cette politique économique? Quelles sont les mesures principales?

Sébastien Laye : Comme beaucoup d'analystes économiques, j'ai du mal à expliciter cette politique car ses fondements n'ont jamais été précisés au delà de la philosophie générale, que d'aucuns ont qualifié de social libéralisme. Le problème avec cette formule, c'est qu'en plus de deux ans, on a vu peu de libéralisme et rien du tout en matière de social. Macron a en réalité repris la vision de l'immense majorité de la technocratie francaise, populaire de Strauss Kahn à Alain Juppé: celle d'une France qui serait en échec économique du fait de blocages dans le droit du travail par exemple, et donc d'une France qu'il faudrait progressivement (par "cliquets" avaient dit les énarques Juppé et Lemaire) débarasser de ces entraves.  Ainsi Macron, dans la foulée de la loi El Khomry sous Hollande, s'est employé avec ses premieres ordonnances, puis avec la loi Pacte, à flexibiliser le marché du travail avec une certaine fascination pour le modèle scandinave de flexisécurité.

J'ai expliqué dans une note pour mon think tank, l'Institut Thomas More, l'échec inéluctable d'une telle analogie et d'un simple copier coller de ce qu'avait fait le Danemark ou l'Allemagne il y a près de quinze ans. Au delà de ces mesures sur le droit du travail, la formation, l'assurance chomage, les retraites (qui n'ont pas toujours libéralisé le système, tant s'en faut, mais l'ont par exemple resocialiser de manière autoritaire dans le cas de l'assurance chomage), Macron a au moins remis en avant l'importance des entrepreneurs et de la création d'entreprises: mais il n'est pas plus facile de lancer une entreprise aujourd'hui qu'il y a quelques années d'un point de vue administratif ou réglèmentaire....c'est juste une évolution de notre société qui est manifeste, de plus en plus de jeunes francais souhaitent lancer leur entreprise: nous rattrapons enfin les anglais et les américains en termes d'envie d'entrepreneuriat, meme si l'Etat, l'Ursaff et le fisc se chargent bien de les décourager quelques mois plus tard.

Michel Ruimy : La stratégie d’Emmanuel Macron a pour but de créer un « choc d’offre » favorable aux entreprises et aux entrepreneurs. Elle s’est traduite par la publication de la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) qui comporte des nombreuses mesures : simplification de la création d’entreprise, partage des richesses, facilitation de l’épargne-retraite, levée de freins à l’embauche, etc. 

Concernant la création d’entreprises, celle-ci est facilitée. La simplification des formalités administratives et juridiques vise à réduire le poids des formalités pesant sur les entreprises, notamment par la mise en place d’un guichet unique électronique pour les sociétés. 

Ensuite, le partage de la richesse est favorisé. En effet, afin de soutenir la redistribution des richesses produites dans l’entreprise, la loi supprime totalement le forfait social de 20% sur les intéressements versés par les entreprises de moins de 250 salariés.

L’épargne-retraite est désormais facilitée. Les dispositifs existants ont été refondus. Les plans d’épargne retraite sont portables et regroupés avec la possibilité de procéder à une sortie en capital dans le cas d’achat de la résidence principale. 

Enfin, pour lever des freins à l’embauche, les seuils ont été adoucis. Jusqu’à maintenant, une entreprise qui, pour soutenir la croissance de son activité, passait, par exemple, de 19 à 22 salariés, était soumise à une pression fiscale et sociale plus forte. Il en allait de même pour d’autres seuils (10, 25, 100, 150 et 200 salariés). Ces changements de seuils coûtaient, en moyenne, selon une étude du Trésor, 500 millions d’euros de charges et, surtout, freinait les embauches puisque de nombreuses entreprises préféraient réduire leur activité plutôt que de dépasser ces seuils fatidiques. En tout, 199 obligations s’appliquaient sur 49 seuils pour les PME ! Une usine à gaz qui pénalisait les forces vives de l’économie française et qui nuisait aussi bien à la performance économique qu’à l’emploi. Dorénavant, il n’y a plus que 3 seuils : 11, 50 et 250 salariés. Mais surtout, une fois ces seuils dépassés, les nouvelles obligations ne s’appliqueront qu’au bout de 5 ans. Et ce, non seulement pour permettre aux entreprises d’anticiper les changements, mais aussi pour leur offrir plus de souplesse, dans le cas où ce dépassement ne serait que temporaire.

Par ailleurs, Emmanuel Macron souhaite, pour soutenir la compétitivité des entreprises, réduire le taux d’impôt sur les sociétés pour le faire converger vers la moyenne européenne de 25%. De plus, il a supprimé le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) qui a été remplacé, depuis le début de cette année, par un allègement des charges sociales patronales.

Les ambitions du gouvernement sont claires : permettre aux entreprises de grandir, de créer plus d’emplois, et de les replacer au centre de la société. Son objectif est la recherche d’une croissance de long terme en permettant aux entreprises de retrouver l’envie de s’installer et de se développer sur notre sol et, grâce à la loi PACTE, de faire de la France la première puissance économique en Europe

Certes il y a des avantages fiscaux pour les entreprises, mais qu’en est-il de la croissance ? 

Sébastien Laye : Le monde  a été en forte expansion de 2014 à 2018 mais ralentit. Comme à son accoutumée la France a été le mauvais élève de la classe, en ne rattrapant le train de la croissance qu'en 2016: le pic a été atteint fin 2017 avec 2%, soit deux fois moins qu'aux Etats Unis. Depuis notre économie ralentit, elle est aujourd'hui en tendance annuelle proche de 1%. Il n'y a eu aucun avantage fiscal sauf pour les plus riches qui ont bénéficié de la fin de l'ISF (et encore, on parle des 300-400 plus riches en France, les autres ont une part importante de leur richesse en immobilier et sont donc affectés par l'IFI): sous Macron, le taux de prélèvement obligatoire s'envole vers les 50% du PIB; Macron a donc d'ores et deja le privilège d'etre le President qui aura le plus taxé les francais et les entrepreneurs.

Notre imposition sur le capital est de 10 points supplémentaires à celle chez nos partenaires européens. De tous les pays occidentaux, la France est celui où il est le moins possible de s'enrichir: mais comme c'est celui où le chomage est le plus élevé (deux points de plus que chez nos partenaires en moyenne), nombre de nos concitoyens tentent l'aventure....cela ne veut pas dire qu'ils s'enrichissent comme dans les sociétés anglo saxonnes...

Michel Ruimy :Dans l’histoire économique française récente, il y a eu peu d’initiatives où le gouvernement et les parlementaires ont pris tant de mesures favorables aux entreprises. Selon les experts du Trésor, cette loi devrait générer 0,3 point de croissance d’ici 2025 et même 1 point à long terme.

Mais, si ces mesures sont favorables aux entreprises, il y en a d’autres qui leur en coûtent. Prenons en deux, en exemple. Le prélèvement à la source en lieu et place de l’Administration fiscale engendrera des coûts récurrents de plusieurs millions chaque année. De plus, avec la suppression de la taxe d’habitation, il est à craindre que les collectivités territoriales n’augmentent les impôts et taxes que sur les deux seules catégories de contribuables qui leur restent désormais : les propriétaires et… les entreprises. Ainsi, sans nier ce que fait le gouvernement à l’égard des entreprises, force est de constater que tout n’est pas mis en œuvre pour leur simplifier la vie. En la matière, le diable est dans les détails. Des détails qui peuvent coûter très cher, qui alourdissent le coût du travail et pèsent sur la rentabilité et la compétitivité des entreprises et in fine, sur la croissance.

En outre, remarquons que, dans le contexte actuel de ralentissement économique qui frappe l’Europe, les mauvais signes devraient inciter à renforcer la compétitivité du pays. Or, après un début de mandat consacré à rétablir l’attractivité française - par l’allègement de la fiscalité sur le capital, la baisse du coût du travail ou la réforme du marché du travail -, le président de la République a décidé de troquer sa politique pro-business pour tout miser sur le pouvoir d’achat.

Avec le Brexit et la récession allemande, la France a-t-elle une carte à jouer?

Sébastien Laye : A écouter Bruno Lemaire oui, mais les traders ne viennent toujours pas à Paris et nous n'avons plus d'industrie pour concurrencer celle des allemands...Soyons sérieux, l'Europe ralentit, le secteur manufacturier européen est en récession, nous sommes déjà affectés (remontée du chomage récente) et le ralentissement finira par nous rattraper: nous sommes simplement décalés dans le cycle économique..

Il faut s'attendre à une année 2020 atone pour l'économie francaise.

Michel Ruimy :Les dernières statistiques publiées montrent qu’avec une progression attendue du Produit intérieur brut (PIB) de 1,3% cette année, la France devrait même faire un peu mieux que la moyenne de la zone euro (1,2%). 

Ce résultat témoigne de la bonne résistance tricolore aux soubresauts de la conjoncture d’autant plus appréciable que d’autres économies européennes patinent. Dans un environnement européen et international morose, plusieurs éléments jouent en faveur de la France. D’abord, le pays n’est pas aussi exposé que ses grands voisins aux poussées protectionnistes.

 Ensuite, la demande intérieure reste solide. Encouragées par les taux bas et un accès facilité au crédit, dopées par le doublement exceptionnel du CICE, les investissements des entreprises devraient poursuivre leur progression, signe qu’elles n’ont pas fini de renouveler leurs équipements et qu’elles préparent l’avenir. De plus, dans la perspective des élections municipales de mars 2020, les investissements publics rebondissent. Néanmoins, il faut rester prudent. La progression de la consommation des ménages est faible au regard de celle du pouvoir d’achat. 

Combien de temps va encore durer cette résilience française ? Il ne faut pas oublier que le bon résultat de la France doit beaucoup aux mesures décidées par le gouvernement pour répondre à la crise sociale de l’hiver dernier. Elles ont représenté un effort de 17 milliards d’euros. Or, une bonne partie des ménages français ont privilégié l’épargne - voire la thésaurisation - à la consommation ces derniers mois. La demande intérieure devrait donc booster l’activité et pourrait être supérieure à la progression du pouvoir d’achat. Pour cela, ils pourront compter sur la bonne tenue du marché du travail et sur le fait que la croissance française est aujourd’hui plus riche en emplois. En effet, il y aurait environ 250 000 créations nettes d’emplois en 2019 et le taux de chômage poursuivrait sa baisse. 

Mais surtout, tout dépendra des évolutions internationales. Certes, il y a le Brexit mais il faudra aussi composer avec les éventuelles sanctions contre l’Europe décidées par les Etats-Unis, dans la foulée du feu vert donné par l’Organisation mondiale du commerce

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