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Pensée économique : le grand flou des prétendants au cercle de la raison
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Cercle vicieux

Les événements actuels soulignent un désarmement intellectuel complet face aux problèmes socio-économiques qui bouleversent nos sociétés, surtout venant de ceux qui prétendent incarner la raison.

Atlantico : Les évènements actuels semblent montrer un désarmement intellectuel complet face aux problèmes socio-économiques qui bouleversent nos sociétés. Ceux qui se donnaient le titre de « cercle de la raison » ne parviennent visiblement plus à conceptualiser et à transmettre une pensée globale qui permettrait aux citoyens de comprendre le monde et leur situation personnelle. Comment expliquez-vous qu’il n’y ait plus de pensée économique dominante qui permette aux Français de comprendre le monde qui les entoure ? Quelle est la part de responsabilité des économistes ?

Sébastien Laye : Parce qu'en premier lieu, ils annonnent les mêmes sempiternelles ritournelles depuis trente ans....comme la formule de la "fameuse préférence française pour le chômage", que l'on doit à Denis Olivennes et qu'il utilise encore dans son dernier essai "Le Délicieux Malheur Français". Je préfère l'approche plus scientifique de Vermeren sur les classes populaires et moyennes en la matière: le déclassement dont a parlé le premier Louis Chauvel est un fait, non un fantasme. Il y a donc un problème de crédibilité tant sur l'analyse que sur les résultats, puisque les représentants du "cercle (autoproclamé) de la raison" sont au pouvoir depuis vingt ans, Macron en étant un dernier avatar. En second lieu, cette élite porte toujours les stigmas de la crise de 2008 et de son manque de clairvoyance sur son occurrence. L'essentiel non pas de la science économique (qui elle se porte bien avec des courants vivaces et nouveaux comme le market monetarism ou la MMT) mais de la vulgate économique française ne sait plus quoi dire sur le sujet: Alain Minc l'a récemment avoué dans une tribune dans le Figaro en se désespérant du manque d'idées économiques.

Est-il possible de faire un rapprochement entre le "cercle de la raison" et l'apparition du populisme ?

Comme l'a précisé le penseur Christopher Lasch dès les années 1990, ce cercle de la raison ou bloc élitaire (comme l'appelle Jerome Sainte Marie dans son dernier essai) a fait sécession du peuple au nom de la mondialisation. Il ne pouvait en résulter qu'un phénomène d'isolation par réaction de ces mêmes masses populaires: Vincent Coussedière nous rappelle combien le populisme n'est qu'un instant, cet instant où le peuple ne se considère plus représenté par ses élites. Il n'a donc pas besoin d'avoir des idées, car il est d'abord une réaction épidermique, comme à l'époque du combat épique lors de la fin de la République romaine entre optimares et populares...A la fin des fins, comme le dit Saint Thomas d'Aquin, "Tout pouvoir vient du peuple". Il n'est pas erroné de dire que le vide des idées caractérise ces deux blocs, jusqu'à ce qu'un nouveau compromis-consensus émerge, qui lui doit être justement fondé sur le renouveau des idées - et des exemples.

Les évènements actuels semblent montrer un désarmement intellectuel complet face aux problèmes socio-économiques qui bouleversent nos sociétés. Ceux qui se donnaient le titre de « cercle de la raison » ne parviennent visiblement plus à conceptualiser et à transmettre une pensée globale qui permettrait aux citoyens de comprendre le monde et leur situation personnelle

Comment expliquez-vous qu’il n’y ait plus de pensée économique dominante qui permette aux Français de comprendre le monde qui les entoure ? Quelle est la part de responsabilité des économistes ? A quoi croient les Français ?

Les enquêtes d'opinion ne montrent pas de renouveau des idées marxistes en France. Majoritairement, les Français croient en l'entreprise, l'entrepreneuriat, au marché comme mode d'organisation des activités marchandes. Mais le libre échangisme international ou la marchandisation du non marchand sont moins encensées. Si on reste dans le domaine des idées, on pourrait dire qu'ils sont des libéraux classiques modérés mais rejette le néo libéralisme mondial. Comme à leur accoutumée, les Français restent capitalistes mais souhaitent un compromis économique et social original, qui leur soit propre, dans un cadre politique (la Nation) et anthropologique (l'Humain avec ses valeurs occidentales) donné. Ces idées progressent, y compris parmi les progressistes (voir l'ouvrage Slow Democracy de David Djaiz). Quant à la confusion des esprits, elle est entretenue par deux leaders politiques qui y ont interêt, Marine Le Pen et Emmanuel Macron.

Comment reconstruire une pensée économique et sociale qui permette au citoyen de comprendre le monde qui l’entoure et sa situation particulière ?

Travailler sur les grandes idées n'est qu'une partie de l'équation. Je me réfère souvent à l'oeuvre peu connue de Gabriel Tarde car Tarde a montré que la République c'était d'abord un régime de l'Imitation et des Valeurs. Elle se fondait historiquement sur l'identification à quelques grands personnages marqueur de valeurs, tout comme la République romaine et son mos maiorum. Les Americains avaient le meme modèle avec leurs Pères Fondateurs. La Vème République a eu sa génération dorée avec De Gaulle et les Résistants, mais depuis plus rien....quand les Français identifieront un groupe d'individus qu'ils peuvent admirer et émuler/imiter pour leurs accomplissements divers, aux idées claires, ils les suivront à nouveau !

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