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"Le bal des folles" de Victoria Mas : un roman au service d'une histoire méconnue réduite à sa seule dimension féministe
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Atlanti Culture

Isabelle de Larocque La Tour pour Culture-Tops

Isabelle de Larocque La Tour est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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"Le bal des folles" 

de Victoria Mas

Editions Albin Michel, 251 pages

RECOMMANDATION
A la rigueur


THÈME
 En 1885, le célèbre neurologue Charcot, spécialiste  du traitement de l’hystérie par l’hypnose, expérimente à la Salpêtrière un « bal des folles » auquel se presse le tout-Paris mondain et médical. Le roman de Victoria Mas met en scène les deux mois de préparation de ce bal au sein de l’asile, l’excitation et la joie des aliénées sous la férule de leurs infirmières-gardiennes, le choix et l’apprêt des costumes suscitant l’hystérie ou l’apathie selon le degré de démence des malheureuses.

L’auteur choisit de s’attacher à quatre d’entre elles qui lui paraissent résumer le destin tragique de la condition féminine au XIXe siècle : D’abord,  l’infirmière parfaite, Geneviève, dite «  l’ancienne », rigide et sans affects, résolument athée, qui s’interdit la moindre émotion en public ; puis trois patientes, moins folles que victimes, Louise, l’adolescente violée, Thérèse, « la tricoteuse »,  prostituée qui a jeté son souteneur dans la Seine, et, enfin, Eugénie, dont le don épuisant de dialoguer avec les morts lui vaut d’avoir été enfermée par son père.

POINTS FORTS
- L’originalité du sujet, attesté par des articles parus dans différents journaux entre 1888 et 1895 mais un sujet qui demeure peu connu (même si Anna Hope l’avait déjà abordé en 2016 avec « La salle de bal », roman situé dans l’asile de Sharston, pour lequel elle avait reçu le Femina étranger).

- L’imbrication intéressante entre folie et spiritisme avec l’évocation d’Allan Kardec  et de son «  Livre des esprits », à une époque où spiritisme et littérature faisaient bon ménage comme le démontre Philippe Muray dans son « XIXe siècle à travers les âges » (se rappeler en particulier La bouche d’ombre de Victor Hugo).

- Quelques descriptions assez vivantes du Paris de 1885, en particulier de la butte Montmartre avec ses bistrots interlopes peuplés de truands et d’artistes et sa nouvelle basilique encore bardée d’échafaudages.

POINTS FAIBLES
- Un style pauvre.

- Un manichéisme outrancier : les femmes sont toujours  les souffre-douleur d’une société fondamentalement masculine ;  les hommes sont toujours des oppresseurs, des voyeurs, voire des violeurs qu’ils soient parents, médecins, internes ou spectateurs indifférents.

Charcot est à peine évoqué sinon pour son ingratitude envers sa fidèle Geneviève et son insensibilité face à ses cobayes féminins, alors que ses études cliniques ont permis de découvrir que l’hystérie n’était pas l’apanage des femmes.

- Des personnages sans épaisseur traversent le récit comme Joseph Babinski ou Georges Gilles de la Tourette (scientifiques de renom et collaborateurs de l’école de la Salpêtrière) mais ils ne sont présentés  là que comme des expérimentateurs sans âme. Quant à Jane Avril, l’égérie de Toulouse-Lautrec qui fut guérie par Charcot après deux ans d’internement, l’auteur se garde bien d’insister sur son cas qui pourrait nuire à sa démonstration systématiquement orientée.

EN DEUX MOTS
On pouvait dire… Oh ! Dieu… bien des choses en somme … Le sujet s’y prêtait…Mais non, ce sera Femmes donc Victimes, forcément Victimes ! 

UN EXTRAIT
PP. 102 et 103, Victoria Mas décrit l’évolution des fonctions de la Salpêtrière qui abrita « d’abord les pauvres, les mendiantes, les vagabondes, les clochardes (…) Vinrent ensuite les inévitables folles, les séniles et les violentes, les délirantes et les idiotes (…) Entre l’asile et la prison, on mettait à la Salpetrière ce que Paris ne savait pas gérer : les malades et les femmes. (…) Et, avec l’arrivée de Charcot au milieu du siècle, la pratique de l’hypnose devint la nouvelle tendance médicale ; les cours publics du vendredi volaient la vedette aux pièces de boulevard (…) Les folles n’effrayaient plus, elles fascinaient. »

L'AUTEUR
Née en 1987, Victoria Mas est la  fille de Jeanne Mas, chanteuse qui connut le succès dans les années 85/90. Déjà couronné par le Prix Première Plume, le Prix Stanislas et le Prix du meilleur premier roman de la rentrée, "Le bal des folles" est en lice pour le Prix du premier roman, le Prix Femina et le Prix Renaudot.

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