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Boris Johnson est-il le sauveur du Parti Conservateur dont Les Républicains pourraient s'inspirer ?
©GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

Brexit

Boris Johnson serait-il en train de sauver le Parti Conservateur ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico.fr : Boris Johnson est-il en train de sauver le Parti Conservateur grâce au deal qu'il a réussi à obtenir dans la semaine?

Edouard Husson : Oui. C’est la pierre angulaire du nouveau dispositif. Ce parlement impossible, où la myopie politique est si répandue, a voté le nouvel accord de Boris Johnson avec trente voix d’écart en faveur du texte. Les deux tiers des députés qui avaient été expulsés du parti conservateur par Johnson ont voté l’accord. Malgré le fait que le Parlement ait ensuite décidé de prendre son temps pour adopter l’accord, l’opinion sait gré à Johnson d’avoir fait bouger les lignes, d’avoir forcé Bruxelles à rouvrir la négociation et abandonner le backstop. Un sondage effectué la semaine dernière par Opinium Research donne les conservateurs à 40% aux prochaines élections générales, le Labour à 24%, les Libéraux-démocrates à 15% (ils perdent un point) et le Brexit Party à 10% (en perdant deux points). D’autres sondages sont plus prudents mais ils donnent tout de même 10 points d’avance au moins aux conservateurs (selon un rapport de force 35-25). Opinium Research nous indique que l’accord permet à Johnson de regagner des électeurs à la fois aux dépens du Brexit Party (il est capable de s’imposer à Bruxelles) et des Libéraux-Démocrates (il est prêt à un accord). Les travaillistes vont essayer de retarder le plus tard possible la tenue de nouvelles élections vu qu’ils sont certains de les perdre (Johnson est un extraordinaire meneur de campagne électorale). Mais Johnson engrange des points à chaque fois qu’il peut prendre l’opinion à témoin et dire: vous voyez, je respecte l’état de droit, je laisse faire le Parlement; mais les travaillistes ne veulent pas revenir devant vous. C’est bien entendu un jeu qui ne peut pas durer éternellement. Mais, dans tous les cas, les travaillistes sont coincés. Soit Emmanuel Macron met son veto à la prolongation et le Brexit entre en oeuvre rapidement, avec le vote accéléré de l’accord que proposait Johnson; soit le Parlement qui ne veut pas de la dissolution devra travailler sur l’accord dans le délai imparti par le Conseil européen. L’opinion ne reprochera pas à Johnson d’avoir tenu parole: il y avait un accord votable et une sortie possible le 31 octobre. 

Boris Johnson est-il le stratège de ce succès? Sinon, à qui doit-on l'attribuer?

Oui. Beaucoup est dû à Boris Johnson. Theresa May a eu beaucoup plus de mérite que ce qu’on dit: en particulier, il faut faire justice de l’idée qu’ayant voté Remain elle aurait joué un double jeu. Elle a été lentement usée par les Remainers du parti conservateur et elle n’a pas négocié assez durement avec Bruxelles. Cela dit, elle a tenu courageusement, le plus longtemps possible. Il lui manquait le sens de l’action qui fait les leaders complets. Johnson, lui, s’affirme dans cette crise comme un véritable leader. Certains se demandaient s’il tiendrait la distance car il a souvent donné l’impression d’être fantasque. C’est dans les crises que les leaders se révèlent. Et Boris Johnson s’est révélé à la fois fin psychologue, capable d’appliquer la stratégie du fou (arriver là où on ne l’attend pas) et plein de sang froid. Les mêmes facteurs adverses qui ont joué contre Theresa May se sont déchaînés: les tentatives d’intimidation de la Commission Européenne et, plus généralement, l’ingérence de Bruxelles dans la vie politique britannique; les fuites organisées sur de prétendues informations cachées; la fourberie de John Bercow le Speaker; l’inconsistance de Jeremy Corbyn, qui rend impossible une union nationale sur le sujet du Brexit; les facteurs de désagrégation écossais et irlandais; et j’en oublie certainement. Mais Boris Johnson est resté plein de sang froid, comme le montre l’humour dévastateur de son discours devant la Conférence du parti conservateur, lorsqu’il a plaisanté sur le fait d’envoyer Jeremy Corbyn en orbite grâce au savoir-faire spatial britannique ou de relancer les exportations britanniques en envoyant Nigel Farage aux Etats-Unis. Il faut ajouter, cependant, trois facteurs qui ont aidé Boris Johnson: d’abord, le patriotisme de Nigel Farage - le vengeur d’Enoch Powell et Margaret Thatcher, l’homme à qui la Grande-Bretagne devra le Brexit à cause de son obstination à le réclamer depuis le début de la décennie; eh bien, Farage, alors que Johnson lui retire son fonds de commerce électoral, n’a rien fait qui puisse sérieusement gêner le Premier ministre; il fait passer le Brexit avant le Brexit Party. Deuxième facteur décisif: le réalisme tranquille des décideurs économiques britanniques, qui poussent désormais à une conclusion rapide; troisième facteur: le souhait de l’Allemagne d’arriver à un accord dans une conjoncture économique mondiale incertaine. 

Est-ce que Les Républicains devraient s'inspirer de Boris Johnson?

Sur le papier, oui. Mais il est bien tard. Le parti conservateur a réagi immédiatement à sa déroute des élections européennes en portant Boris Johnson à sa tête. Que font LR confrontés à une défaite du même genre? Ils élisent le candidat le plus fade des trois en lice pour la succession de Laurent Wauquiez. Et puis, sur l’Europe, sur l’Union Européenne, Les Républicains passent à côté de l’enjeu. Premièrement, l’intérêt de la France est d’être médiatrice entre la Grande-Bretagne et l’Union Européenne. Il serait facile de se placer politiquement en attaquant Emmanuel Macron sur sa désastreuse anglophobie, qui nous fait beaucoup de mal diplomatique car, à la fin, les Allemands et les Britanniques s’entendront à nos dépens. Deuxièmement, le départ de la Grande-Bretagne est le signe que quelque chose ne va pas dans une Union Européenne trop bureaucratique, où le Conseil ne joue pas son rôle de pilote de l’Union. Il est grand temps que la France se lance dans une série de propositions de réforme de l’UE. Avec une stratégie à la Johnson ou à la Trump: soit les partenaires acceptent de négocier, soit la France se retire du domaine considéré. On peut faire cela dans pratiquement tous les domaines sans toucher au tabou du monde économique français et d’une partie de l’électorat: l’euro. Même quand on pense que l’euro est une mauvaise chose, il est évident qu’il faut d’abord prouver que l’UE est réformable dans d’autres domaines avant de mettre les partenaires de la zone devant un choix: soit le basculement vers une vraie monnaie européenne (avec dette créée par la BCE et transferts financiers entre pays de la zone) soit le retour aux monnaies nationales en gardant une monnaie commune - la proposition de bon sens qu’avait faite Margaret Thatcher en 1990. De tout cela LR devrait s’emparer pour se rouvrir une marge de manoeuvre face à LREM. Troisièmement, LR devrait s’emparer des sujets qui ne sont pas la priorité de Johnson mais qui se poseront aussi pour la Grande-Bretagne: la lutte contre les germes intérieurs et extérieurs du terrorisme; la reconquête des parties de territoire national en voie d’islamisation; le retour à la sécurité intérieure. Tout ceci nous ramène d’ailleurs au sujet européen. Nous devons nous allier en Europe aux gouvernements les plus résolus à combattre l’Islam politique et à exercer un contrôle sans faille sur les mouvements migratoires. S’il faut, il s’agira de remettre en cause Schengen. Il faut une politique de stabilisation du Bassin Méditerranéen. Ce n’est pas le travail qui manque pour un parti comme Les Républicains. Mais le parti a-t-il encore de l’imagination et de l’énergie?

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