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La fin de l'homme rouge : une adaptation qui fait honneur à cette œuvre majeure du prix Nobel de Littérature 2015
©DR

Atlanti-Culture

AUJOURD'HUI : "La fin de l'homme rouge" au Théâtre des Bouffes du Nord.

RECOMMANDATION

Excellent

THÈME

 • La scène montre des chaussées défoncées, comme celles que l’on rencontrait dans toutes les villes russes à la fin de l’époque communiste, et au fond de la scène, un écran projette les images tremblantes de la gloire passée de l’URSS (Gagarine, premier homme dans l’espace) mais aussi de ses horreurs concentrationnaires (enfants arrachés à leurs parents, en captivité, puis dans des orphelinats d’État...).

• Ils sont une demi-douzaine à se succéder sur scène pour témoigner, face au micro, de la grandeur et de la face sombre de l’URSS, qui, à l’instar de « l’homme rouge », vient de s’effondrer en cette fin décembre 1991, lorsque M. Gorbatchev rend tous ses pouvoirs.

POINTS FORTS

 • La force des témoignages, soigneusement choisis parmi tous ceux que Svetlana Alexievitch a recueillis en presque 40 ans de pérégrinations sur tout le territoire de l’ex-URSS. 

• Tous les aspects ou presque de ce que fut l’expérience soviétique sont restitués : idéalisme et enthousiasme des vieux communistes comme des komsomols, traumatismes des expériences concentrationnaires mais aussi militaires, avec des appelés et des officiers chevronnés, livrés les uns à la brutalité de la soldatesque, les autres à la criminelle incurie d’échelons supérieurs méprisant totalement les hommes et les ressources qu’ils représentent. Tout ceci culmine avec l’épisode de Tchernobyl, parfait symptôme de la dégénérescence d’un système où le « mensonge déconcertant » (l’historien Martin Malia) ne suffit plus à endiguer la nouvelle et ultime catastrophe.

• L’exercice est ardu, car les comédiens doivent livrer leur témoignage devant le micro face au public : Anouk Grinberg, vibrante comme Piaf savait l’être sur scène, se distingue dans l’exercice, de même que Xavier Gallais et surtout Jérôme Kircher, qui livre une extraordinaire prestation, ces deux comédiens étant les seuls qui cherchent à exploiter les potentialités du micro qui leur est tendu et imposé. André Wilms, souffrant depuis le début du spectacle, n’en laisse pas moins un témoignage filmé de communiste indéfectible (à la lucidité sélective) tout à fait saisissant.

POINTS FAIBLES

Le dispositif choisi pour le témoignage encourage un statisme qui peut lasser à la longue. Certains comédiens s’en accommodent plus difficilement que d’autres.

EN DEUX MOTS ...

La succession des points de vue permet de se faire une idée sinon juste, du moins nuancée, de la mémoire complexe de l’URSS défunte : de l’enthousiasme idéaliste et égalitaire à la plus pure cruauté physique et mentale ; du culte des héros à la destruction d’une génération par l’autre à grands renforts de purges et de guerres inutiles. 

Pour paraphraser Tchékhov, l’expérience soviétique consista surtout à extraire « l’homme de l’homme jusqu’à la dernière goutte ».

UN EXTRAIT

«  Il flotte et fièrement il bouge / Ses longs plis au combat préparé / Osez, osez le défier  / Notre superbe drapeau rouge ! » (chant de propagande populaire en URSS)

«  La hache, elle est toujours là. Elle attend son maître... » (le fils d’Ana, déportée en 1937)

« Chez nous, le capitalisme est encore jeune, avec des crocs tout neufs. » (un vieux et indéfectible militant communiste)

L'AUTEUR

Svetlana Alexievitch, née en 1948 sous Staline, a entamé une carrière de journaliste dans sa Biélorussie natale. Elle oriente rapidement son travail vers la collection, la restitution et un  travail littéraire sur les témoignages et la mémoire des conflits (de la Grande Guerre patriotique à celle d’Afghanistan) et des catastrophes (Tchernobyl). 

La fin de l’homme rouge, dont est tiré ce spectacle, lui vaut le Médicis essai, le titre de Meilleur livre de l’année du magazine Lire, et l’ensemble de son œuvre le prix Nobel de Littérature en 2015.

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