Grand remplacement technologique : comprendre l’autonomisation et dompter la machine<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Grand remplacement technologique : comprendre l’autonomisation et dompter la machine
©John MACDOUGALL / AFP

Bonnes feuilles

Alors que le monde se précipite vers une "quatrième révolution industrielle" aux enjeux cruciaux, Christophe Victor propose des pistes pour bâtir "le monde qui vient" afin qu'il ne soit pas pire que celui, à bout de souffle, dans lequel nous vivons. Ce livre est publié aux éditions Plon.

Christophe Victor

Christophe Victor

Christophe Victor est Consultant en transformation digitale, auteur et conférencier. Il est ancien Directeur Général des Echos et co-fondateur de Viva Technology avec Publicis.

Voir la bio »

Est-ce donc d’une flexibilisation plus ou moins généralisée des emplois dont nous devons avoir peur ? Et faut-il en avoir peur si elle correspond à une aspiration grandissante d’une nouvelle génération de travailleurs ? Ou cette flexibilisation ne cache-t-elle pas, en réalité, une précarisation accrue du marché du travail ? Une réduction progressive de celui-ci, voire sa disparition, sous l’effet du remplacement des humains par des robots ou par l’intelligence artificielle ? Les titres des médias ne nous incitent pas à l’optimisme : « Forrester prévoit que l’automatisation associée à l’intelligence artificielle supprimera 9 % des emplois aux États-Unis en 20187 » (Forbes), « Selon McKinsey, les robots pourraient remplacer un tiers des travailleurs américains d’ici 2030 » (The Washington Post).

Ce n’est pas vraiment surprenant. Le bon sens nous amène à penser, de façon tout à fait naturelle, que plus les emplois seront automatisés, moins les humains auront de tâches à effectuer. Le changement est déjà à l’oeuvre dans les usines. Les robots y ont remplacé les ouvriers. En 2016, Foxconn, sous-traitant chinois de produits Apple et Samsung, annonçait qu’il réduisait ses effectifs de 110 000 à 50 000 en quelques mois, en remplaçant ses « petites mains » par « des bras électroniques ». Peut-on imaginer l’impact si le même traitement s’applique pour l’ensemble de ses 1,2 million de salariés ? Demain, la voiture autonome risque de mettre au chômage quantité de chauffeurs de taxi ou de chauffeurs routiers. Et il n’y a pas que les tâches répétitives qui sont menacées. Aujourd’hui, grâce à l’intelligence artificielle, des chatbots (programmes informatiques capables de simuler une conversation) répondent aux clients et diminuent les effectifs des centres d’appel. La blockchain, en permettant le stockage et la transmission d’informations de manière directe, sécurisée et décentralisée, devient une alternative à des tiers de confiance comme les banques, les notaires ou les greffiers. Les assistants vocaux peuvent prendre des rendez-vous ou réserver des chambres d’hôtel ou des billets d’avion. Plus inquiétant encore, il est prouvé que la machine est plus efficace que l’avocat, le radiologue ou le médecin pour retrouver une jurisprudence, interpréter des radiographies, voire poser des diagnostics médicaux. L’anthropologue anarchiste américain David Graeber s’est hissé au sommet des ventes avec son livre Bullshit Jobs (« Des emplois à la con »), où il affirme que près d’un emploi sur deux ne sert déjà à rien. Dans son best-seller Homo Deus, Yuval Harari évoque l’avènement d’une classe devenue « inutile ».

Quelle est donc la place de l’homme dans le monde qui vient ? Est-il condamné à l’oisiveté et à seulement contrôler les machines pour éviter qu’elles ne lui échappent ? Et dans ce cas, combien d’heureux élus, capables de maîtriser la complexité des algorithmes et de l’intelligence artificielle ?

La peur du chômage de masse amenée par l’automatisation n’est pas récente. Au XIXe siècle, les ouvriers tisserands (luddites anglais ou canuts lyonnais) se révoltaient contre la machine à tisser. La théorie économique, notamment celle de « la destruction créatrice » de Schumpeter, nous apprend que l’innovation détruit dans un premier temps des emplois devenus obsolètes, mais que les gains de productivité qui en sont tirés se réinvestissent dans d’autres domaines et créent à terme de nouveaux emplois. Il y a aujourd’hui dans le monde plus de Web designers que de mineurs de charbon. Personne n’aurait pu l’imaginer il y a seulement vingt-cinq ans. Un temps d’adaptation des organisations est cependant nécessaire avant que l’ensemble du système ne se régule. Il peut prendre plus d’une génération et créer ce qu’on appelle « un chômage technologique ». Si l’automatisation est aujourd’hui à ce point effrayante, c’est qu’on dispose de beaucoup plus de données qu’autrefois pour prédire son impact. C’est aussi sans doute parce que le rythme du déplacement qui est voué à s’opérer sera plus rapide. Il n’est cependant pas encore mesuré dans les chiffres. Le taux de changement de la structure de l’emploi ne varie pas réellement depuis 1980. Il a même tendance à plutôt diminuer. Il est défini comme la différence entre le nombre d’emplois créés dans les secteurs en expansion et le nombre d’emplois supprimés dans les secteurs en perte de vitesse, rapportée au nombre total au début de la période considérée. Risquons une explication. Ce n’est pas tant la disparition de certains métiers qu’il faut craindre qu’une modification profonde de ceux-ci, beaucoup plus difficile à appréhender. Les ouvriers vont devoir coopérer avec des robots industriels, les aides-soignants avec des robots médicaux. Les chirurgiens opéreront grâce à des consoles reproduisant la mobilité des poignets et des doigts en éliminant tout tremblement parasite. Les avocats s’aideront de l’IA pour préparer leurs conclusions, les médecins l’utiliseront dans leur diagnostic. Nous entrons dans l’ère de la collaboration entre l’homme et la machine. Celle-ci va impliquer que les travailleurs, quel que soit leur âge, mettent constamment à jour leurs compétences, pour s’adapter à ces avancées technologiques.

Extrait de "Le monde qui vient - Ou comment reprendre le contrôle sur les technologies", de Christophe Victor, publié aux éditions Plon

Pour acheter le livre sur Amazon, cliquez ici

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !