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Les chats : un compagnonnage avec l'homme qui s'est fait en deux temps
©Decitre .fr capture d'écran

Bonnes feuilles

La maison d'édition "Plon" publie Dans la peau des bêtes, La vie sensible et intelligente des animaux de Aline Richard Zivohlava. Extrait 1/2.

Domestiqué ou simplement apprivoisé, l’histoire de notre compagnonnage avec vous ne s’arrête pas là. Il semble s’être déroulé en deux temps.

Première vague il y a 5 000-6 000 ans : les chats lybica en passe de devenir catus accompagnent la migration des populations sur le continent européen. La seconde vague date de l’Antiquité avec l’incroyable popularité de nos congénères égyptiens, élevés au rang de divinités par la société des pharaons.

Pour les Égyptiens, nous sommes les «miou» (onoma‑ topée transcrite par les spécialistes par miw au masculin et miwt au féminin). Protecteurs du foyer, nous peuplons les temples et les palais, chassons les rongeurs et distrayons les humains. Nous sommes respectés à tel point que, lorsque l’un d’entre nous meurt, la tradition veut que ses maîtres se rasent les sourcils en signe de deuil et lui fassent l’offrande d’un embaumage. Animal sacré, le chat est l’in‑ carnation de la déesse Bastet, garante de la joie du foyer, de la chaleur du soleil et de la maternité. Cette divinité bienveillante est néanmoins capable de terribles colères. Et elle sait se montrer impitoyable dans sa lutte contre le serpent Apophis qui tente de contrecarrer la course du soleil.

Les Grecs, puis les Romains, craquent pour ces minous des bords du Nil. À Rome, les riches familles les adoptent pour la chasse aux souris et l’agrément, puis la mode des chats se répand dans tout l’Empire grâce aux soldats romains qui les emmènent, à pied ou en bateau, pendant leurs campagnes. Nous voyageons ainsi dans toute l’Europe, de l’Écosse aux ports de la Baltique.

Au Moyen Âge, ça commence bien pour nous pour se terminer très mal. Les paysans nous apprécient puisque nous sommes chats souriciers, protecteurs des récoltes de grains. Mais on se méfie de nos chaleurs, de nos vagabondages et de notre nonchalance, et, dès lors, l’Église s’en mêle. L’imagerie médiévale nous dépeint noirs comme le démon ; nos yeux brilleraient des flammes de l’enfer, et nous serions les adjoints des sorcières qui nous ont accordé neuf vies. En 1233, le pape inquisiteur Grégoire IX considère que le chat, comme le crapaud, est une incarnation du diable : toute personne abritant un chat noir risque le bûcher. C’est encore pire deux cents ans plus tard : dans sa bulle de décembre 1484, le pape Innocent VIII ordonne une enquête sur les sorciers, les sorcières et la sorcellerie, en vue de définir les signes auxquels on peut reconnaître le pacte d’un individu avec le démon… Le chat fait partie du lot. L’Église autorise alors le sacrifice des félins pour les fêtes populaires, et nombre d’entre nous sont brûlés vifs. Le jour de la Saint-Jean constitue pour tous les chats une date maudite : en 1573, encore, sur la place de Grève à Paris, on a placé un sac rempli des nôtres sur le bûcher, et c’est le roi lui-même qui a jeté la torche.

Après toutes ces horreurs, vous conviendrez avec moi que les siècles suivants auront été moins dramatiques, même si, à certaines périodes, l’humain nous a chassés sans pitié, histoire de nous transformer en toques de fourrure ou de nous mettre à son menu. Ainsi, une recette de chat rôti figure dans un traité culinaire espagnol du XVie siècle. Encore aujourd’hui, nous passons à la casserole 15 en Asie, et dans certains endroits du nord de l’Italie et de la Suisse. Et en France, souvenir des pénuries du passé, on nous ressort encore la vieille blague qui consiste à miauler lorsque apparaît le lapin en gibelotte sur la table familiale.

Mais désormais, ce sombre passé est révolu. Nous avons conquis les cœurs, en tout cas ceux de l’Occident cossu. Il y aurait 82 millions de chats domestiques aux États-Unis, 7 millions au Japon, 76 millions en Europe. La France, en particulier, est folle de nous : dans ses foyers, 13 millions de matous, et une population en constante augmentation avec une moyenne de près de 600000 naissances par an. Plus de chats, et qui vivent plus longtemps. Notre espérance de vie s’établit aujourd’hui entre 15 et 21 ans, soit, si l’on tente une équivalence, entre 76 et 100 ans humains. Quand on aime, on ne compte pas, proclame l’un de vos proverbes. Nos propriétaires ont fait leurs comptes : un budget de 600 euros par an, a minima, pour un chat des villes. Beaucoup d’entre vous ne lésinent pas sur notre bien-être : fini, la pâtée bas de gamme, vive les croquettes bio ! Le chiffre d’affaires des biscuits, friandises et pro‑ duits d’hygiène bucco-dentaire connaît une croissance de 20%. Et les dépenses ne s’arrêtent pas là. Vétérinaire (consultation de base à 34 euros), assurances, sans oublier les vacances… Et les extravagances:  à Paris et à Lyon, nous avons des hôtels pour félins avec chambres individuelles comprenant litière, griffoir personnel, brossage et friandises.

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