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Quand l'Empire anglais régnait sur la France...
©Capture d'écran // Amazon

Bonnes Feuilles

La maison d'édition "Perrin" publie Les Empires médiévaux de Sylvain Gouguenheim. Extrait 1/2

Du côté normand, dans les années 1051-1052, Guillaume le Bâtard met au pas l’aristocratie du duché, notamment par sa victoire de Val-ès-Dunes en 1047 où, aidé d’Henri Ier de France, il triomphe d’une coalition de petits barons et de vicomtes normands. Il remporte également des succès militaires sur les marches méridionales : il annexe la région de Domfront et de Passais. Ces succès renforcent l’hostilité ancienne des Angevins et donnent lieu à deux campagnes menées conjointement par le comte d’Anjou Geoffroy Martel et le roi Henri Ier. Le duc de Normandie en sort grandi. Il est alors suffisamment puissant pour pouvoir s’intéresser à d’autres espaces ; ce sera l’Angleterre. Édouard le Confesseur, qui meurt sans héritier, lui en donne l’opportunité. La victoire de Hastings, les 28-29 septembre 1066, permet aux Normands de s’implanter durablement outre-Manche. Guillaume distribue à ses vassaux les terres confisquées à l’aristocratie anglo-saxonne, scellant ainsi les destinées de l’Angleterre et de la Normandie. Des influences réciproques s’établissent dans les domaines administratif, linguistique, religieux et culturel.

À la génération suivante, après un partage désastreux du royaume entre Robert Courteheuse (m. 1106) et Guillaume le Roux (m. 1100), l’ensemble des terres contrôlées par le Conquérant échoue finalement entre les mains d’Henri Ier Beauclerc (m. 1135), qui joue un rôle essentiel dans l’intégration des territoires en une entité commune qu’on appellera désormais « royaume anglo-normand 7 ». Durant son règne un rapprochement est envisagé avec l’Anjou : il marie Guillaume Adelin à l’une des filles de Foulques V, puis, après la disparition de ce fils dans le naufrage de la Blanche-Nef, il unit sa fille Mathilde, veuve de l’empereur Henri V (m. 1125), à Geoffroy le Bel. Par cette alliance, le royaume anglo-normand se trouve réuni à l’Anjou. Mais la conjoncture politique empêche les époux de règner conjointement sur leurs terres. Ce n’est qu’après une longue guerre civile, menée contre Étienne de Blois en Angleterre par Mathilde et contre les nobles rebelles en Normandie par Geoffroy, que l’héritage est réuni pour de bon. Henri II, devenu comte d’Anjou à la mort de son père (1151), après avoir dépossédé son frère Geoffroy, est couronné roi d’Angleterre à la mort d’Étienne, le 19 décembre 1154.

Les conquêtes plantagenêts

À cette date Henri II est aussi en possession de l’Aquitaine par les droits de sa femme Aliénor qu’il a épousée le 18 mai 1152, juste après qu’elle a été répudiée par le roi de France Louis VII. Cette principauté immense se compose du duché de Gascogne, des comtés de Poitou et d’Auvergne, des vicomtés d’Angoumois et de Limousin et du comté de Toulouse que les ducs ont bien de la peine à faire entrer dans leur giron.

Henri ne tarde pas à s’emparer également des droits sur la Bretagne. C’est d’abord le comté de Nantes qui est livré par les Nantais eux-mêmes à son frère Geoffroy, mais qu’Henri récupère après le décès de celui-ci en 1158. Puis en 1166, le duc Conan IV, confronté à une énième révolte aristocratique, abdique son pouvoir afin de bénéficier du soutien militaire plantagenêt. Affaibli, il est ainsi contraint d’accepter les fiançailles de sa fille Constance (quatre ans) et de Geoffroy (sept ans), l’un des fils d’Henri II. Constanceapporte le duché de Bretagne en dot et le roi d’Angleterre en devient le « gardien » jusqu’à la majorité des futurs époux.

L’empire Plantagenêt 331

Outre-Manche, la logique de conquête amorcée dès l’époque de Guillaume le Bâtard a poussé les Normands au-delà des frontières anglaises, en pays celtique. Henri II poursuit cette démarche et cherche à consolider ou établir son autorité. C’est d’abord en Écosse qu’il intervient pour replacer sous tutelle la monarchie qui s’était émancipée à l’occasion des années de guerre civile. Profitant de la faiblesse d’Étienne de Blois, le roi David Ier avait, en effet, mis fin à quatre décennies de soumission féodale et était parvenu à conquérir à son avantage la Northumbrie et le Cumberland (1135- 1138). Henri II fait intervenir ses troupes et, en 1157, Malcom IV (m. 1165) est contraint de lui faire hommage. Cet hommage est réitéré en 1174 par son successeur Guillaume le Lion (m. 1214) après une révolte avortée. Malgré les tentatives de pacification, la marche écossaise, tenue par des barons anglo-normands et leurs vassaux, reste instable tout au long de la période, et particulièrement dangereuse sous le règne de Jean sans Terre.

Ce n’est guère mieux en pays de Galles, où Henri II est contraint d’envoyer ses troupes en 1157, 1164 et 1165. Sur ces marches conquises depuis 1093, les seigneurs normands installés peinent à conserver leurs terres face aux attaques répétées des seigneurs gallois du nord de la province. Le pays est divisé en deux, comme en Écosse, une partie occupée par les Marcher lords normands (la côte et les basses terres), une partie demeurée dans les mains des Gallois (les hautes terres). Ces Gallois, contrairement aux Écossais, ne disposent pas d’un pouvoir monarchique unique, ce qui rend tout dialogue complexe. Henri II tolère néanmoins les princes locaux, à condition qu’ils admettent sa suprématie. Des paix sont signées, ce qui mécontente les Marcher lords soucieux de pouvoir agir comme ils l’entendent sur la frontière. La tension est parfois sensible entre ces derniers et le pouvoir angevin.

En Irlande, enfin, Henri II intervient alors que des querelles de clans déchirent le pays et que les rois autochtones sont impuissants à maintenir la paix. Il bénéficie alors du soutien du pape (bulleLaudabiliter). L’action militaire est confiée à des grands barons anglais, pour la plupart venus du pays de Galles et rompus à l’encadrement d’une zone frontière. Ils prennent possession des terres du sud et de l’est du pays, et y introduisent le système manorial. Les rois irlandais sont maintenus (traité de Windsor en 1177) mais doivent se soumettre à un dominus Hiberniae. Ils acceptent cette contrainte féodale car elle ne remet pas en cause leur pouvoir local. En revanche, quand Jean sans Terre entreprend, en 1185, de se faire proclamer roi d’Irlande, une levée de boucliers unanime fait échouer son expédition militaire.

Mosaïque de royaumes et de principautés, agglomérés de manière plus ou moins stable autour des éléments centraux que représentent l’Angleterre, la Normandie et l’Anjou, l’empire Plantagenêt est multiple et divisible. Henri II n’a probablement jamais eu l’intention ni d’unifier véritablement l’ensemble en un seul État, ni de l’uniformiser. La conception féodale du pouvoir rendait parfaitement acceptable cet agrégat disparate. Malgré tout, ses dispositions testamentaires montrent une évolution de la perception de cet empire et la prise de conscience de l’importance d’un maintien de sa cohésion. Au début des années 1160, Henri envisage un partage de ses domaines entre ses fils ; des dispositions renégociées en 1167, à la naissance de Jean sans Terre, mais pas fondamentalement modifiées. En 1183, en revanche, après la grande révolte de ses fils, Henri manifeste la volonté de trouver une solution pour éviter l’éclatement de son empire. Il pense pouvoir imposer à ses fils la coutume normande du parage par laquelle les puînés tiennent leurs biens en fief de leur aîné. Mais Richard refuse de faire hommage à Henri le Jeune et veut rester vassal direct du roi de France pour l’Aquitaine. L’option du parage est donc abandonnée, elle représentait pourtant un élément de stabilité apte à pérenniser la puissance plantagenêt, en évitant les éventuels effets de guerres fratricides. C’est finalement par le hasard des décès successifs que l’empire est conservé après la disparition du roi en 1189, d’abord dans les mains de Richard Cœur de Lion, puis, après la mort accidentelle de celui-ci en 1199, dans celles de Jean sans Terre.

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