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A ses ralliés, la République (En marche) pas reconnaissante
©LUDOVIC MARIN / AFP

La traîtrise ne paie pas

Alors qu'Emmanuel Macron soutient ses fidèles de la première heure, le peu de soutien accordé à François de Rugy et le traitement de personnalités comme Manuel Valls démontre une ambiguïté concernant les "ralliés" à LREM.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Nombreux sont les membres de LaREM ou du gouvernement Macron qui ont rejoint le groupe en cours de route (d'Edouard Philippe à François de Rugy, en passant par Manuel Valls). Bien que leurs situations diffèrent radicalement, que révèle le traitement réservé par le Président et LREM à ceux qui ont rallié le parti ?

Jean Petaux : Les trois acteurs que vous citez n’ont pas la même trajectoire ni le même poids politique. Pour autant ce qui les rassemble c’est qu’ils sont considérés par Emmanuel Macron comme des « fraichement convertis » et, à tout le moins, ne bénéficient pas d’un traitement de faveur. C’est le moins que l’on puisse dire. Manuel Valls, candidat à la primaire socialiste de novembre 2016, battu par Benoit Hamon, a rallié Emmanuel Macron avant même le 1er tour de la présidentielle. Cela ne l’a pas empêché d’être littéralement humilié lors de la procédure d’investiture dans sa circonscription législative en Essonne. Prix (très élevé) à payer pour avoir la garantie d’une absence de concurrent LREM face à lui. Macron l’a littéralement « grillé » pour plusieurs années au moins sur la scène politique française, l’amenant à s’exiler en Catalogne avec le succès que l’on sait. François de Rugy, lui aussi candidat à la primaire « socialistes et associés » de novembre 2016 a soutenu, encore plus tôt, le candidat Macron. Il a été plutôt bien « servi » pour ce ralliement et la présidence de l’Assemblée (qui allait s’avérer bien funeste pour cet acteur politique finalement sans grande personnalité et surtout sans réseau) était plutôt un beau  trophée en juin 2017.

Pour autant François de Rugy semble surtout avoir eu un statut de « remplaçant » dans ces différentes responsabilités récentes. Remplaçant au « Perchoir » en attendant que l’actuel titulaire de la fonction, Richard Ferrand, autre « rallié socialiste » mais des premiers jours celui-là, ne se sorte des filets tendus dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne ; remplaçant de Nicolas Hulot, autre « rallié  superbe », mais totalement ingérable politiquement et improbable dans l’accumulation des contradictions qu’il porte sur ses épaules. Bref de Rugy c’est le parfait second rôle promis au destin de fusible en cas de court-circuit, de « plan B » en cas d’échec d’une solution plus audacieuse ou ambitieuse.  Reste Edouard Philippe : son cas est quand même très différent. Non qu’il « pèse » lourd en termes de troupes, mais il existe comme symbole de la droite républicaine ralliée et surtout comme bélier destiné à enfoncer chaque semaine  un peu plus et davantage à chaque élection les murailles de la citadelle LR jusqu’à les faire tomber par pans entiers, comme aux dernières européennes. De lui Emmanuel Macron a un réel besoin. Sous la Vè République quand le président devient trop dépendant de son premier ministre, lequel prend ainsi trop de place, la coutume veut que la plus haute autorité de l’Etat « débranche » celui que Nicolas Sarkozy qualifiait de « collaborateur » : l’hôte de Matignon. Le prochain grand rendez-vous politique pour Edouard Philippe sera après les municipales de 2020. Lequel, du PR ou du PM prendra l’initiative de la rupture, ou, à tout le moins de la « séparation à l’amiable »  ? Edouard Philippe, fin politique, rusé et intelligent, pourrait très bien choisir de prendre les devants et de lâcher un Emmanuel Macron qui perdrait ainsi sa principale arme de destruction de la droite, et s’établirait, ipso facto, « à son compte » pour des échéances futures.

En quoi le faible soutien apporté par Emmanuel Macron et son parti à François de Rugy est-il révélateur de la relation ambiguë qu'entretient LREM avec ses membres ralliés ? Cela peut-il, à l'avenir, avoir des effets politiques néfastes pour le parti ?

Le cas de Rugy n’a rien d’exceptionnel dans la manière de faire d’Emmanuel Macron. Dès juin 2017 quand François Bayrou, qui était pourtant un allié bien plus important en termes de poids politique et de services rendus au tout récent président, a dû quitter le gouvernement avec Mesdames Goulard et de Sarnez, tous les trois empêtrés dans l’affaire des « assistants parlementaires européens », Emmanuel Macron n’a pas levé le petit doigt pour les « sauver » et s’il faut faire référence à la position d’un doigt dans cet épisode c’est plutôt l’image du « pouce baissé » façon «  Vae victis » (pour employer une formule chère au fervent latiniste François Bayrou) qui a prévalu alors. Macron agit en la matière comme tous ses prédécesseurs présidents de la République. Aucun, aussi loin que l’on remonte sous la Cinquième République, ne s’est « mouillé » pour sauver tel ou tel de ses ministres ou de ses soutiens politiques d’importance.

Même le Général de Gaulle a été d’un silence de marbre au moment de l’affaire Markovic  qui visait directement son ancien premier ministre Georges Pompidou. Pompidou n’a rien fait pour dédouaner son premier ministre Chaban-Delmas dans l’affaire de la « déclaration d’impôts » qui s’est retrouvée dans les pages du « Canard » en provenance de la « rue de Rivoli » (le « Bercy » de l’époque) dont le titulaire n’était autre que…  VGE. Quant à Giscard c’est encore pire : il n’a rien fait pour réhabiliter la mémoire de Jean de Broglie exécuté en pleine rue, pour faire en sorte que les véritables causes de la mort du pseudo « suicidé » Robert Boulin ne soient explorées… au point que fin octobre 2019 cela fera 40 ans que sa famille attend la vérité dans ce scandale… Et Mitterrand ? Que n’a-t-il laissé tomber ses très proches ?  D’Hernu à Bérégovoy en passant même par Roger-Patrice Pelat dont il était si intime… Et que dire d’un Jacques Chirac dans l’affaire des emplois fictifs dite des « HLM de la Mairie de Paris » où tous les avis convergent sur le fait qu’Alain Juppé a porté là un chapeau qui aurait pu, sans l’ombre d’un doute, couvrir deux têtes ?… Le chef de l’Etat n’eût pas un mot, avant et pendant le procès. Il manifesta une sollicitude certaine après. C’était bien la moindre des choses au regard de la « couverture » rendue… On pourrait allonger la liste jusqu’aux dernières péripéties « hollandaises ». D’aucuns trouveront qu’il s’agit-là d’une bonne conduite présidentielle : quand on est au sommet on n’a plus d’amis et le président ne se commet pas à défendre les « seconds couteaux » (voire les « premiers ») pris dans les rets d’un scandale politique, financier ou autre… Plus prosaïquement on y verra plutôt la marque de l’égoïsme foncier de ceux que le sort de la politique a placé sur la plus haute marche du podium… Alliés ou pas ? Premiers apôtres, fidèles serviteurs ou ralliés de « la 25ème heure » peu importe ? Le président de la République sous la Cinquième république ne connait que lui et ignore superbement le devenir politique de ceux qui furent ses soutiens. Précaution d’autant plus essentielle que rien n’est secret aujourd’hui. Principe de fonctionnement d’autant plus risqué qu’il peut conduire à se retrouver sans troupes, et même sans sous-chefs… Cela peut s’avérer fort pénalisant quand on vise à être reconduit dans sa fonction…pour un second mandat.  

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