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Taxe GAFAM : ce mauvais coup porté par le gouvernement français à l’Europe
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Enquête ouverte

Le département d’Etat au commerce américain a annoncé l'ouverture d'une enquête sur la taxe GAFA, votée le 10 juillet par le Sénat français. Sous l’égide de la « Section 301 » du Trade Act, texte essentiel de la législation commerciale américaine, les Etats-Unis peuvent désormais décider d'appliquer des mesures douanières à l'encontre des entreprises françaises.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Pour l’administration américaine, la taxe GAFA est en effetconsidérée comme une taxe discriminatoire visant principalement les seules entreprises américaines. Les Etats-Unis, à ce titre, soulignent que la communication gouvernementale française a tout particulièrement pointé le concept même de « taxe GAFA ». Et déjà se profile l’éventualité de contre-mesures commerciales visant le vin ou le secteur automobile. 

Disons-le tout net : il est légitime que les entreprises du secteur numérique, qu’elles soient 

Américaines ou non, s’acquittent des mêmes obligations fiscales que toutes les autres entreprises. En ce sens, l’objectif poursuivi par le Gouvernement, il est vrai mû par un réflexe de taxation tous azimuts qui n’en finit pas de nuire à nos entreprises et nos concitoyens écrasés d’impôts, peut être compris.

Pour autant, l’enfer étant pavé de bonnes intentions, qu’il soit permis d’estimer que le gouvernement fait fausse route, et, ce faisant, porte un mauvais coup de plus à l’Europe. Ceci pour plusieurs raisons.

D’abord, si le gouvernement se défend de toute discrimination, la réalité est, hélas, autre. Le texte de la taxe a, de fait été rédigé afin d’exclure les acteurs français du numérique. Il est vrai qu’il n’y en a pas beaucoup dira-t-on. C’est justement pour cela, rétorquera-t-on alors, que les Etats-Unis peuvent estimer choquant qu’ils soient soigneusement tenus à l’écart, au gré d’une véritable opération de scalpel fiscal dont Bercy est coutumier. En l’état, alors même que le Ministre l’économie avait souligné l’inclusion dans le périmètre de la taxe GAFA du français Critéo, rare acteur français du numérique qui a émergé, force est d’admettre que désormais plus aucune entreprise française n’est concernée. Il est vrai que les autorités françaises n’ont pas besoin, à l’inverse, de circonlocutions quand il s’agit de vanter, haut et fort, leur volonté de « taxer les grandes entreprises américaines »…

Ensuite, il y aurait beaucoup à dire sur un plan plus technique. Le Ministre de l'économie a toujours refusé de voir que les entreprises du numérique payent aussi des impôts : plusieurs études ont expliqué à plusieurs reprises que le taux moyen d'imposition des entreprises du numérique est entre 20 et 26%. De plus, le texte final est fiscalement très complexe, mal ficelé, et devrait rapporter peu aux caisses de l’Etat (de l’ordre de 300 à 500 millions d’euros, soit, en matière fiscale, au-dessous de la ligne vexatoire).Les principaux gagnants seront-ils les fiscalistes, et non pas les consommateurs finaux qui risquent, eux, d’être les vrais les perdants ? 

Enfin, et surtout, pouvait-on envoyer plus mauvais message à nos partenaires que cette triste échappée en solitaire ? C’est le cas au sein de l’Union européenne, où la France a été incapable de convaincre ses partenaires, à commencer par l’Allemagne, alors même que ce gouvernement se prétend le champion des causes européennes. C’est aussi le cas au sein de l’OCDE, où la France refuse de défendre une taxation sur le chiffre d'affaires…pour finalement instaurer une telle mesure sur son propre territoire.De deux choses l’une : soit l’OCDE a bien vocation à porter une telle réforme et il faut lui donner le temps de la proposer ; soit la France se soucie peu du travail qu’elle fait, ce qui serait plus que dommage compte tenu des compétences d’une telle organisation, qui plus est sise sur son territoire. 

Avec la taxe GAFA, le gouvernement touche la vraie nature du « en même temps » : l’incohérence et la contradiction permanentes. L’économie numérique mérite mieux que l’approche bravache, précipitée, bancale, qui a prévalu. Au moment où se profile l’arrivée d’une nouvelle Commission, il faut souhaiter qu’une approche plus raisonnable, plus construite, qui n’exclue pas la question fiscale mais la traite avec sérieux, prévale enfin si l’Europe veut rattraper l’immense retard qui est le sien en matière numérique, et dont la responsabilité lui incombe seule.

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