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"Court vêtue" de Marie Gauthier : Un roman d'apprentissage, mélancolique et tout en finesse d'observation
©

Atlanti-Culture

LU PAR VERONIQUE ROLAND

LIVRE

COURT VETUE

de Marie GAUTHIER

Ed. Gallimard

105 pages 

12,50€

RECOMMANDATION 

           EXCELLENT

THEME 

AVERTISSEMENT: nous sommes passés à côté de ce texte, méritant amplement le Prix Goncourt du Premier Roman, qui lui a été attribué. Mieux vaut tard que jamais...

                                                                                                      *****

Un gros bourg écrasé par l’été. Une maison de pierre au bord d’une route où passent sans arrêt des camions. Une rivière au bout du chemin… Adolescent de 14 ans, maladroit et traînant des pieds, Félix est envoyé dans ce décor sans intérêt, pour faire un stage chez un cantonnier mutique qui s’endort sur son mégot. Dans la maison, il y a Gil, de deux ans son aînée, la fille du « canto ». Pour Félix, les filles en général sont encore une énigme ; mais Gil plus qu’une autre le jette involontairement dans un trouble nouveau. D’un côté, il y a Gil la jolie, ange du foyer vif-argent et consciencieux, vendeuse à la fois sérieuse et souriante à la supérette ; de l’autre, il y a Gil l’inconnue, celle qui, sans le savoir, dévoile son corps à Félix dans la sensualité quotidienne de ses gestes anodins. Celle qui, surtout, appartient à tout le monde, s’éclipse le soir et échappe à Félix pour descendre à la rivière. D’abord indifférente, elle se laisse progressivement attendrir et se rapproche de lui. Faut-il qu’il la croie, quand elle lui dit qu’un jour on l’emportera enfin loin d’ici ? Y croit-elle elle-même ?... Un matin, Gil ne rentre pas. Dans l’indifférence de tous ceux qui la côtoient sans la connaître. Seul Félix pressent le drame…

POINTS FORTS

-L’ouvrage rejoint l’intérêt actuel pour les récits d’adolescence réalistes. On pourrait lui reprocher de renouer avec le thème rebattu en littérature comme au cinéma de ces étés au ralenti qui font opérer aux personnages une sortie de l’enfance marquée au fer. Mais Marie Gauthier évite l’écueil en choisissant de resserrer au plus près l’intérêt sur ses personnages, plutôt que de développer une intrigue forcément déjà vue.

-Marie Gauthier restitue de façon convaincante et émouvante la confusion des sensations chez Félix qui découvre la féminité, et la curiosité presque cérébrale et brutale de Gil pour la sexualité. C’est elle, surtout, pas si légère que ça, poursuivie par les hommes mais jamais par l’amour, qui accroche l’intérêt en laissant l’impression d’une immense mélancolie. Elle est « condamnée au bourg « 

-Le petit texte que promène Félix dans sa poche sur un bout de papier intrigue. Pourquoi touche-t-il tellement Gil et la rapproche-t-il de Félix ? Chaque lecteur entendra résonner sa propre référence, mais le parfum désespéré de L’enfant de la haute-mer et du désir de mort flotte sur ce roman plus inquiétant qu’il n’y paraît.

POINTS FAIBLES

-Certains lecteurs risquent de trouver un peu maigre ce roman à l’intrigue minimale. Même chose pour ceux qui aiment avant tout l’innovation et l’imagination.

-La construction se cherche. Marie Gauthier aime travailler les personnages, leur point de vue, leurs sensations mais passe souvent et gratuitement de l’un à l’autre. Du coup, elle peut désorienter et donner l’impression d’un écrivain encore jeune qui se fait plaisir à brosser des vignettes.

EN DEUX MOTS

Moins univoque que ne laisse penser la 4e de couverture, le livre se lit d’une traite et pas seulement parce qu’il est court. Dans ce décor où le pittoresque et l’anecdotique sont réduits au minimum, on ne peut qu’entrer en contact étroit avec deux adolescents attachants et fragiles, dont la quête et les doutes feront écho en chaque lecteur honnête avec lui-même. En dépit de quelques faiblesses, on est épaté par le talent en herbe de Marie Gauthier, dont la langue riche mais sans fioritures est une des qualités. 

UN EXTRAIT 

Ou plutôt trois:

« Elle avait des yeux bleus, des jambes fines. Félix n’en avait jamais vu d’aussi belles. Elle avait une façon bien à elle de se tenir, à la fois droite et souple mais avec quelque chose d’emmêlé. Félix imaginait son corps sous ses vêtements tandis qu’elle mettait de l’eau à bouillir pour les pâtes (…). »

« Elle se coulait dans son métier de vendeuse, se fondait dans le costume et le décor. Mais en même temps, quand elle traversait le bourg, c’était impossible de ne pas la voir (…) Elle était éclatante, étincelante, même quand elle faisait la cuisine ou la vaisselle. »

 « Peut-être que personne ne venait chercher Gil (…) mais pour Félix elle continuait à inventer toutes sortes d’histoires. Elle préparait son sac, son bagage. Quelque chose va se produire sûrement, tu verras. Un jour, je ne serai plus là. »

L'AUTEUR

Marie Gauthier est née à Annecy. Après des études de lettres, elle s'est dirigée vers le théâtre et vit à Paris. "Court vêtue" est donc son premier roman.

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