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Mais pourquoi droite et gauche de l’ancien monde sont-elles incapables de se définir alors que les clivages gauche droite deviennent de plus en plus apparents au sein de LREM ?
©Thomas SAMSON / AFP

Mystère politique

Au sein de la majorité, des clivages s'affirment quand les valeurs centrales viennent perturber l'apparente homogénéité du mouvement d'Emmanuel Macron.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Comment expliquez-vous ce paradoxe qui consiste à ce que le clivage droite-gauche soit toujours présent au sein de la majorité et qu'en même temps, la droite et la gauche ont, dans leur propre appareil, autant de mal à se définir en ces termes et à dessiner ce qu'est la gauche, c'est qu'est la droite ?

Edouard Husson : A partir du moment où l’on tend à refuser le débat entre les partis et à faire émerger un seul parti de gouvernement, il est normal que le débat se déplace à l’intérieur de ce parti. Je vais faire dans la provocation en invoquant la comparaison avec les partis communistes de la grande époque: mais les luttes de faction y étaient très fortes! Le progressisme est, au XXè siècle, une idéologie cousine des totalitarismes. Je vous renvoie au magnifique livre de Jonah Goldberg, « Liberal Fascism », qui montre ce qu’est le totalitarisme mou qui menace nos sociétés. Le danger d’un grand parti progressiste qui tendrait à tuer le débat démocratique est réel. L’aspiration du Président, apparemment, est de tolérer des « réserves indiennes » d’opposants, dont la plus grosse, le Rassemblement National, aura une étiquette de repoussoir officiel. Du coup, la nature ayant horreur du vide, les débats vont se reporter à l’intérieur de LREM. Anticipons sur les étapes ultérieures: les purges. La première, exemplaire, sera sans doute celle d’Agnès Thil, qui finira par être exclue du parti pour ne pas être dans la ligne sur les réformes sociétales. 

Au sein de la majorité, quelles sont selon vous les questions et débats, réformes, qui provoquent l'apparition de dissensions sur le modèle traditionnel du clivage droite-gauche ? 

Je ne pense pas qu’il y aura de vrai débat sur le fond. Comment le voulez-vous après un discours de politique générale attrape-tout, où l’on ne pense qu’à répondre au sondage grandeur nature qu’ont été les élections européennes?  Donc on fait un peu d’écologie, un peu de réforme libérale, un peu de débat sur l’immigration, un peu de réforme sociétale etc... A chaque fois vous aurez un groupe plus ou moins important au sein de LREM qui exprimera son émotion, demandera un petit coup de barre dans l’autre sens. On n’en est plus à l’époque du grand Parti Socialiste où Rocard, Chevènement et Jospin défendaient des positions intellectuellement élaborées. Aujourd’hui, on est dans l’émotion, le malaise, l’état d’âme, la sensibilité. Imaginez-vous vraiment un débat sur Schengen, par exemple, comme le Premier ministre a semblé l’appeler de ses vœux? Tolérerait-on, au sein de LREM, une position de sortie de Schengen?  

Pourquoi la gauche et la droite ont-elles autant de mal à se définir à l'extérieur de la capsule LREM ? 

Elles en sont entièrement responsables. Regardez comme Mélenchon a été incapable de faire fructifier son résultat du premier tour de la présidentielle ! Il a eu peur de s’emparer du thème de la nation pour en refaire une notion de gauche. Même chose à droite: Wauquiez a d’abord eu envie de se mettre du côté des Gilets Jaunes puis les visiteurs du soir parisiens l’ont prié de prendre ses distances. Résultat, il a doublement raté sa cible: il aurait dû être au côté des vrais Gilets Jaunes, ce peuple de droite qui se soulevait, tout en pilonnant Macron et le gouvernement sur leur incapacité à ramener l’ordre public et sur leur instrumentalisation honteuse de l’extrême gauche et des casseurs, idiots très utiles du macronisme. Quand vous n’occupez pas l’espace politique, d’autres le feront à votre place. Wauquiez a eu cet aveu, le soir du résultat: LREM et le RN, a-t-il dit en substance, ont confisqué le débat ! Quand on revendique l’impuissance, il ne faut pas s’étonner de passer sous la barre des 10%. 

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