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Serge Federbusch : "la déroute de la droite a Paris s'explique par la peur de déplaire à un électorat réputé bobo"
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Dextra Mergitur

Serge Federbusch, président de l’association Aimer Paris et candidat aux élections municipales de 2020 revient sur les bouleversements qui ont touché la droite parisienne, notamment depuis le départ de la présidente du groupe LR Florence Berthout.

Serge  Federbusch

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité politique parisienne.

Il est l'auteur du livre L'Enfumeur, (Ixelles Editions, 2013) et de Français, prêts pour votre prochaine révolution ?, (Ixelles Editions, 2014).

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Atlantico : Alors que les élections municipales parisiennes sont prévues pour 2020, la présidente du groupe LR Florence Berthout a annoncé qu'elle quittait les Républicains et a clairement marqué son soutien au Président. Rachida Dati a dénoncé ce départ comme une "trahison". Comment expliquez-vous le délitement de la droite à Paris ?

Serge Federbusch : Cette déroute a de profondes racines. Depuis la défaite de 2001 face à Delanoë, la droite parisienne s’est recroquevillée sur des sortes de baronnies dans les arrondissements de l’Ouest. Leurs maires se comportaient en mini-féodaux : Claude Goasguen dans le 16ème et Philippe Goujon dans le 15ème notamment. Ils n’avaient ni envie ni intérêt réel à ce que la droite reprenne la mairie dite centrale. Ils auraient alors eu un patron en la personne du maire de Paris à qui ils auraient dû rendre des comptes. Ils n’auraient pu se défausser de leurs responsabilité devant leurs électeurs en invoquant l’impuissance de leur mairie d’arrondissement face au maire de Paris. Et tout cela sans aucun avantage financier ou prestige supplémentaire. Les barons de la droite parisienne ont donc laissé des pièces rapportées sans idée ni ancrage réel, telle Nathalie Kosciusko-Morizet, partir à l’abattoir avec pour résultat une défaite cuisante en 2014.

A ce désintérêt pour la reconquête de la mairie s’est ajoutée une forme de capitulation idéologique : la peur de déplaire à un électorat réputé « bobo ». Il n’était nullement question de dénoncer les errements d’Hidalgo sur la question de la circulation automobile par exemple. Lorsque, élu de 2008 à 2014, je tentais de lutter contre le réaménagement de la place de la République ou des avenues du 10ème arrondissement, le groupe UMP ne m’apportait aucun soutien. C’était une erreur grave car, quoi qu’on en pense, de nombreux Parisiens sont encore utilisateurs même occasionnels d’automobiles et ne comprennent pas qu’on les livre ainsi aux inepties de Delanoë et d’Hidalgo sans réagir.

Enfin est venu le macronisme auquel les opportunistes de la droite LR, saisis de panique, sont en train de céder dans le plus grand désordre. La bourgeoisie de l’Ouest parisien, effrayée bien plus qu’on ne l’a pensé par les Gilets Jaunes, a voté massivement Macron. Les élus LR pensent se sauver en suivant ce mouvement. C’est une erreur funeste car Griveaux et Macron estiment qu’ils peuvent parfaitement se passer d’eux et ne leur accorderont rien, à une ou deux exceptions près.

L'ancienne présidente du groupe LR fait le constat que son groupe n'est plus en état d'être une opposition efficace à la maire sortante. Elle ne semble pas d'ailleurs fermer pas la porte à une alliance avec LaREM. Au delà de la stratégie de réelection qu'un tel retournement sous-entend, ne fait-elle pas le constat d'un vrai changement de sociologie à Paris, où les classes moyennes semblent de moins en moins représentées ?

Le sauve-qui-peut des élus de « droite" qui tentent de rejoindre Macron procède à mon sens d’une erreur d’analyse. A Paris, le vote de droite pour Macron aux européennes est parfaitement corrélé à la quantité de gaz lacrymogène déversé par la police ces derniers mois. Il atteint des sommets dans le 8ème arrondissement, là où les manifestations les plus dures ont eu lieu. C’est un vote de peur et de classe mais, une fois la tension retombée, il n’est pas dit qu’il y ait un véritable enracinement macronien dans ces quartiers. La droite parisienne peut parfaitement assumer des positions fiscales, sécuritaires ou sur l’immigration bien plus tranchées que celles, ambiguës, de Macron et reconquérir son électorat. Mais elle n’est plus capable de réfléchir. Quant à la prétendue « boboisation » du reste de Paris : le centre et l’Est, elle se traduit pour l'instant par un vote écolo qui frappe la droite classique de stupeur. Pourtant, contrairement aux raccourcis sociologiques hâtivement pratiqués par les médias, les classes moyennes existent encore à Paris. Elles travaillent dans les professions libérales, le conseil, l’administration, le secteur culturel. L’opposition ferait mieux de leur parler des difficultés quotidiennes auxquelles elles se heurtent, en termes de logement, de sécurité, de transports ou de propreté de la ville.

Face à Anne Hidalgo, LaREM semble avoir réussi à faire passer l'idée qu'elle était la seule alternative à l'issue de cette élection, même si les Verts de Yannick Jadot ont assuré qu'ils étaient en mesure de prendre la capitale. Quelle place garde encore la droite dans cette  élection à venir ? 

La tactique de LREM à Paris est de rééditer le subterfuge de Macron en 2017, de faire oublier l’origine quasi exclusivement socialiste de ses cadres parisiens. Quand on songe que l’ancien adjoint d’Hidalgo à la propreté, Mao Péninou, responsable de la dégradation du cadre de vie, ou celui aux finances, responsable de la hausse de la dette, sont devenus macronistes, on mesure l’étendue de l’entourloupe. Benjamin Griveaux, le très probable candidat désigné par Macron, va multiplier des annonces en forme de mesurettes, comme récemment avec les horaires d’ouverture des marchés, pour dissimuler le fait qu’il n’a rien de différent à proposer que la poursuite de la politique d’Hidalgo par un autre clan.

Pour espérer reconquérir la ville, l’opposition - et pas seulement la droite - doit assumer une véritable alternance à ce qu’ont fait Delanoë et Hidalgo depuis 18 ans : cesser de brimer les utilisateurs de véhicules à moteur, réduire la pression fiscale et la dette, diminuer les effectifs pléthoriques de l’administration municipale notamment dans le domaine de la communication, supprimer les subventions aux associations de copains et coquins, mettre un terme aux achats ruineux d’immeubles à des fins clientélistes. Ainsi les nombreux abstentionnistes et même une partie des Parisiens qui ont décidé de voter en province où ils ont des résidences secondaires seront incités à revenir accomplir leur devoir civique dans la ville où ils vivent le plus clair de leur temps.

Avec Aimer Paris, l’association que je préside, nous nous préparons à offrir cette véritable alternative aux Parisiens. La réélection d’Hidalgo ou la victoire de ceux qui veulent faire comme elle, les macronistes, ou pire qu’elle, les Verts, n’est pas une fatalité.

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