En Europe, les « Indignés » défilent, la droite gouverne<!-- --> | Atlantico.fr
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"Les impasses du mouvement des Indignés apparaissent donc comme le reflet de la crise actuelle du progressisme dans les pays occidentaux."
"Les impasses du mouvement des Indignés apparaissent donc comme le reflet de la crise actuelle du progressisme dans les pays occidentaux."
©Reuters

Succès populaire mais échec politique

Le mouvement des « Indignés » est né il y a tout juste un an en Espagne, mais force est de constater que son impact politique a été extrêmement faible, une partie de l’Europe étant encore enfoncée dans la crise et l’austérité. Comment expliquer cet échec des mouvements progressistes ?

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Le mouvement des « Indignés », apparu en Espagne, fête son premier anniversaire. C’est un mouvement de citoyens qui se sont mobilisés de manière pacifique sur des places publiques, en premier lieu sur la Puerta del Sol à Madrid puis sur la place Syntagma à Athènes, ou près de lieux symboliques comme Wall Street, la City à Londres ou la BCE à Francfort. Ce mouvement s’est rapidement répandu dans de nombreux pays puisque le 15 octobre 2011, une journée mondiale de mobilisation des « Indignés » a été organisée dans plus de 80 pays.

Ce mouvement a suscité un très vif espoir de la part de celles et de ceux qui aspirent à une transformation du système ou qui se sont réjouis de cette forme de réappropriation par les citoyens de leur destin collectif. En effet, même s’il n’est pas toujours aisé d’identifier une idéologie indignée, les mouvements d’Indignés n’en véhiculent pas moins une critique du système économique et du fonctionnement de la démocratie représentative. Ils dénoncent ainsi la montée des inégalités et de la précarité. Ils rejettent les politiques d’austérité et plus largement l’emprise de la finance en défendant une supériorité de la démocratie sur le marché et du peuple sur l’« oligarchie ». Enfin, ils critiquent vivement au nom de valeurs éthiques la corruption et la cupidité qui caractériseraient la société actuelle.

Pourtant, un an après, force est de constater que l’impact politique des Indignés est extrêmement faible. Une partie de l’Europe s’est enfoncée encore un peu plus dans la crise et l’austérité. L’Espagne a basculé à droite lors des législatives de novembre 2011, le Parti populaire espagnol obtenant la plus large majorité absolue de son histoire au Parlement. La Grèce, quant à elle, fait face à un véritable chaos politique depuis les élections législatives de mai 2012.

On peut supposer qu’un grand nombre d’Espagnols, d’Italiens, de Portugais ou de Français partagent les différents constats établis par les Indignés, comme ils partageaient en partie les critiques formulées par les altermondialistes à propos de la mondialisation ou celles des partisans du « non de gauche » lors du référendum de 2005 sur la Constitution européenne. Pour autant, ces mouvements sont loin d’obtenir un soutien majoritaire. Comment expliquer ce paradoxe ?

La principale explication réside dans l’impasse à laquelle conduit aujourd’hui le refus du système tant politique qu’économique. Impasse d’abord sur le plan organisationnel. Les Indignés refusent de se structurer en mouvement, de désigner un porte-parole ou a fortiori de participer au jeu politique. Ils ne peuvent donc en aucun cas établir un rapport de force social ou politique et donc véritablement peser. Ils s’en tiennent par conséquent à une condamnation morale du système qui est en partie un aveu d’impuissance. Impasse sur le fond ensuite. Les Indignés, tout comme les altermondialistes ou les partisans du « non de gauche », dénoncent le système économique et politique, mais ils ont généralement les plus grandes difficultés à définir une alternative qui soit crédible et attractive aux yeux du plus grand nombre. Cela aboutit le plus souvent à un sentiment d’impuissance face à un système perçu comme une forteresse imprenable ou à la défense d’une alternative consistant à en revenir aux politiques menées durant les Trente glorieuses, époque dominée par les idées progressistes.

Les impasses du mouvement des Indignés apparaissent donc comme le reflet de la crise actuelle du progressisme dans les pays occidentaux. Cette crise réside dans l’incapacité des mouvements progressistes à pouvoir remettre en question la domination des idées conservatrices depuis les années 1980. Or, dans une ère de domination du conservatisme, les mouvements progressistes font face à un dilemme : soit ils rejettent le système en suivant une voie de transformation sociale qui apparaît largement vaine et impopulaire, soit ils s’y adaptent en prônant un social-libéralisme, à l’instar d’un Tony Blair ou d’un Gerhard Schröder, mais en ayant quelque peu le sentiment de trahir leurs idéaux.

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