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Roland-Garros : pourquoi les champions de tennis d’aujourd’hui s’usent plus vite qu’il y a 40 ans
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Intensif

Pour la première fois depuis 2015, la légende Roger Federer a décidé de participer à Roland-Garros. Il n'avait pas participé aux précédentes éditions suite à une opération du genou et pour s'économiser pour Wimbledon.

Gérard Dine

Gérard Dine

Gérard Dine est professeur de biotechnologies à l’École Centrale de Paris, président de l'Institut Biotechnologique de Troyes et chef du service d'Hématologie et d'Immunologie de l'Hôpital des Hauts-Clos de Troyes.

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Atlantico : Pourquoi le tennis est-il un sport ayant un impact important sur les corps ?

Gérard Dine : Il y a plusieurs raisons. Sur le plan biomécanique, c'est un sport asymétrique : il n'y a qu'un côté du corps qui travaille. Il y a un mouvement préférentiel d'un côté sur l'autre, ce qui est très important du point de vue biomécanique, par rapport à la morphologie des joueurs. C'est pour cela que vous avez énormément de blessures qui relèvent de la traumatologie chronique - rarement des accidents mécaniques graves aigus à la différence du vélo, du rugby, du football, du handball... Dans le tennis c'est ce que l'on appelle dans notre jargon des "sommations", des blessures d'accumulations sur l'appareil ostéo-articulaire, c'est à dire l'articulation, le cartilage, l'os les tendons les ligaments. C'est beaucoup moins mécanique du point de vue traumatique, mais mécanique du point de vue de la répétition, et avec une particularité asymétrique. Il y a des problèmes de dos, à cause des services, des problèmes de bras, parce que c'est un geste très particulier, très violent qui sollicite l'épaule et qui ressemble au bras du handballeur, au bras du lanceur de javelot... Ça c'est l'aspect structurel du joueur de tennis ;  il faut donc une grande vigilance dans la formation quand ils sont petits, parce que quand ils arrivent à l'excellence, ils ne sont pas toujours finis du point de vue de la croissance de la morphologie. Il y a donc des conséquences au niveau ostéo-articulaire et ligamentaire. Ils doivent donc être surveillés. Il faut mettre de la prévention, rééquilibrer le corps à cause de ce problème asymétrique et entraîner même les parties du corps qui ne servent pas pour pas qu'il n'y ait de distorsion.

Un manque de prévention peut-il avoir des conséquences graves ?

Il y a des disparitions d'espoirs par l'accumulation de blessures de sommations. Si l'on a pas "attaché la barrière", les joueurs peuvent être très bons entre 12 et 16 ans mais si jamais il y a un processus de croissance qui ne se fait pas bien, on se heurte à la barrière. On constate un décalage filles-garçons : les filles arrivent généralement plus tôt car elles finissent en croissance plus tôt. Elles sont plus vite excellentes car elles ont un avantage de finition de croissance. Les garçons sont toujours un peu décalés même si ces derniers temps, on a l'impression qu'il y a une nouvelle génération de joueurs qui arrive. Néanmoins, ces garçons qui arrivent peuvent se blesser parce qu'ils ne sont "pas finis".

Quel est l'état physique des joueurs les plus âgés ?

Il est évident que les joueurs de tennis anciens, à cause des nécessités des mouvements et parfois à cause de situations difficiles, et à cause de l'asymétrie, sont altérés. On constate des pathologies tendineuses, ligamentaires, au niveau de ce qui est au-dessus de l'articulation. Vis-à-vis des membres inférieurs, les deux jambes travaillent. Vis-à-vis du bras "utile", ce sont des pathologies articulaires, ils ont un vieillissement articulaire, au niveau du cartilage. On sent très bien qu'un tennisman qui a cumulé des blessures au dos et des blessures au bras "utile" souffre de pathologies aux articulations. C'est du vieillissement accéléré, plus rapide, même si on constate de grandes variations en fonction de la génétique, de la morphologie et du style de jeu (le jeu de Federer est plus "économique" que celui de Nadal). Si Federer est obligé de s'économiser, c'est parce qu'il ne peut pas enquiller sur le plan articulaire et musculaire une saison complète et les changements de surface sont compliqués à gérer de ces points de vue là. Ça explique aussi la difficulté de Serena Williams qui a un genou en délicatesse, ça survient chez elle parce que c'est usé. Elle a une morphologie, une puissance musculaire, elle va rentrer dans l'arthrose du genou en terminant sa carrière, avec 20 ans d'avance par rapport à la population moyenne.

Depuis 30 ans c'est un sport athlétique, avec une préparation athlétique énorme, qui ressemble à l'entraînement des athlètes. Vous avez des enchaînements de sprints très rapides, des enchaînements de longue durée parfois. La terre battue plus exigeante au point de vue énergétique : par rapport au temps de jeu sur un point, il ne suffit pas d'accélérer et conclure, il faut pouvoir tenir. Vous avez des profils physiologiques différents (Federer/Nadal), le style et la technique de jeu interviennent. On a des profils rapide (service volée) et des profils aérobie (récupérateurs), ils jouent avec les variations, ils essayent de délivrer d'un côté ou d'améliorer de l'autre, compenser d'un côté ou de l'autre, c'est pour ça que c'est difficile, parce qu'ils sont en explosivité, en résistance et en endurance, donc c'est un entraînement athlétique global sur les différentes filières énergétiques. Dans les années 70 les carrières étaient longues, mais ils jouaient moins souvent. Lorsque le sport est devenu professionnel, les carrières se sont raccourcies. Là, ça c'est un peu rallongé parce que l'environnement de prise en charge et de préparation est nettement meilleur. Depuis une quinzaine d'années les joueurs sont des athlètes complets, alors qu'il y a eu une phase intermédiaire où ça c'est raccourci parce qu'ils avaient du mal à tenir. Alors que ceux d'avant, Rod Laver par exemple, jouaient deux fois moins.

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